Vingt des 234 articles qui composent la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN) ont été censurés par le Conseil constitutionnel. Cela n'entame toutefois pas l'ampleur de ce nouveau monument législatif de l'immobilier qui compte de nombreuses mesures articulées autour de la construction, du logement social, de la volonté d'améliorer l'accès à des logements dignes et du renforcement de la couverture numérique du territoire. L'avant-projet de loi a notamment fait l'objet d'une conférence de consensus devant le Sénat qui a permis de recueillir de plus de 150 contributions provenant de nombreux organismes professionnels, collectivités et associations et destinées à enrichir le texte soumis au Parlement.
Alors que le projet initial comportait 65 articles, le texte définitif en comportait 234 dont 20 ont été invalidés par le Conseil constitutionnel (Cons. const. n° 2018-772 DC, 15 nov. 2018 : JO, 24 nov.). Les griefs des députés portaient d'une part, sur des dispositions modifiant les règles régissant la construction dans les zones littorales et, d'autre part, sur l'assouplissement les normes d’accessibilité aux personnes handicapées applicables à la construction des bâtiments d’habitation collectifs. Ces textes ont été déclarés conformes à la constitution mais 19 articles ont été qualifiés de cavaliers législatifs, sans lien avec le projet initial et censurés. On reste surpris devant cette censure qui concerne par exemple des modifications de la loi du 6 Juillet 1989, alors que cette dernière est, par ailleurs, touchée par la réforme. La loi ELAN crée en effet, dans la loi de 1989, un nouveau titre consacré au bail mobilité (Titre Ier ter), mais cela n'a pas empêché le Conseil constitutionnel de rayer de la loi l'élargissement de la composition des SCI familiales aux couples unis par un PACS ainsi qu’aux concubins notoires depuis au moins un an, la révision périodique de la liste des charges récupérables sur les locataires, la notification des coordonnées des locataires au syndic. Rien ne s'opposera à ce que ces mesures réapparaissent à l'occasion d'un nouveau texte mais cela retardera d'autant leur entrée en vigueur, ce qui est regrettable.
Sur le même fondement, la loi a été expurgée des mesures destinées à faciliter l'accès à l'immeuble des huissiers, des services du logement ou de l'INSEE. L'observatoire des diagnostics immobiliers destiné à améliorer la connaissance de l'état du parc d'immeuble en centralisant les différentes données recueillies a également été supprimé. Enfin, un dernier article a été déclaré non conforme à la constitution pour n'avoir pas respecté le principe de la séparation des pouvoirs (L. ELAN, art.196, relatif à la salubrité).
La gestion immobilière est fortement touchée par la loi ELAN et ses dispositions, nouvelles ou modifiées, feront l'objet d'un prochain bulletin spécial. Nous mentionnons ci-dessous quelques-uns des articles qui y seront commentés.
Les mesures entrent, en principe, en vigueur le 25 novembre 2018. Certaines nécessitent des décrets d'application ce qui diffère leur entrée en vigueur.
Modifications relatives aux baux d'habitation
La grande nouveauté est la création d'un titre supplémentaire dans la loi du 6 juillet 1989 (titre Ier ter) consacré au bail mobilité (L. ELAN, art. 107). Ce contrat de location a pour objet de remettre sur le marché des logements dont les propriétaires veulent recouvrer facilement la libre disposition. Il ne pourra être conclu qu’avec des locataires en formation professionnelle, en études supérieures, en contrat d'apprentissage, en stage, en service civique, en mutation ou en mission temporaire professionnelle pour une durée comprise entre un et 10 mois sans possibilité de prolongation.
La loi ELAN retouche ensuite quelques dispositions éparses de la loi de 1989 : elle harmonise par exemple la notion de décence pour les colocations à baux multiples et les hôtels meublés (L. ELAN, art. 141), met fin à la solidarité pour le paiement des dettes locatives en cas de violence conjugale (L. ELAN, art. 136) et supprime la mention manuscrite du cautionnement (L. ELAN, art. 134).
L'encadrement des loyers revient sous forme de dispositif expérimental (L. ELAN, art. 139 et 140). Un décret devra en fixer les conditions d'application.
Par ailleurs, le législateur habilite le Gouvernement à définir un régime d’agrément des prestataires qui établissent, à l’aide d’outils numériques, des contrats de locations de logements nus ou meublés dans le cadre de la loi du 6 juillet 1989 (L. ELAN, art. 217). Il permet également la remise dématérialisée d'annexes au bail (L. ELAN, art. 128).
La loi ELAN revient sur le régime des locations en meublé touristiques afin de le clarifier et de renforcer les sanctions pour endiguer l'hémorragie de logements vers ce secteur dans les zones où le marché locatif est tendu (art. 145).
L'article 24 de la loi de 1989 est encore une fois modifié pour prévenir les expulsions en y intégrant la prise en compte d'une éventuelle procédure de surendettement (L. ELAN, art. 118).
L'action de groupe est ouverte aux associations de défense de consommateurs pour réparer les préjudices subis dans le cadre de la location d'un bien immobilier (L. ELAN, art. 138), brisant ainsi une jurisprudence statuant en sens inverse (par ex. CA Paris, ch. 4-3, 9 nov. 2017, n° 16/05321).
Modifications relatives à la copropriété
La loi ELAN donne le signal d'une réforme d'ampleur du droit de la copropriété puisqu'elle habilite doublement le Gouvernement à légiférer par voie d'ordonnance. L'ordonnance fondée sur la première habilitation est destinée à améliorer la gestion des immeubles et prévenir le contentieux et devra être prise avant le 24 novembre 2019, celle fondée sur la seconde habilitation codifiera les dispositions de la loi du 10 juillet 1965 et devra intervenir avant le 24 novembre 2020 (L. ELAN, art. 215).
Au cours des travaux parlementaires, plusieurs modifications et éclaircissements de la loi de 1965 ont en outre été adoptés. Ils portent sur la notion de lot de copropriété et celle de lot transitoire (L. ELAN, art. 206), le point de départ de l'application du statut (L. ELAN, art. 207), les droits accessoires aux parties communes (L. ELAN, art. 208), la pénalisation du syndic pour transmission tardive des pièces (L. ELAN, art. 203), la définition des parties communes spéciales (L. ELAN, art. 209), la définition des parties communes à jouissance privative (L. ELAN, art. 209), l'amélioration du recouvrement des charges (L. ELAN, art. 210).
Pour lutter contre l'absentéisme aux assemblées, la loi assouplit les règles de mandat et permet le vote par correspondance (L. ELAN, art. 211), elle envisage même la tenue des réunions en visioconférence (L. ELAN, art. 211). Le vote des travaux d'économie d'énergie est soumis à la majorité absolue (L. ELAN, art. 212). La prescription des actions personnelles entre copropriétaires ou entre copropriétaires et syndicat est ramenée à 5 ans (L. ELAN, art. 213). La prise en compte des parties communes spéciales par le fonds de travaux est intégrée dans la loi de 1965 (L. ELAN, art. 204) et le contenu minimal de l'extranet devra être fixé par décret (L. ELAN, art. 205).
Par ailleurs, confronté à la mise en oeuvre pratique du traitement des copropriétés dégradées, le législateur a opéré des ajustements de la procédure de carence et pour les traitements menés dans le cadre d'opérations de requalification des copropriétés dégradées (ORCOD) (L. ELAN, art. 202). L'accent est mis sur le relogement des occupants.
La loi ELAN oblige les syndics, à l’exception des syndics non professionnels, bénévoles ou coopératifs, à procéder au signalement des agissements des marchands de sommeil auprès du procureur de la République (L. ELAN, art. 193).
Favoriser la mixité sociale
La loi ELAN crée la cohabitation intergénérationnelle solidaire (L. ELAN, art. 117) qui permet à des personnes de 60 ans et plus de louer ou de sous-louer à des personnes de moins de 30 ans une partie du logement dont elles sont propriétaires ou locataires. Elle donne un cadre législatif propre à l'habitat inclusif qui est un mode d'habitat regroupé de personnes âgées ou handicapées (L. ELAN, art. 129).
La loi modifie les règles d'attribution et de gestion des logements locatifs sociaux (suppression des durées de préavis dérogatoires, location à des jeunes, modalités de prise en compte des ressources des demandeurs de logement, etc.).
Mesures diverses
On citera l'extension, sous certaines conditions, de l'application du dispositif fiscal "Cosse" en faveur de l'investissement immobilier locatif (autrement appelé "louer abordable") à des zones où le marché locatif n'est pas tendu (Zone C) (L. ELAN, art. 162).
La loi ELAN pose le principe de l’intégration des colonnes montantes au réseau public de distribution d’électricité ce qui réglera la question de la charge de travaux de maintenance ou de rénovation qui les concernent (L. ELAN, art. 176).
La gestion immobilière regroupe un ensemble de concepts juridiques et financiers appliqués aux immeubles (au sens juridique du terme). La gestion immobilière se rapproche de la gestion d’entreprise dans la mesure où les investissements réalisés vont générer des revenus, différents lois et règlements issus de domaines variés du droit venant s’appliquer selon les opérations envisagées.
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