Dans sa dernière circulaire de politique pénale concernant le contentieux environnemental, la Direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) fixe plusieurs orientations intéressant l'organisation judiciaire et ses acteurs ainsi que la réponse pénale. Pauline Dufourq, avocat au sein du cabinet Soulez-Larivière Avocats, nous explique ce qu'il faut en retenir.
Le 9 octobre 2023, la DACG a adopté sa nouvelle circulaire de politique pénale en matière de justice pénale environnementale.
A travers ce texte, le garde des Sceaux souhaite orienter la politique pénale en matière de justice pénale environnementale autour de trois axes :
- le renforcement de la coordination de l’action administrative et judiciaire à travers le déploiement des comités opérationnels de lutte contre la délinquance environnementale ;
- le renforcement de l’efficacité des enquêtes judiciaires traitant des atteintes à l’environnement ;
- et la mise en œuvre d’une réponse pénale ferme et adaptée en matière environnementale.
Remarque : l’adoption de la circulaire s’inscrit dans le prolongement de la loi du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée ainsi que de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets. Cette circulaire fait également écho aux travaux réalisés par un groupe de travail présidé par le procureur général près la Cour de cassation, François Molins, sur « le traitement pénal du contentieux de l’environnement » ainsi qu’à ceux menés pour rédiger le rapport de l’inspection générale de la justice.
Si les deux principaux thèmes intéressent plus particulièrement l’organisation judiciaire et ses acteurs, la dernière partie, consacrée à la réponse pénale, mérite de plus amples développements.
A cet égard, parmi les pistes développées par le garde des Sceaux, est évoquée la nécessité de développer une réponse pénale négociée à travers le recours à la convention judiciaire d’intérêt public environnementale (CJIPE) prévue par l’article 41-1-3 du code de procédure pénale.
D’emblée, il est intéressant de noter la pluralité des dossiers susceptibles d’être concernés par le recours à cet instrument de justice négociée. La circulaire indique à ce sujet : « cet outil se révèle aussi bien adapté au règlement d’affaires ayant entraîné des atteintes graves à l’environnement – imposant la poursuite d’un objectif prioritaire de remise en état du site pollué – dans des dossiers d’ampleurs à l’échelle nationale, qu’aux affaires dont le ressort géographique est limité et sans technicité particulière ».
Le recours à cet outil s’appréciera à la lumière de plusieurs critères, tels que :
- le caractère spontané de la révélation des faits ;
- le degré de coopération en vue de la régularisation de la situation et/ou de la réparation du préjudice écologique ;
- ainsi que des antécédents judiciaires de la personne morale.
Autrement dit, des poursuites pénales devront être privilégiées dans l’hypothèse de réitération de faits graves afin que la réponse pénale soit dissuasive.
En présence de victimes identifiées, ces dernières seront informées de la procédure de CJIPE afin d’être en mesure de « solliciter l’indemnisation de l’intégralité » de leur préjudice. La circulaire invite également les parquets à informer « les associations agréées du ressort susceptibles d’être concernées par le préjudice environnemental ».
De même, l’ensemble des dispositions prévues par l’article 41-1-3 du code de procédure pénale pourront être prononcées chaque fois que cela sera opportun et notamment :
- « le versement d’une amende d’intérêt public au Trésor public ;
- la régularisation de la personne morale avec la mise en place d’un programme de mise en conformité précis ;
- la réparation du préjudice écologique ;
- et l’indemnisation de la victime ».
Gestion d'entreprise
La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...
Parallèlement au développement de la CJIPE, le garde des Sceaux invite également à ce que les amendes d’intérêt public prononcées soient proportionnées et dissuasives.
La circulaire revient sur la distinction entre l’amende prononcée et la réparation du préjudice environnemental. Le texte rappel sur ce point : « que l’auteur d’une infraction environnementale est tenu de réparer intégralement les conséquences dommageables de celle-ci pour l’environnement. Ainsi l’amende pénale, qu’elle soit ou non prononcée dans le cadre d’une CJIPE, doit être appréhendée comme une sanction autonome. Elle est prononcée indépendamment des frais engagés sur le plan civil par la personne condamnée, pour la remise en état de l’environnement d’une part et pour l’indemnisation des parties civiles des différents préjudices subis d’autre part ».
Néanmoins les amendes prononcées doivent respecter le principe de proportionnalité et d’individualisation de la peine conformément aux exigences de l’article 41-1-3 du code de procédure pénal : « le montant de cette amende est fixé de manière proportionnée, le cas échéant au regard des avantages tirés des manquements constatés ». Selon la circulaire, les avantages tirés des manquements constatés seront évalués « en prenant en compte les profits obtenus par la personne morale grâce au comportement infractionnel ou l’avantage économique tiré de l’infraction ».
En outre, les amendes ne doivent pas dépasser « un montant d’amende maximal à 30% du chiffre d’affaires moyen annuel calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date du constat des manquements ».
La circulaire insiste enfin sur l’impérative nécessité « d’imposer une remise en état du milieu ». Cette remise en l’état devra ainsi être « systématiquement recherchée et vérifiée, en articulation avec les éventuelles actions administratives ». Le texte précise à cette occasion que la remise en l’état « nécessite la détermination de l’état initial des milieux impactés pour la caractérisation des dommages directs et indirects et pour le dimensionnement des mesures de réparation ». Avant d’ajouter que l’objectif de ces mesures de réparation ou de compensation « doit tendre à l’absence de perte nette de biodiversité ».
Parallèlement aux développements de la CJIPE, les parquets sont invités à privilégier une réponse pénale pédagogique. La circulaire relève ainsi que « pour les infractions de basse intensité n’ayant pas entraîné de dommages environnementaux graves et irréversibles, notamment celles impliquant exclusivement des personnes physiques, les parquets privilégieront, autant que possible, les alternatives aux poursuites et les compositions pénales ».
Dans cette même logique, les parquets sont invités à mettre en œuvre :
- « des stages de citoyenneté à contenu spécialisé » ;
- « des mesures de travaux non rémunérés à vocation écologique » ;
- ainsi que des travaux « d’intérêt général à vocation écologique ».
La publicité du jugement de condamnation dans la presse pourra également être requise lorsque cela sera possible.
Le dernier axe vise à tenir compte des enjeux financiers inhérents à ce contentieux. Les parquets sont ainsi invités en parallèle des infractions environnementales à relever « les infractions de faux et d’usage de faux lorsqu’elles sont constituées, ce qui est fréquemment le cas notamment dans l’hypothèse de trafic de déchets ou de trafic d’espèces animales protégées ».
Dans la même logique, les parquets devront vérifier « si les faits sont en lien avec des infractions relatives au travail illégal, à l’escroquerie, au blanchiment ou à la corruption ».
Afin d’appréhender les gains financiers générés par ces infractions, les parquets sont invités à réaliser « des enquêtes patrimoniales » et de recourir à « la saisine de l’AGRASC » dans les conditions prévues par les textes.
En dernier lieu, la circulaire rappelle les peines complémentaires susceptibles d’être retenues face à des atteintes graves et afin de faire cesser la situation infractionnelle (conformément aux dispositions des articles L.173-7 et L173-8 du code de l’environnement). Parmi les peines complémentaires qui pourront être sollicitées par les parquets, il convient de noter :
- « l’interdiction d’exercer l’activité professionnelle dans l’exercice ou à l’occasion de laquelle l’infraction a été commise pour une durée qui ne peut être supérieure à cinq ans ;
- l’arrêt ou la suspension de l’activité ou l’utilisation d’une installation à l’origine de l’infraction ;
- la confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l’infraction ou de la chose qui en est le produit direct ou indirect ».
Le message porté par cette circulaire est le suivant : la rationalité économique doit désormais s’inverser.
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