Pierre-Guillaume Ferré, directeur général délégué de Plein Sens, cabinet de conseil et bureau d’études spécialiste des relations et des organisations du travail, souligne l'opportunité que peut constituer la mise en place de la semaine des quatre jours pour les entreprises. Cela nécessite toutefois une évaluation préalable des attentes et des risques.
Quelles sont les prérequis avant d'envisager de mettre en place la semaine de quatre jours dans son entreprise ?
Gestion du personnel
La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :
- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.
Il faut se poser deux questions essentielle. La première sur la durée du travail. La semaine des quatre jours est-elle la suite logique des 35 heures et s'inscrit-elle dans la tendance longue de réduire le temps de travail ? Ou s'apparente-t-elle plutôt à une nouvelle répartition du temps de travail sur quatre jours ? Si la seconde option semble être l'option majoritaire évoquée ces derniers mois, des ambiguïtés demeurent dans le débat public, certains syndicats par exemple prônant la semaine de 32 heures.
Cette première interrogation en amène une seconde sur la rémunération. En effet, si la mise en place de la semaine de quatre jours aboutit à réduire le temps de travail, il convient de s'interroger sur l'impact sur la rémunération.
La mise en place de la semaine des quatre jours concerne-t-elle potentiellement toutes les entreprises ?
Tout dépend justement du cadre fixé. Même si cela peut paraître évident, attention à ne pas raisonner comme si toutes les activités reposaient sur des horaires fixes, en journée, du lundi au vendredi. Ce n'est pas toujours le cas. Dans le cas par exemple d'une activité organisée par roulement, cela suppose de réfléchir de nouveau à l'organisation du roulement et pas simplement de manière arithmétique. Autre exemple, le forfait-jours : imposer de travailler quatre jours à des salariés en forfait-jours pourrait être perçu comme une limitation de leur autonomie. Dans cette situation, plusieurs hypothèses sont envisageables : réduire le nombre de jours travaillés, attribuer des jours de congé supplémentaires etc sans forcément avoir à renégocier les accords temps de travail.
Il est aussi très utile d'interroger le "travail réel". Il ne suffit pas d'établir une solution théorique qui fonctionne. Il faut rechercher les contraintes de l'activité qui ne sont pas forcément explicites et s'assurer que la semaine de quatre jours ne va pas créer de nouveaux problèmes ou en accentuer des existants. Par exemple, la qualité de travail fourni peut nécessiter que les salariés soient présents tous les jours.
La semaine de quatre jours peut-elle constituer une opportunité pour les entreprises et quels sont les points de vigilance ?
Le champ du questionnement est double ; le champ habituel des projets liés à la productivité : impact sur le service au client, sur les usagers, sur les conditions de travail des salariés, surtout si la mise en place de la semaine de quatre jours nécessite de "faire autant en moins de temps" ; mais également la question de l'attractivité (est-ce une mesure favorable à l'équilibre vie privée/vie professionnelle ?) en lien avec les attentes en termes de souplesse, flexibilité, d’autonomie dans l’organisation du travail.
Afin de prendre une décision, l'entreprise doit évaluer l'ensemble de ces dimensions et être vigilante à l'égard de plusieurs risques : celui de l'intensification du travail, de l'allongement de la journée de travail, de la dégradation des conditions de travail, du risque en termes de qualité de la production. Elle doit aussi se demander comment donner plus de souplesse aux salariés tout en maintenant un collectif efficace. La semaine de quatre jours constitue d'ailleurs une bonne opportunité pour satisfaire, de ce point de vue, les salariés qui n'ont pas de poste télétravaillable.
Comment accompagnez-vous les entreprises qui souhaitent passer à la semaine de quatre jours ?
Dans un premier temps, il s'agit de bien comprendre la diversité des métiers et des activités . Nous analysons si possible avec les salariés et les managers les difficultés auxquelles il faut répondre si l'entreprise passe à la semaine de quatre jours.
Dans un deuxième temps, nous recueillons sur le terrain les attentes et les craintes, ce qui permet d'appréhender les représentations sur la semaine de quatre jours et les réponses que les personnes envisagent si leur activité ne leur permet pas de passer à la semaine de quatre jours. Repos, souplesse, liberté, horaires décalés, plus d'autonomie, absences etc : ces entretiens permettent de comprendre de quoi on parle et de savoir à quoi correspondent les aspirations du corps social.
Enfin, dans un troisième temps, il s'agit de se demander ce qu'on pourrait faire évoluer en fonction des contraintes économiques et de l'activité d'une part et des attentes des managers et des salariés d'autre part. Ainsi, il est possible de tester plusieurs scenario sur plusieurs équipes. Le protocole d'expérimentation (à quelle échelle ? sur quelle durée ? quels indicateurs ou paramètres prendre en compte ?) dépendra alors des évolutions envisagées.
Comment faut-il formaliser la semaine de quatre jours ? Par un accord collectif ? Faut-il que le législateur intervienne pour fixer un cadre ?
Formaliser le passage à la semaine de quatre jours, après la phase d'expérimentation, par la conclusion d'un accord collectif est un objectif louable. En toutes hypothèses, avoir du dialogue social autour de cette question est un gage de réussite ultérieure.
Quant à la nécessité de légiférer, il existe déjà beaucoup de solutions possibles dans le cadre actuel pour aménager le passage à la semaine des quatre jours. En revanche, négocier au niveau interprofessionnel constitue toujours une option très intéressante. Un accord national interprofessionnel permet de susciter la discussion, de donner des repères.
Comment arbitrer en cas de divergences sur la volonté de passer à la semaine de quatre jours ?
L'une des questions à se poser est celle de savoir si le passage à la semaine de quatre jours repose sur le volontariat ou non, si deux organisations du travail vont cohabiter. Comme dans le cas du travail hybride, il convient d'organiser des discussions au sein des équipes pour partager les contraintes d'activité et les possibilités offertes par les différentes formules disponibles en termes de conditions de travail. Il s'agit de rechercher le meilleur compromis collectif. Dans tous les cas, la transition vers la semaine de quatre jours doit inclure les managers de proximité.
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