La moitié des seniors ont connu des relations de travail "dévalorisantes" au cours des cinq dernières années

La moitié des seniors ont connu des relations de travail "dévalorisantes" au cours des cinq dernières années

04.12.2024

Gestion du personnel

Compétences sous-estimées, absence de progression de carrière, usure professionnelle… Au travail, les seniors ne sont pas épargnés par les discriminations, selon le 17ème baromètre du Défenseur des droits. L’accord sur l’emploi des salariés expérimentés ratifié par la quasi-totalité des partenaires sociaux permettra-t-il d’inverser la tendance ?

Refus d'embauche, incitation à partir à la retraite de façon prématurée, difficultés à se maintenir dans l'emploi… Les discriminations des seniors de 50 ans et plus sont toujours vives dans le monde du travail, selon le 17ème baromètre du Défenseur des droits, réalisé en partenariat avec l'Organisation internationale du travail (OIT) et publié hier. Un quart des seniors déclarent avoir vécu de telles situations au cours de leur carrière en raison de leur âge ou de leur état de santé et un tiers d'entre eux se disent inquiets quant à leur avenir professionnel.

Une probabilité d’embauche des quinquagénaires deux fois inférieure à celle des trentenaires

Sous la triple influence de l’évolution démographique, des politiques publiques et du recul progressif de l’âge moyen d’entrée dans la vie professionnelle, le taux d’activité des 55 ans ou plus a presque doublé entre 1998 et 2021 pour se stabiliser autour de 25,2 %.

Il n’empêche. La France a beau avoir fourni des efforts, le chemin à parcourir reste encore long. Les salariés expérimentés restent confrontés à d’importantes difficultés : la probabilité d’embauche des quinquagénaires est deux fois inférieure à celle des trentenaires et seul un tiers des demandeurs d’emploi de 50 ans et plus retrouvent un poste. En 2021, près d’un senior sur six n’est ni en emploi, ni en retraite.

Parmi les salariés expérimentés, "ceux perçus comme non-blancs déclarent davantage avoir vécu des discriminations dans l’emploi (43 % contre 22 %).

En cause : les préjugés "agistes", les seniors étant considérés comme dépassés par les nouvelles technologies, de santé fragile ou coûtant cher aux entreprises.

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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"Plafond d‘âge"

Mais aux côtés des "outsiders", les "insiders" ne sont pas non plus épargnés. La moitié des seniors ont connu "des relations de travail dévalorisantes au cours des cinq dernières années". Avec à la clef, un manque de reconnaissance, des compétences sous-estimées ou encore l’attribution de tâches jugées "inutiles" ou "ingrates". Un sentiment perçu plus fortement par les ouvriers et les employés que par les cols blancs.

En outre, ils sont confrontés au "plafond d‘âge" qui limite leurs perspectives de promotion ou de mobilité choisie. "Lorsqu’ils expriment un souhait de mobilité interne et qu’ils parviennent à la dernière étape du processus, ils sont souvent déçus de constater que le décideur final choisit une personne plus jeune à compétences égales, voire moindres", observe le Défenseur des droits. Leur expérience n’est plus un "atout" mais devient un "handicap".

Des déconvenues qui poussent 22 % d’entre eux à démissionner ou négocier un départ. Pire : 16 % ont été licenciés ou n’ont pas vu leur contrat renouvelé.

Sans surprise, les seniors sont aussi davantage exposés à l’usure professionnelle : 37 % des salariés estiment que leur travail n’est pas tenable jusqu’à l’âge de la retraite.

Or, "la question du maintien et des conditions d’emploi des seniors se pose avec plus d’acuité encore depuis la réforme des retraites de 2023", rappelle le Défenseur des droits.  

Des politiques d’entreprise limitées ?

Face à de telles situations, les DRH ne sont pas pour autant démunis. L’arsenal législatif existe. Depuis 2009, les entreprises ont l’obligation de mettre en place des accords et des plans d’action en faveur de l’emploi des salariés expérimentés, en vertu du décret du 20 mai 2009. En outre, depuis 2010, le non-respect de ces obligations peut conduire à des pénalités financières (jusqu’à 1% des rémunérations). La loi Égalité et citoyenneté du 27 mars 2017 a également instauré pour les entreprises de plus de 300 salariés, une formation obligatoire à la lutte contre les discriminations.

Mais ces actions ont-elles porté leurs fruits ?

Selon le baromètre 46% des salariés indiquent que leur entreprise a mis en place des dispositifs permettant la prévention des risques en matière de santé, 44% des mesures favorisant la mobilité professionnelle, un tiers des actions permettant la reconversion professionnelle, la rupture conventionnelle ou le départ volontaire à la retraite.

Reste que les salariés veulent aller un cran plus loin. Parmi leurs revendications, ils plébiscitent la retraite progressive avec maintien des cotisations (49 %). En revanche, ils sont moins fans du compte épargne-temps qui permet de stocker les congés payés pour les réutiliser ultérieurement (12 % y font référence) ou encore de formation (9 %).

Campagnes de sensibilisation

Pour améliorer leur sort, les partenaires sociaux ont acté, à travers l’accord national interprofessionnel "en faveur de l’emploi des salariés expérimentés", une négociation obligatoire dédiée dans les branches, comme dans les entreprises (d’au moins 300 salariés) sur l’emploi des seniors tous les trois ans. Et validé un "contrat de valorisation de l'expérience, à titre expérimental pour une durée de cinq ans, ouvert aux demandeurs d’emploi de 60 ans et plus inscrits à France Travail (voire 57 ans si un accord de branche le stipule). En revanche, en cas de temps partiel, le texte ne fixe pas d'obligation sur le maintien des cotisations retraites, laissant à chaque entreprise le choix de compenser "tout ou partie". 

Mais en attendant la transposition du texte dans un projet de loi, le Défenseur des droits formule plusieurs recommandations immédiatement applicables. Parmi les pistes avancées, des campagnes de sensibilisation sur les discriminations, des dispositifs pour les signaler et les mesurer, une meilleure anticipation des fins de carrière ou encore la prévention et l’accompagnement des salariés face aux risques d’obsolescence des compétences et d’inadaptation aux postes de travail….

 

Anne Bariet
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