La diversification des cabinets comptables devient-elle une réalité ?
16.05.2023
Gestion d'entreprise
La diversification des structures - à l'origine - d'expertise comptable et de commissariat aux comptes en France est de plus en plus souvent évoquée. La retrouve-t-on dans leur chiffre d'affaires ?
Transmission d'entreprises, aide au pilotage, transition numérique, conseil en financement, gestion de patrimoine, RSE... Ces prestations non coeur de métier sont souvent évoquées par des cabinets comptables et des observateurs. Est-ce à dire qu'elles prennent de plus en plus de place dans ces structures dont l'activité repose traditionnellement sur la comptabilité, la fiscalité et la paie ? Et témoignent-elles effectivement de stratégies de diversification ?
Pour répondre à ces questions, il faut tout d'abord essayer de préciser ce dont on parle. Ce qui n'est pas forcément simple. Le Larousse définit la diversification comme l'élargissement de la gamme des activités et/ou des marchés auxquels une entreprise se consacre.
Certains évoquent aussi une définition plus restrictive, celle issue de la matrice d'Ansoff. Selon ce professeur russo-américain, la stratégie de diversification se manifeste par deux caractéristiques : 1) le lancement d'un nouveau produit et 2) sur un nouveau marché. Pour un expert-comptable offrant les services coeur de métier (comptabilité, fiscalité et social) exclusivement à des TPE, cela pourrait se manifester, par exemple, par le déploiement d'une offre — nouvelle donc — d'aide au pilotage à des PME. Si l'on retient cette approche, cela limite le potentiel de diversification des cabinets comptables. Et les deux définitions renvoient à un sujet qui est difficile à apprécier à l'échelle globale de la profession comptable puisqu'il faudrait, idéalement, analyser la stratégie de chaque structure d'exercice professionnel. Une offre d'aide au pilotage peut relever d'une nouveauté pour un cabinet mais de la continuité pour un autre.
En 2018/2019, plusieurs études montraient que les missions traditionnelles restaient prépondérantes. La diversification s'est-elle manifestée depuis ? Le célèbre classement du magazine La profession comptable, dont la version 2023 vient de sortir, apporte un éclairage sur la saison 2021/2022. "Ce tableau [celui des structures et réseaux pluridisciplinaires de plus de 150 millions d’euros de chiffre d’affaires] montre l’orientation à la croissance des activités et la poursuite de la stratégie de diversification des principaux acteurs du marché, avance Stéphane Raynaud. L’orientation de ces entités vers des activités autres que purement d'audit et d'expertise se développe d’année en année", argumente-t-il avant d'ajouter que "la mutation vers le pluridisciplinaire se développe également chez les structures dont le chiffre d’affaires total est inférieur à 150 millions d’euros".
Gestion d'entreprise
La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...
Ce constat s'appuie sur l'évolution globale du chiffre d'affaires issu des sociétés non inscrites à l'OEC et à la CNCC. Mais en valeurs relatives, il y a peu, voire pas, de changements. "Le «réglementé» est quasi-identique à l'an passé avec 64,6 % (vs 64,0 % en 2022) pour les structures de plus de 150 M€ et encore de 89,4 % (identique à 2022) pour les structures et leurs filiales de moins de 150 M€", résume le magazine. Et en deux ans, la situation n'a pas fondamentalement changé. "Le «réglementé» est identique à l’an passé avec 64 % pour les structures de plus de 150 millions d’euros et encore 89,5 % (92 en 2021) pour les structures et leurs filiales de moins de 150 millions d’euros", résumait déjà le magazine dans son classement 2022.
Ce constat global masque toutefois des disparités. Exemple : In Extenso voit ses activités "non réglementées" augmenter de près de 80 % pour la saison 2021/2022. BDO d'environ 68 %. KPMG d'environ 42 %. Fiducial d'un peu plus de 5 %. Cette distinction entre le "réglementé" et le non "réglementé" peut aussi cacher des tendances de nature différente. Exemple : une activité de paie peut être réalisée via une société inscrite à l'OEC comme via une structure qui ne l'est pas mais qui appartient à un groupe contrôlé par un expert-comptable. Mais cet exemple est peut-être purement théorique.
Que montrent les autres études sur ce sujet ? La dernière de l'Omeca laisse à penser aussi que les activités traditionnelles gardent la même place (relative) auprès des cabinets comptables. On y apprend que l'activité qui a le plus augmenté au 1er semestre 2022 (par rapport au 1er semestre 2021) est la tenue et la présentation des comptes annuels. Suivent la gestion sociale (paie...) avec + 37 %, les activités juridiques (+ 33 %), la déclaration d'impôt, le conseil fiscal et patrimonial (+ 32 %). Toutefois, le périmètre des structures interrogées est susceptible de limiter l'éventuel effet de la diversification. En effet, ce baromètre s'appuie sur 301 dirigeants ou managers de cabinets d’expertise comptable, de commissariat aux comptes et d’audit, ce qui peut exclure des structures périphériques qui ne seraient pas inscrites à l'OEC ou à la CNCC. De plus, la liste des réponses proposées est très connotée activités traditionnelles (comptabilité, fiscalité et paie) à l'exception de la présence des activités juridiques.
Moins récentes, les dernières études de l'Ordre des experts-comptables ne mettent pas en exergue de tendance nouvelle en matière de diversification des activités. Celle sur l'activité et la gestion des cabinets d'expertise comptable (édition 2020), qui analyse l'évolution des cabinets de 0 à 49 salariés, montre que la répartition du chiffre d'affaires a peu évolué entre 2010 et 2020. "Les missions comptables traditionnelles continuent de peser pour un peu plus des deux tiers du CA des cabinets dans leur ensemble", résume-t-elle tandis que la paie et les travaux annexes est passé de 13 à 15 % sur cette période. Toutefois, elle avance que les prestations des cabinets sont globalement diversifiées. "Au-delà des missions traditionnelles [...] les autres activités les plus répandues sont les missions relatives à la création, la transmission, la cession, la gestion, tableaux de bord ou pilotage, l’évaluation et l’accompagnement au financement", illustre cette étude.
L'étude de l'OEC sur les marchés de la profession comptable (édition 2020) laisse quant à elle à penser que les activités traditionnelles se sont développées davantage que les nouvelles. On y apprend que "la part des entreprises qui réclament à leur cabinet d’expertise comptable la tenue régulière de leur comptabilité avec l’établissement des comptes annuels et des déclarations fiscales progresse par rapport aux précédentes vagues d’enquête" et que "[la part] des entreprises (employant au moins un salarié) [qui] font appel à un professionnel de la comptabilité pour la prise en charge de la paie et des déclarations sociales [progresse]" mais que "si les entreprises mandatent globalement autant qu’auparavant leur cabinet pour du conseil fiscal, social, juridique et en gestion, elles le font moins concernant d’autres prestations telles que le conseil en financement, en informatique, ou en matière de développement durable, domaines où le taux de pénétration des experts-comptables était déjà réduit".
Qu'en est-il concernant le commissariat aux comptes ? La dernière étude du H3C sur ce marché montre que les services autres que la certification des comptes progressent plus vite que cette dernière. Entre 2018 et 2021, ils ont augmenté de 9,3 % contre seulement 1,5 % pour la certification des comptes. Mais ils ne représentent que 6,6 % du marché total. Et la question de leur contenu se pose : s'agit-il par exemple d'attestations ou, ce qui serait plus novateur, de diagnostics ?
Nos engagements
La meilleure actualisation du marché.
Un accompagnement gratuit de qualité.
Un éditeur de référence depuis 1947.
Des moyens de paiement adaptés et sécurisés.