Au-delà de la prévention du risque, la délégation de pouvoirs représente un acte de management fort, où le délégant s’en remet au délégataire pour la prise de responsabilités. Voici le second volet de notre série.
Les entreprises fonctionnent de plus en plus en mode projet, en mode collaboratif, où les salariés sont impliqués de façon transversale dans le développement. Pour Thierry Touquoy, responsable des systèmes de délégation de pouvoirs et de signatures au sein d’Airbus Opérations et d’Airbus SAS : « Ce fonctionnement nécessite de clarifier les responsabilités, c’est pourquoi la délégation de pouvoirs présente un intérêt organisationnel ». Lorsqu’un dirigeant transfère sa responsabilité pénale sur un tiers, il doit d’abord faire preuve de pédagogie. « Même si la prise de responsabilités est mentionnée dans la description de poste d’un collaborateur, il faut le rencontrer, avant de lui présenter la lettre de délégation, pour lui expliquer les enjeux », prévient Thierry Touquoy.
Gestion d'entreprise
La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...
Sur la forme, il faut soigner la rédaction de la délégation de pouvoirs : « La délégation de pouvoirs doit donner lieu à une clause "sur mesure", elle ne constitue en aucune façon une clause « prêt à porter », prévient Marc Segonds, avocat et professeur à l’université de Toulouse Capitole. Le document écrit doit être didactique et clair : « A la fois pour le juge, qui en cas d’infraction, devra établir les responsabilités et analysera la délégation de pouvoirs, mais aussi pour le délégataire, souvent peu au fait du droit », précise Thierry Touquoy. En d’autres termes, il faut éviter d’asséner un jargon « métier » trop technique et clarifier les zones d’ombres, en évitant les formulations du type « les bâtiments et infrastructures liées » (que veut dire « liées » ?). La délégation de pouvoirs doit définir précisément le périmètre des responsabilités, sachant qu’un délégant ne peut transmettre la totalité de ses pouvoirs.
Par ailleurs, un délégataire pressenti peut refuser d’endosser la responsabilité pénale, s’il estime que son contrat de travail subit une modification ou encore, que les trois critères nécessaires à la validité de la délégation ne sont pas réunis (compétence, autorité, moyens). Enfin, le délégant doit s’assurer que la délégation de pouvoirs « vit » bien, en maintenant le niveau de formation et de compétence de son délégataire, en lui donnant les moyens et l’autorité nécessaires à assurer sa mission. Chez Airbus, qui gère 264 délégations de pouvoirs, un logiciel fait sur-mesure permet de gérer ces documents, de les mettre à jour lors des changements éventuels de postes (la délégation prend fin avec le départ des parties), d’inclure les changements liés à l’entreprise, à l’évolution du droit, etc. « Incontestablement, un lien se créé entre le dirigeant et son délégataire, à l’occasion de la transmission des pouvoirs, commente Thierry Touquoy. Les échanges sont réguliers et le délégataire rapproche le délégant de la réalité du terrain ».

La gestion des délégations de pouvoir est aux confins du service juridique et du secrétariat général de l’entreprise, car elle mêle organisation et droit. Les juristes sont sollicités en tant qu’experts pour valider la viabilité de la délégation, notamment dans le cas où certains délégataires se trouvent à l’étranger. Dans une filiale, par exemple, il serait opportun de transférer les pouvoirs au directeur de l’entité sur place. « Mais il faut savoir que chaque pays a une approche particulière », explique Antoine de La Chapelle, délégué régional AFJE de Midi-Pyrénées et directeur juridique et assurances du groupe aéronautique Latécoère. En Allemagne, par exemple, le juge recherchera avant tout la responsabilité de la société, lors d’un contentieux, et va s’assurer que le dirigeant a correctement organisé la répartition des pouvoirs ». En France, en cas d’infraction à un texte pénal, on ira chercher la personne physique responsable.
En cas d’infraction, le dirigeant peut être mis en cause au pénal comme au civil, ce contre quoi il peut se prémunir en souscrivant une assurance responsabilité civile des mandataires sociaux : « L’assurance couvre aussi bien le délégant que le délégataire, y compris s’ils se renvoient la responsabilité, précise Hélène Boissan, directrice exécutive juridique de l’assureur AIG. Chacun choisit son avocat et l’assurance prend en charge les frais de procédure, voire les dommages et intérêts civils éventuellement prononcés ». Une sécurité supplémentaire dans le cas de figure délicat de la mise en cause des managers.
► Retrouvez le premier volet de notre série.
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