La loi 3DS change la donne pour les communes SRU

24.02.2022

Immobilier

Afin d'en renforcer l'efficacité, la loi 3DS du 21 février 2022 pérennise et adapte le dispositif SRU. L'obligation de construire des logements sociaux dans les communes SRU est maintenue tant que le taux de 20 ou 25 % n'est pas atteint.

La loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, baptisée plus simplement loi « 3DS », est publiée au Journal officiel du 22 février 2022. Parmi ses 271 articles, plusieurs dispositions importantes visent à pérénniser et adapter le dispositif de l'article 55 de la loi SRU qui impose à certaines communes de disposer de 25 % ou 20 % de logements sociaux dans leur parc de résidences principales. Le rôle du préfet de département est renforcé. Tour d'horizon des mesures...

Immobilier

La gestion immobilière regroupe un ensemble de concepts juridiques et financiers appliqués aux immeubles (au sens juridique du terme). La gestion immobilière se rapproche de la gestion d’entreprise dans la mesure où les investissements réalisés vont générer des revenus, différents lois et règlements issus de domaines variés du droit venant s’appliquer selon les opérations envisagées.

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Une nouvelle base légale pour le calcul du seuil de logements sociaux (art. 65, I, 3°)

En raison de la suppression de la taxe d'habitation, les résidences principales retenues pour le calcul du seuil SRU seront, à compter de 2023, celles figurant sur la liste transmise par l'administration fiscale. Cette liste sera principalement issue de la déclaration des propriétaires, prévue à l'article 1418 du CGI et portant sur les changements intervenus dans l'affectation d'un local d'habitation. Les logements concédés par nécessité absolue de service et ceux concédés à des militaires des armées dans des immeubles dépendant du domaine de l'État devront en être déduits.

Des exemptions plus lisibles et efficientes (art. 65)

Le législateur réécrit et affine les mécanismes d'exemptions existants. Il distingue les exemptions automatiques de celles prises par décret.

Exemptions automatiques

Les exemptions pour inconstructibilité de la moitié du territoire redeviennent automatiques comme avant la loi Égalité et citoyenneté de 2017. La liste des communes exemptées à ce titre fait l'objet d'un arrêté du préfet de département, une fois au moins au début de chacune des périodes triennales. Deux motifs d’exemptions pour insconstructibilité sont ajoutés : ils visent les zones exposées au recul du trait de côte à l'horizon de 30 ans (C. urb., art. L. 121-22-4) ou les périmètres de protection immédiate des points de captage d'eau potable (CSP, art. L. 1321-2). A compter du 1er janvier 2023, les programmes de construction de plus de 12 logements collectifs ou de plus de 800 m² de surface de plancher, réalisés dans les communes exemptées et non situées dans une agglomération ou un EPCI concerné par une faible tension de la demande de logement social, devront compter au minimum un quart de logements sociaux. Le préfet pourra, toutefois, déroger à cette obligation pour tenir compte de la typologie des logements voisins de l'opération. Par ailleurs, cette obligation n'est pas opposable aux opérations soumises à autorisation d'urbanisme tendant à la réalisation, sur des terrains affectés aux besoins du ministère de la défense, de logements destinés à ses agents.

Exemptions par décret

Les principes de la procédure d’exemption par décret restent inchangés. Au minimum à chaque début de période triennale, la liste des communes concernées est arrêtée sur proposition des EPCI dont elles sont membres, après avis du préfet dans la région et de la commission nationale SRU. L'avis du préfet de département est désormais également requis.

Les deux types d'exemptions existants évoluent :

  • le critère de mauvaise desserte par les transports publics est abandonné. L'exemption porte désormais sur les communes qui sont situées hors d'une agglomération de plus de 30 000 habitants et qui sont rendues faiblement attractives en raison de leur isolement ou des difficultés d'accès aux bassins de vie et d'emplois environnants. Cette notion doit être précisée par un décret en Conseil d'État ;

  • le critère d'appartenance à un territoire faiblement tendu est élargi à toutes les communes soumises à la loi SRU et non plus seulement aux communes appartenant à une agglomération de plus de 30 000 habitants.

Une possible opposition au déconventionnement (art. 74)

La loi 3DS soumet le déconventionnement des logements locatifs sociaux en territoires SRU à l'avis conforme du préfet de département et du maire de la commune concernée. Cette obligation vise toutes les communes SRU et celles dont le non-renouvellement d'une convention APL entraîne la sousmission aux obligations SRU. Les communes non assujetties à la loi SRU sont écartées. Cette contrainte pèse sur les bailleurs institutionnels, c'est-à-dire ceux possédant plus de 10 logements, qui décident de ne pas renouveler la convention APL de leurs logements. Ils doivent, au plus tard 30 mois avant son expiration, recueillir ces deux avis conformes. Jusqu'à présent, seul l'avis consultatif du préfet était requis au moins 24 mois avant l'expiration de la convention. Le maire en était seulement informé.

Quelques adaptations pour le prélèvement SRU (art. 67)

A l'instar des communes percevant la dotation de solidarité urbaine (DSU), les communes bénéficiant de la troisième fraction de la dotation de solidarité rurale (DSR) sont désormais exonérées du prélèvement SRU, à condition de disposer de plus de 20 % ou de 15 % de logements sociaux sur leur territoire selon que leur quota SRU est fixé respectivement à 25 % ou à 20 %.

Deux nouvelles dépenses exposées par la commune déficitaire peuvent venir en déduction du prélèvement SRU. Il s'agit des coûts d’éviction des terrains ou des biens immobiliers mis ensuite à disposition pour la réalisation de logements sociaux ou de terrains familiaux compris dans le décompte SRU ainsi que des dépenses liées aux aires de grand passage des gens du voyage.

Enfin, un contrôle de l’usage des fonds issus du prélèvement SRU par le préfet de département est instauré. En cas de non-conformité à la loi, il est assorti d’une suspension des versements non conformes et de leur réallocation à un nouveau bénéficiaire, dérogeant ainsi aux règles d'affectation de ces fonds. Un décret en Conseil d’État doit parfaire le dispositif et permettre son entrée en vigueur.

Un plan triennal de rattrapage différencié (art. 68)

La loi 3DS supprime l'échéance de 2025, inatteignable pour beaucoup de communes déficitaires ou carencées. Elle pérennise ainsi le dispositif SRU en aménageant un rythme de rattrapage de référence « glissant »  ainsi que des possibilités de dérogation, à la baisse, voire à la hausse, si le fonctionnement des marchés locaux de l'habitat le permet et avec l’accord du maire concerné.

Un rythme de rattrapage de référence

L'objectif de réalisation de référence est fixé, par période triennale, à 33 % du nombre de logements sociaux à réaliser pour atteindre le taux cible qui est imposé à la commune. A mesure que l'écart avec le taux cible se réduit, il est rehaussé de :

  • 50 % pour les communes dont le taux de logement social au 1er janvier de l'année précédant la période triennale présente un écart compris entre deux et quatre points avec le taux cible ;

  • 100 % pour les communes dont le taux de logement social au 1er janvier de l'année précédant la période triennale présente un écart inférieur à deux points avec le taux cible.

Taux cible imposé à la commune

Taux de logements sociaux au 1er janvier de l'année précédant la période triennale

Taux de rattrapage triennal de référence

25 % de logements sociaux

> 23 %

33 %

Entre 23 et 21 %

50 %

< 21 %

100 %

20 % de logements sociaux

> 18 %

33 %

Entre 18 et 16 %

50 %

< 16 %

100 %

Une dérogation pour les communes signant un CMS

La signature d'un contrat de mixité sociale (CMS) par une commune déficitaire lui permet de réduire son objectif de rattrapage. La loi fixe un plancher puisque l'objectif inscrit dans le contrat ne peut être inférieur à 25 %, 40 % ou 80 % du nombre de logements sociaux à réaliser pour atteindre le taux cible pour les communes dont l'objectif de réalisation de référence est fixé respectivement à 33 %, 50 % ou 100 %. Cet aménagement à la baisse de l’objectif est limité dans le temps : il ne doit pas dépasser trois périodes triennales consécutives, sauf dérogation préfectorale intervenant sur demande motivée de communes de moins de 5 000 habitants ou dont le territoire urbanisé est inconstructible à hauteur de 30 à 50 %.

Une dérogation pour les communes signant un CIMS

La mutualisation intercommunale existante est remplacée par un dispositif de mutualisation fondé sur la conclusion d'un contrat intercommunal de mixité sociale (CIMS) pouvant être mis en oeuvre sur plusieurs périodes triennales. Cette démarche partenariale ne s'adresse qu'aux communes déficitaires membres d'un EPCI à fiscalité propre couvert par un PLH ou un document exécutoire en tenant lieu. Après avis de la commission nationale SRU, le CIMS fixe les objectifs de réalisation de logements locatifs sociaux à atteindre pour chacune des communes déficitaires en respectant les règles suivantes :

  • la réduction de l'objectif de la commune déficitaire opérée par le CIMS ne peut dépasser 50 % de son objectif de référence pour la ou les périodes triennales concernées. Une même commune ne peut bénéficier d'une réduction de son objectif de rattrapage pour plus de deux périodes triennales consécutives ;

  • la fixation d'objectifs de réalisation de logements locatifs sociaux supplémentaires par le CIMS nécessite l'accord de la commune concernée ;

  • l'objectif de réalisation fixé par le CIMS pour l'ensemble des communes déficitaires de l'EPCI (somme des objectifs triennaux de ces communes), à chaque période triennale, ne peut être inférieur au nombre total de logements locatifs sociaux à atteindre par ces communes (en application du taux de référence).

Une dérogation pour les nouvelles communes SRU

Pour les « communes entrantes » depuis le 1er janvier 2015, l'objectif de rattrapage est fixé à :

  • 15 % du nombre de logements sociaux à réaliser pour atteindre le taux cible de la commune concernée, pour la première période triennale pleine ;

  • 25 % pour la deuxième période triennale.

A compter de la troisième période triennale, cet objectif est défini dans les conditions de droit commun (taux de référence ou taux réduit grâce à la signature d'un CMS ou CIMS).

A noter que lorsque la commune rejoint le dispositif SRU en cours de période triennale, l'objectif de réalisation initial pour la durée restante de la première période triennale est fixé à 10 % du nombre de logements sociaux à réaliser pour atteindre le taux cible.

Un cadre légal pour le contrat de mixité sociale (art. 69)

Le contrat de mixité sociale (CMS) est un outil partenarial créé par une instruction du gouvernement du 30 juin 2015, afin de renforcer les actions en faveur de la construction de logements sociaux dans les communes carencées. La loi 3DS le dote d'un cadre légal et en fait également un outil d'aménagement des objectifs de rattrapage des communes déficitaires (v. ci-dessus). Pour chaque période triennale couverte et pour chaque commune signataire, ce contrat détermine les objectifs de réalisation de logements sociaux ainsi que les autres engagements à atteindre (actions foncières, urbanisme, etc.). Outre l'aspect quantitatif, ce contrat doit faciliter la répartition équilibrée des logements sociaux. Il peut intervenir sur demande d'une commune déficitaire qui estime ne pas pouvoir atteindre ses objectifs légaux ou sur proposition du préfet de département ayant constaté la carence d'une commune.

Le contrat est conclu, pour 3 ans renouvelable, à l'échelle du territoire d'un EPCI à fiscalité propre ou, dans la métropole du Grand Paris, sur le périmètre de chaque EPT. A Paris, Lyon et Marseille, il doit, en outre, permettre d'assurer une répartition équilibrée et diversifiée de l'offre de logements entre arrondissements. Une part de la production de logements locatifs sociaux doit être prioritairement orientée vers les arrondissements disposant de moins de 15 % de logements sociaux.

Le nombre de personnes signataires est limité (commune, État, EPCI dont la commune est membre et, dans la métropole du Grand Paris, l'EPT dont la commune est membre) mais peut être étendu à toute personne morale susceptible, par son action, de contribuer aux objectifs de rattrapage (organisme HLM, etc.).

Les évolutions de la procédure de carence (art. 66, 70, 71 et 75)

La procédure de carence prend désormais en compte la possibilité d'aménagement des objectifs de rattrapage par CMS. Le bilan triennal est fondé sur le nombre de logements locatifs sociaux à réaliser à l'échelle communale en application de l'objectif de réalisation défini pour la période triennale.

Afin de renforcer les effets de la procédure de carence, la loi 3DS fixe un taux plancher pour la majoration du prélèvement SRU qui ne peut être inférieur au rapport entre le nombre de logements sociaux non réalisés et l'objectif total de logements (que cet objectif soit légal ou, le cas échéant, fixé par un CMS).

Certaines sanctions jugées contre-productives sont supprimées :

  • la suspension de la possibilité de construire du logement locatif intermédiaire ;

  • le transfert au préfet de la gestion du contingent communal des logements sociaux attribué en priorité aux ménages DALO, la suspension ou la modification des conventions de réservation passées par elle avec les bailleurs gestionnaires et l'obligation communale de communiquer au préfet la liste des bailleurs et des logements concernés.

Le transfert automatique de l'exercice du droit de préemption urbain au préfet est assoupli. Celui-ci peut y renoncer au cas par cas. Sur demande motivée de la commune initialement compétente, le préfet l'autorise, par arrêté motivé, à exercer ce droit pour un bien précisément identifié. L'arrêté peut également inclure la délivrance des autorisations d'urbanisme et d'occupation des sols pour ce bien lorsque cette compétence relève du préfet.

L'obligation de réaliser 30% de logements sociaux (PLUS/PLAI) dans les programmes de construction de plus de 12 logements collectifs ou de plus de 800 m² de surface de plancher sur le territoire des communes carencées est inopposable aux opérations (avec autorisation d'urbanisme) de logements destinés aux agents du ministère de la défense.

Enfin, la vente de logements sociaux est désormais interdite dans les communes carencées qui n'ont pas conclu de CMS. Ces ventes ont, en effet, pour conséquence de sortir ces logements du décompte SRU au terme d'une période de 10 ans. Seules restent possibles les ventes au bénéfice d'autres organismes d'HLM, lesquelles maintiennent le statut social des logements.

Laure DEFFONTAINES, Dictionnaire permanent Construction et urbanisme
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