Dans un arrêt publié hier, la Cour de cassation confirme le lien de subordination entre un chauffeur et la plateforme Uber pour laquelle il travaillait. Parmi les motifs invoqués, l’impossibilité de constituer sa propre clientèle, de fixer librement ses tarifs ou encore de déterminer les conditions d’exécution de sa prestation de transport.
C’est une décision qui fera date. Dans un arrêt publié, hier, sur son site, la haute juridiction requalifie en salarié un chauffeur VTC auto-entrepreneur travaillant pour Uber. La chambre sociale a estimé que le lien de subordination est caractérisé et qu’il ne doit donc pas être considéré comme un travailleur indépendant. Son statut était "fictif".
Gestion du personnel
La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :
- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.
Car bien qu’il soit inscrit au "Registre des métiers", ce chauffeur est "loin de décider de l’organisation de son activité, de rechercher sa clientèle ou de choisir librement ses fournisseurs", rappelle la Cour dans sa note explicative.
De fait, pour les magistrats, "le chauffeur qui a recours à l’application Uber ne se constitue pas sa propre clientèle, ne fixe pas librement ses tarifs et ne détermine pas les conditions d’exécution de sa prestation de transport". Par ailleurs, "à partir de trois refus de courses, la société Uber peut déconnecter temporairement le chauffeur de son application". En outre, "en cas de dépassement d’un taux d’annulation de commandes ou de signalements de comportements problématiques, le chauffeur peut perdre l’accès à son compte".
Enfin, "le chauffeur participe à un service organisé de transport dont la société Uber définit unilatéralement les conditions d’exercice". Elle en déduit ainsi qu'il existe bien un lien de subordination entre le chauffeur et Uber, ce dernier se caractérisant par trois éléments : "le pouvoir de donner des instructions, le pouvoir de contrôler l’exécution ainsi que le pouvoir de sanctionner le non-respect des instructions données".
Pour rappel, en 2016, un chauffeur s'inscrit sur la plateforme Uber et signe avec la société un contrat de partenariat. Quelques mois plus tard, son compte est définitivement désactivé. Il saisit le conseil de prud'hommes contestant les conditions de cette rupture qu'il analyse en un licenciement abusif et demande la requalification du contrat de prestation en contrat de travail. Dans un premier temps, le conseil de prud'hommes s'estime incompétent n'y voyant qu'une simple relation commerciale.
La cour d'appel de Paris conclut à l'existence d'un contrat de travail et à la compétence du conseil de prud'hommes qui devra juger les conséquences de la rupture du contrat de travail. La société Uber annonce aussitôt sa volonté de se pourvoir en cassation contre cette décision d'appel. Mais la Cour rejette le pourvoi et donne gain de cause à la cour d’appel.
Au-delà des conséquences concrètes pour le plaignant, l’arrêt a une portée considérable pour l’ensemble des travailleurs des plateformes collaboratives. "Cet arrêt n’est pas une surprise mais jusqu’ici les décisions ne portaient que sur un examen partiel de la situation, indique Jean-Paul Tessonnière, avocat associé au sein du cabinet TTLA (Teissonniere, Topaloff, Lafforgue, Andreu Avocats). Il subsistait un doute de la chambre sociale de la cour de cassation".
En 2018, la haute juridiction avait, en effet, requalifié en salarié un livreur de "Take eat easy" car la plateforme pour laquelle il travaillait était dotée "d’un système de géolocalisation permettant [son] suivi en temps réel par la société" et disposait en outre d’un "pouvoir de sanction".
Mais cette fois, la Cour va un cran plus loin, en "examinant tout un faisceau d’indices qui permettent de requalifier le contrat de prestation de service en contrat de travail, poursuit Jean-Paul Tessonnière. En clair, elle énumère l’ensemble des critères que l’on peut utiliser pour caractériser le lien de subordination".
Le contentieux risque d’être important et pourrait ébranler le modèle économique des plateformes.
L’avocat a d’ores et déjà engagé une procédure devant le conseil des prud’hommes de Paris pour défendre plusieurs chauffeurs Uber. 90 personnes ont ainsi déposé un recours. D’autres pourraient suivre dans la foulée. De nombreux conducteurs pourraient s’appuyer sur cette décision pour demander la requalification de leur relation contractuelle avec Uber ou d’autres plateformes en contrat de travail.
Certains chauffeurs sont toutefois attachés à leur statut d’indépendant. Pour Sayah Baaroun, le secrétaire général du Syndicats des chauffeurs privés/VTC, cette décision "permet de récupérer le contrôle de notre profession. Les chauffeurs pourront opter pour le statut de salarié ou d’indépendant. Mais dans ce cas, ce sera à eux de fixer librement leurs tarifs et de définir librement les conditions d’exécution de la prestation de service. Les plateformes doivent juste permettre une mise en relation. Il est hors de question qu’un intermédiaire gère notre métier".
Des évolutions qui devraient permettre, selon Jean-Paul Tessonnière, de "civiliser ces plateformes qui devront définir des conditions d’exercice normales, soit en salariat, soit en de manière autonome".
A suivre...
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