La Cour de cassation écarte toute mise en demeure préalable de la part du salarié en cas de prise d'acte

La Cour de cassation écarte toute mise en demeure préalable de la part du salarié en cas de prise d'acte

11.04.2019

Gestion du personnel

Dans un avis rendu le 3 avril dernier, la Cour de cassation écarte l'application des règles de droit civil à la prise d'acte. Le nouvel article 1226 relatif à la résolution unilatérale prévoit en effet une mise en demeure préalable. Cette précaution procédurale n'a pas lieu d'être en cas de prise d'acte, estiment les juges.

Parmi les modes de rupture du contrat de travail, il en est qui est purement prétorien : la prise d'acte par le salarié de la rupture de son contrat de travail. Créée par les juges dans des arrêts du 25 juin 2003, elle permet au salarié qui s'estime victime de manquements suffisamment graves de la part de son employeur, de prendre acte de la rupture de son contrat de travail, charge ensuite au juge de requalifier cette rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse ou en démission selon que les faits reprochés à l'employeur sont établis et d'une suffisante gravité, ou non.

Les différentes tentatives d'encadrement législatif n'ont pas prospéré. Le code du travail se contente de prévoir dans son article L.1451-1 les règles procédurales applicables à la prise d'acte sans en donner de définition ni l'encadrer.

Mais pour certains, des changements opérés par le droit civil ont rebattu les cartes. L'ordonnance du 10 février 2016 réformant le droit des contrats et ratifiée par la loi du 20 avril 2018, intègre dans le droit commun des contrats une nouvelle résolution unilatérale du contrat, sans intervention judiciaire, par le créancier par la voie de notification au débiteur défaillant. Cette procédure, purement prétorienne au départ, suppose une mise en demeure préalable du débiteur de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable (article 1226 du code civil).

A noter : cette condition peut être écartée en cas d'urgence.

C'est ainsi que la Cour de cassation a été saisie pour avis afin de savoir si, en cas de prise d'acte, le salarié doit d'abord mettre en demeure son employeur de respecter ses obligations. Des cours d'appel avaient déjà été amenées à se prononcer, mais faute de pourvoi en cassation, la Haute cour n'avait pas pu statuer à son tour.

Pas de mise en demeure préalable en cas de prise d'acte

Comme nous l'avons souligné, la prise d'acte n'est aujourd'hui régie par aucun formalisme. L'entreprise qui a saisi la Cour de cassation pour avis estime que la procédure qui régit désormais la résolution unilatérale du contrat de droit commun doit s'appliquer au contrat de travail et, partant, à la prise d'acte. Cela reviendrait ainsi à obliger le salarié à envoyer une mise en demeure préalable à l'employeur afin de lui demander de remplir ses obligations, préalablement à toute rupture du contrat de travail.

Si la Cour de cassation écarte l'application de la procédure civiliste à la prise d'acte du contrat de travail, ce n'est pas tant par un rejet de principe de l'application du droit civil au droit du travail que par des différences substantielles entre la prise d'acte et la résolution unilatérale du contrat.

Ainsi, dans le rapport annexé à l'avis, que nous avons pu consulter, le rapporteur n'écarte pas l'application du principe civiliste à la prise d'acte. En effet, aux termes de l'article 1105 du code civil, seules des règles légales spécifiques propres au droit du travail pourraient l'écarter. Or, le régime de la prise d'acte, comme nous l'avons rappelé, est uniquement prétorien.

Ce qui va amener la Cour de cassation à rejeter l'obligation d'une mise en demeure préalable à la prise d'acte ce sont les différences fondamentales entre les deux régimes, parmi lesquelles le fait que la rupture unilatérale de droit commun est par nature extrajudiciaire, alors que le salarié qui prend acte de la rupture de son contrat n'a pas d'autre choix que de saisir le juge pour voir reconnaître le bien-fondé de son acte. La prise d'acte apparaît également plus large, notamment parce que le salarié peut invoquer des faits autres que des manquements de l'employeur à ses obligations contractuelles.

La Cour de cassation en conclut, dans son avis concis, que "les modes de rupture du contrat de travail, à l'initiative de l'employeur ou du salarié, sont régis par des règles particulières, et emportent des conséquences spécifiques, de sorte que les dispositions de l'article 1226 du code civil ne leur sont pas applicables".

Dans l'hypothèse où une solution contraire aurait été retenue, le rapporteur souligne que l'exception de l'urgence prévue à l'article 1226 du code civil permettant de passer outre la mise en demeure préalable retirerait sans doute tout intérêt à la procédure appliquée à la prise d'acte.

 

Les faits de l'affaire

Un salarié a pris acte de la rupture de son contrat le travail le 17 novembre 2017. Le 24 novembre 2017, son employeur lui a enjoint de reprendre le travail, avant de le convoquer à un entretien préalable de licenciement par courrier du 8 décembre 2017. Il est par la suite licencié pour faute grave le 27 décembre 2017.

Il a saisi les juges de demandes de rappels de salaire au titre des heures supplémentaires, de dommages-intérêts pour harcèlement moral, travail dissimulé, non-respect des dispositions relatives à la durée du travail et des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La société a alors saisi pour avis la Cour de cassation sur l'application de l'article 1226 du code civil à la prise d'acte de la rupture du contrat de travail.

 

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- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Florence Mehrez
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