La loi Justice du XXIe siècle et le droit des entreprises en difficulté

21.11.2016

Gestion d'entreprise

La loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, validée partiellement par le Conseil constitutionnel, apporte plusieurs modifications au droit des entreprises en difficulté. Il ne s'agit pas d'une réforme d'ampleur mais plutôt de sécuriser les moyens mis à la disposition des entreprises en difficulté par le législateur.

La loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, définitivement adoptée le 12 octobre 2016 (AN, 12 oct. 2016, doc. n° 824), est enfin promulguée (JO, 19 nov. 2016). La loi de modernisation de la justice du XXIe siècle a fait l’objet d’un recours devant le Conseil constitutionnel le 17 octobre sur plusieurs dispositions ainsi que l’ensemble du texte quant au respect du débat parlementaire. Sa décision était très attendue (Cons. const., n° 2016-739 DC, 17 nov. 2016). Les modifications apportées au Livre VI du code de commerce dans un chapitre III « adapter le traitement des entreprises en difficulté » de la loi Justice du XXIe siècle sont définitivement acquises. Nous reprendrons ici les principaux changements.
 
La prévention, encore et toujours renforcée
 
La question de l’information des représentants du personnel en cas de recours à un mandat ad hoc ou à une conciliation a toujours suscité débat. Certes, l’ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 avait tenté d’apporter une réponse en prévoyant dans un nouvel article L. 611-8-1 du code de commerce que le comité d’entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel sont informés par le débiteur du contenu de l’accord lorsque celui-ci en demande l’homologation. Il pouvait sans doute être déduit a contrario que, dans les autres cas, cette information n’est pas nécessaire. La loi du 18 novembre 2016 précise désormais expressément que le débiteur n’est pas tenu d’informer le comité d’entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel de la désignation d’un mandataire ad hoc (C. com., art. L. 611-3 mod.) ou de l’ouverture d’une conciliation (C. com., art. L. 611-6 mod.). Cette innovation doit apporter une certaine sécurité juridique en renforçant la confidentialité de ces dispositifs pour le dirigeant qui y recourt.
 
Sans doute en vue d’encourager le recours à la conciliation, un nouvel alinéa est inséré dans l’article L. 621-1 relatif à l’ouverture de la sauvegarde. Selon le nouveau texte, lorsque la situation du débiteur ne fait pas apparaître de difficultés qu’il ne serait pas en mesure de surmonter, en d’autres termes, lorsque les conditions d’ouverture de la sauvegarde ne sont pas remplies, le tribunal invite le débiteur à demander l’ouverture d’une procédure de conciliation. Ensuite, le tribunal statuera sur la seule demande de sauvegarde. L’objectif de cette modification est sans doute d’inciter le débiteur qui ne serait pas éligible à une sauvegarde, à utiliser un autre instrument, à savoir la conciliation.
 
Privilège de conciliation et adoption du plan par les comités
 
On se souvient que l’ordonnance du 12 mars 2014 a modifié l’article L. 626-20, I du code de commerce pour prévoir expressément que les créances garanties par le privilège de conciliation ne peuvent faire l’objet de remises ou de délais qui n’auraient pas été acceptés par les créanciers, dans le cadre du plan de continuation. Cette règle est reprise dans l’article L. 626-30-2, applicable au plan de continuation adopté par des comités de créanciers, sans doute afin de lever les doutes éventuels, mais à notre avis peu fondés, sur la portée de ce dispositif.
 
Remaniement des textes sur les modifications du capital ou des statuts dans le plan
 
Jusqu’à présent, les articles L. 626-15 à L. 626-17 du code de commerce régissaient les modifications statutaires ou du capital mentionnées dans le plan de continuation. Il était notamment prévu qu’en cas de nécessité, le tribunal pouvait donner mandat à l’administrateur de convoquer l’assemblée compétente pour mettre en œuvre ces modifications. Le tribunal pouvait également décider que l’assemblée compétente statuerait, sur première convocation, à la majorité des voix dont disposent les associés ou actionnaires présents ou représentés, dès lors que ceux-ci possèdent au moins la moitié des parts ou actions ayant le droit de vote. Sur deuxième convocation, les dispositions de droit commun relatives au quorum et à la majorité étaient applicables. Enfin, l’article L. 626-17 précisait que les associés ou actionnaires étaient tenus de libérer le capital souscrit dans le délai fixé par le tribunal et qu’ils pouvaient bénéficier de la compensation à concurrence du montant de leurs créances admises et dans la limite de la réduction dont elles sont l’objet dans le plan sous forme de remises ou de délais. Toutes ces dispositions sont abrogées par la loi du 18 novembre 2016.
 
En revanche, l’article L. 626-3 du code de commerce concernant le projet de plan prévoyant une modification du capital connaît deux modifications. D’une part, son champ d’application est étendu aux modifications statutaires. D’autre part, très exactement comme l’indiquait l’article L. 626-16-1 abrogé, le tribunal peut décider que l’assemblée compétente statuera sur les modifications statutaires, sur première convocation, à la majorité des voix dont disposent les associés ou actionnaires présents ou représentés, dès lors que ceux-ci possèdent au moins la moitié des parts ou actions ayant le droit de vote. Sur deuxième convocation, il est également fait application des dispositions de droit commun relatives au quorum et à la majorité.
 
Précisions sur les conditions d’ouverture du rétablissement professionnel
 
Il est prévu deux modifications de l’article L. 645-1 du code de commerce précisant, d’une part, que le débiteur doit être en cessation des paiements et, d’autre part, que son redressement doit être manifestement impossible pour bénéficier du rétablissement professionnel. Mais surtout, il est également ajouté que le débiteur ne doit pas avoir cessé son activité depuis plus d’un an. Cet ajout vient trancher le débat opposant certaines juridictions du fond, les unes estimant que le débiteur devait encore être en activité au moment de l’ouverture de la procédure, les autres non. Désormais, il importe peu que le débiteur soit ou non en activité et, s’il ne l’est plus, il doit avoir cessé son activité depuis moins d’un an, règle habituellement applicable à la liquidation judiciaire et dont le rétablissement professionnel est une alternative.
 
De nouvelles règles en faveur de l’impartialité
 
Le Président du tribunal qui a connu le débiteur dans le cadre des mesures de prévention ne pourra plus être désigné juge-commissaire dans la procédure collective dudit débiteur (C. com., art. L. 621-4 mod.). Cette interdiction participe d’une pratique déjà mise en œuvre par certains tribunaux consistant à établir une « muraille de chine » entre la prévention et les procédures collectives.
 
Toujours dans l’esprit de renforcer l’impartialité, l’article L. 662-7 du code de commerce est réécrit. Jusqu’à présent, il interdisait au juge-commissaire de siéger, à peine de nullité du jugement, dans les formations de jugement et de participer au délibéré de la procédure dans laquelle il a été désigné. Cette règle est maintenue, mais elle est étendue au juge-commissaire suppléant, au président du tribunal qui a connu le débiteur dans le cadre des mesures de prévention, au juge commis chargé de recueillir des renseignements sur la situation de l’entreprise et au juge commis désigné dans le cadre de la procédure de rétablissement professionnel.
 
Caractère suspensif de l’appel du ministère public
 
L’article L. 661-1, II du code de commerce prévoit que l’appel du ministère public est suspensif, à l’exception de celui portant sur les décisions statuant sur l’ouverture de la procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire. Parallèlement, l’article L. 661-6, VI prévoit que l’appel du ministère public est suspensif. Tout en complétant ce dernier texte par la règle prévue à l’article L. 661-1, II, le législateur ajoute « et s’il n’est pas limité à la nomination de l’administrateur, du mandataire judiciaire ou des experts ». En d’autres termes, comme c’est le cas depuis la loi du 26 juillet 2005, l’appel du ministère public en matière d’ouverture de procédure n’est suspensif qu’à propos de la liquidation judiciaire, mais ce sera également le cas, lorsqu’il est limité à la nomination de l’administrateur, du mandataire judiciaire ou des experts.
 
Il reste à préciser que toutes ces nouvelles dispositions ne sont applicables qu’aux procédures ouvertes après le 19 novembre 2016.
 
Ratification de plusieurs ordonnances
 
Enfin, la loi du 18 novembre 2016 prévoit que sont ratifiées les ordonnances n° 2014-326 du 12 mars 2014 et n° 2014-1088 du 26 septembre 2014 ayant réformé le droit des entreprises en difficulté mais également celle n° 2015-1287 du 15 octobre 2015 fusionnant les commissions d’inscription et de discipline des administrateurs et mandataires judiciaires. Est également ratifiée l’ordonnance n° 2016-727 du 2 juin 2016 relative à la désignation des huissiers de justice et des commissaires-priseurs judiciaires en qualité de liquidateur dans des « petites procédures » ou d’assistant du juge commis dans les rétablissements professionnels.

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La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...

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Philippe Roussel Galle, Conseiller scientifique
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