"La réouverture des NAO est un phénomène qu'on n'avait jamais vu et qui se multiplie dans les entreprises"

"La réouverture des NAO est un phénomène qu'on n'avait jamais vu et qui se multiplie dans les entreprises"

26.09.2022

Gestion du personnel

Le cabinet Voltaire Avocats a organisé le 21 septembre un webinaire sur les nouveaux dispositifs légaux visant à maintenir le pouvoir d'achat des salariés. L'occasion de préciser la manière dont les entreprises accueillent ces nouveaux dispositifs et leurs avantages et inconvénients.

Les nouveaux outils mis à la disposition des entreprises par les lois sur le pouvoir d'achat sont les bienvenus mais ils peuvent susciter des réticences de la part des entreprises. "On assiste à des blocages de site autour de la question du pouvoir d'achat. Les choses se tendent. Mais les entreprises anticipent un retournement du marché en 2023 et commencent à serrer les vannes, observe David Guillouet, avocat associé au sein du cabinet Voltaire Avocats. Il y a d'un côté des attentes compréhensibles des salariés et de l'autre la générosité bridée des entreprises car leurs marges de manoeuvre commencent à se resserrer".

La prime de partage de valeur pourrait rencontrer un meilleur accueil que la Pepa

La nouvelle prime de partage de la valeur (PPV) qui a pris le relais de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat, pourrait rencontrer un plus grand succès. Le cabinet Voltaire a ainsi interrogé ses clients et certains comptent bien "verser des primes assez significatives, indique David Guillouet. La moyenne du montant de la prime Pepa tournait autour de 300-400 euros. Avec la PPV, des entreprises vont verser jusqu'à 1 000 euros, voire même 3 000 euros". 

Par ailleurs, met-il en garde, "il y a eu une telle communication gouvernementale que celui qui décide de ne rien faire en termes de prime pouvoir d'achat s'expose quand même à une certaine tension auprès du corps social surtout si en parallèle il affiche des résultats pas trop mauvais". Même les PME et les ETI devraient "assez facilement mobiliser la PPV. Il a beaucoup d'attrait auprès des PME". D'autant que "la prime est favorable d'un point de vue social et fiscal et les salariés ne comprendraient pas pourquoi ils ne la perçoivent pas".

David Guillouet. souligne toutefois un "piège larvé" dans le régime de cette prime. "La prime étant pérenne, elle devient un élément de motivation comme les autres. Or, ce type de dispositif connaît souvent une dégradation de son régime social et fiscal et devient moins avantageux au fil du temps". 

Le supplément d'intéressement et de participation pourrait connaître un sursaut

La PPV peut toutefois être concurrencée par le supplément d'intéressement et de participation "qui est aussi un moyen de redonner du pouvoir d'achat aux collaborateurs au travers d'une majoration des sommes versées au titre de l'intéressement et de la participation, détaille David Guillouet. Il s'agit d'un dispositif pérenne qui existe maintenant depuis plus de 10 ans et qui permet, avec un formalisme extrêmement simple et uniquement sous condition d'avoir un accord d'intéressement ou de participation et d'avoir dégagé au titre de l'exercice clos au moins un euro de réserve ou un euro d'intéressement, permet de faire bénéficier les collaborateurs d'un supplément d'intéressement ou de participation".

Si l'avocat reconnaît que "ce n'est pas le dispositif le plus utilisé car la PPV est beaucoup plus intéressante d'un point de vue social et fiscal que la participation et l'intéressement", il constate toutefois que "certaines entreprises s'y intéressent quand même. "Le problème de la PPV est qu'elle crée un effet d'habitude auprès des collaborateurs et que les entreprises voient bien qu'à un moment ou à un autre ce dispositif qui était ab initio exceptionnel va devenir pérenne et finalement va devenir, même hors épisode un peu critique, une source de surcoûts pour les entreprises. Certaines réfléchissent donc à faire du panachage avec l'intéressement et la participation".

"Dans la mesure où le régime social et fiscal de la PPV va devenir moins intéressant et va être calqué sur celui de la participation et de l'intéressement pour tout le monde à partir du 1er janvier 2024, le supplément d'intéressement va peut-être revenir en grâce sur ce point" pronostique Louise Peugny, avocate associée au sein du cabinet Voltaire Avocats. "On a déjà des entreprises qui se posent la question de mettre en place un supplément d'intéressement début 2023 au titre de l'exercice 2022", observe-t-elle.

La réouverture des NAO, un constat inédit

Face à l'inflation et aux risques de tensions sociales, certaines entreprises font le choix de rouvrir les négociations annuelles obligatoires. "La réouverture des NAO est un phénomène qu'on n'avait jamais vu et qui se multiplie dans les entreprises, indique David Guillouet. Généralement, les entreprises font leur NAO au premier trimestre de l'année avec application rétroactive au 1er janvier de l'année en cours. Or, compte tenu de la pression ressentie par les entreprises sur le terrain du salaire, on constate - sous la pression des organisations syndicales - soit des réouvertures de NAO 2022 -  des entreprises relancent les NAO alors même qu'elles sont terminées, qu'elles ont même parfois donné lieu à des accords - ou d'autres vont jusqu'à anticiper la NAO 2023 et des entreprises qui, dès à présent, sont en NAO pour 2023". 

"On a effectivement des entreprises qui veulent donner un coup de pouce supplémentaire en cours d'année rouvrent la négociation ou alors anticipent sur leur calendrier habituel de négociation et qui négocient de manière circonscrite, n'ouvrent de manière anticipée que sur la question des salaires et renvoient les autres thèmes de la NAO au calendrier habituel, en général début 2023, confirme Louise Peugny. On constate aussi dans le cadre des NAO 2022, l'attribution de titres-restaurant ou l'augmentation de la participation employeur  et la majoration de la part patronale au financement de la mutuelle".

'La réouverture des NAO concerne plutôt les entreprises d"une certaine taille car il faut des organisations syndicales dynamiques, observe David Guillouet. Pour les entreprises de taille inférieure, beaucoup de chefs d'entreprise vont gérer les problématiques de pouvoir d'achat des collaborateurs au travers de majorations basiques de la feuille de paie, de primes, de mise en place de titres-restaurant, en tous cas via des dispositifs relativement simples à mettre en oeuvre".

Vers un flop de la monétisation des RTT ?

En revanche, David Guillouet ne prédit pas le succès de la monétisation des jours de RTT. "Les DRH sont un peu dans l'expectative car cela procède d'une démarche du collaborateur. C'est le collaborateur qui est censé présenter ses RTT pour qu'on lui rachète donc on ne peut pas avoir véritablement une démarche collective. De notre côté, nous les alertons : attention à ne pas créer de rupture d'égalité entre les collaborateurs. Autant on peut comprendre qu'une situation un peu tendue dans un service ou dans un établissement puisse justifier qu'on rachète des jours, autant le rachat à la tête du client pour faire plaisir à telle personne risque d'être un peu mal vécu par les collaborateurs. On incite les entreprises à être assez claires dans les critères de refus et à les formaliser même si ce n'est pas prévu par la dispositions".

 

La revalorisation de l'allocation de télétravail n'est pas encore au menu des négociations
"C'est un peu prématuré pour l'instant dans la mesure où aujourd'hui les entreprises ne savent pas encore à quelle sauce elles vont être mangées par le gouvernement et quelle part de solidarité le gouvernement va faire peser sur les entreprises", observe David Guillouet.
"Pour l'heure, les entreprises révisent les accords télétravail afin d'augmenter le nombre de jours permis de télétravail, voire de rajouter des jours de télétravail en fonction du coût du carburant, constate Louise Peugny. Mais ce sera un sujet parce que si on augmente le nombre de jours de télétravail, avec les coûts liés à l'énergie, on aura probablement des revendications pour augmenter l'allocation de télétravail puisque ce sont les salariés qui vont finalement supporter le surcoût".
 

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Florence Mehrez
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