Quelques sociétés pluri-professionnelles d’exercice émergent entre experts-comptables et avocats, entre notaires et avocats et entre conseils en propriété industrielle et avocats. Mais ce modèle reste contesté par certains prestataires.
"La société titulaire de l’étude [de notaires] a été inscrite au tableau de l’Ordre [des avocats au barreau de Paris] le 27 novembre dernier. Nous sommes donc devenu une SPE [société pluri-professionnelle d’exercice], affirme Bertrand Lacourte, un professionnel du droit devenu avocat après avoir été notaire pendant 30 ans. Une SPE naissante puisque aujourd’hui il y a deux avocats, précise-t-il. Moi-même et Alexandre Suter qui est un jeune avocat que j’ai engagé suivant un contrat de collaboration classique, poursuit-il. Nous étudions la possibilité de rapprochement avec des cabinets d’avocats de dimension différente. Je souhaite tenter la réconciliation des pratiques en matière d’immobilier en accueillant des praticiens du droit qui seraient des avocats", ambitionne ce professionnel.
"Cela fait des années que les notaires disent on va réinvestir le monde de l’entreprise, estime Philippe Glaudet, président du syndicat national des notaires. Malheureusement, ça n’arrive pas très vite. En se rapprochant d’un cabinet d’avocats, ça permet d’avoir cette offre supplémentaire", illustre ce professionnel qui plaide pour l’interprofessionnalité, surtout lorsqu’elle est formalisée par une même société d’exercice.
Le modèle de la SPE, institué en 2015 par la loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, commence aussi à se développer entre avocats et conseils en propriété industrielle (CPI) — rappelons que la SPE permet à plusieurs professions d'exercer dans une même société : avocat, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, commissaire-priseur judiciaire, huissier de justice, notaire, administrateur judiciaire, mandataire judiciaire, conseil en propriété industrielle, expert-comptable et, depuis la loi Pacte, commissaire aux comptes. "On pratiquait l’interprofessionnalité de fait avec plusieurs professions juridiques avant que la SPE n’apparaisse, avance Elise Lemoine, membre de la commission avenir de la profession et numérique de la CNCPI (Compagnie nationale des CPI). Notamment avec les experts-comptables de façon assez ponctuelle pour des questions de valorisations et avec les avocats avec qui on travaille main dans la main", développe-t-elle. Mais, selon elle, la collaboration entre CPI et avocats commence à prendre forme de façon structurée et intégrée. "Aujourd’hui, il y a 7 ou 8 cabinets qui sont organisés en SPE avec des avocats", affirme Elise Lemoine.
Gestion d'entreprise
La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...
Du côté des experts-comptables, les premières SPE émergent avec les avocats. En début d’année, le groupe SR Conseil annonçait sa fusion prochaine avec le cabinet d’avocat Lexalp. "L'objectif est avant tout de satisfaire les besoins de notre clientèle. Nous allons vers une stratégie de guichet unique, en déployant une offre de services verticale (traiter des aspects du droit des sociétés tout au long de la vie de l'entreprise) et horizontale (traiter l'ensemble des domaines du droit). C'est une complémentarité des services proposés", argumente Jean-Pierre Vuillermet, le président du groupe.
Le cabinet d’expertise comptable et de commissariat aux comptes Denjean & associés est lui aussi sensible au rapprochement avec les avocats sous la forme d’une SPE. "C’est quelque chose effectivement qui pourrait nous intéresser à très court terme. Notamment pour certaines missions de due diligences d’acquisition, c’est-à-dire pour des gens qui nous sollicitent par exemple pour des acquisitions de portefeuilles d’immeubles et qui ont besoin souvent de due diligences qui sont réalisées par des avocats inscrits au barreau parce que c’est souvent une exigence de l’établissement financier qui finance l’acquisition", illustre Thierry Denjean, président du cabinet éponyme.
Le groupe Implid (ex Segeco) a franchi le pas de la SPE entre experts-comptables et avocats. Et il espère intégrer d’autres métiers. "Nous sommes en attente d’autorisation de la chancellerie pour les huissiers et les notaires", livre Jean-Loup Rogé, le PDG de ce groupe.
On voit donc que la graine de la SPE commence à pousser. Est-ce à dire que ce mouvement va s’accélérer ? Certains professionnels l’espèrent. Vendredi dernier, des représentants de plusieurs organisations ont présenté en avant-première un colloque devant se tenir le 8 juillet prochain sur le thème de l’interprofessionnalité entre le chiffre et le droit, surtout via le modèle de la SPE. Etaient présents notamment Audrey Chemouli, membre du conseil national des barreaux, Philippe Glaudet, président du syndicat national des notaires, Nina Camatta, présidente de la commission attractivité de l’Ifec (institut français des experts-comptables et commissaires aux comptes) et Denis Raynal, président de ACE (avocats conseil d’entreprise).
Mais le modèle de la SPE, c'est à dire de l’interprofessionnalité dans une même société d'exercice, divise les prestataires eux-mêmes. Pour preuve, certaines organisations professionnelles ont déposé des recours en Conseil d’Etat pour faire annuler les textes d’application — l'ordonnance n° 2016-394 et le décret n° 2017-794. Coïncidence de l’actualité, la plus haute juridiction administrative vient de rendre ses décisions (voir les arrêts 412149 et 400192). Elle donne son feu vert à la SPE.
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