La sous-traitance comptable, une pratique qui prête à controverse (1°)

La sous-traitance comptable, une pratique qui prête à controverse (1°)

12.07.2017

Gestion d'entreprise

Si l’externalisation d’une partie de l’activité permet de répondre aux besoins des clients, la pratique reste peu répandue et peu visible dans la profession comptable. Voici le premier volet de notre enquête sur la sous-traitance : les enjeux.

Pas facile d’enquêter auprès des experts-comptables sur la sous-traitance dans leur profession. Parmi les cabinets contactés pour témoigner de leur retour d’expérience, peu ont accepté. La pratique existe mais à notre connaissance aucune enquête ou étude n’en fait état. Interrogé, le CSOEC a préféré décliner l’invitation, nous demandant de patienter jusqu’à la rentrée pour obtenir des réponses à nos questions. Pourtant, des prestataires, implantés notamment à Madagascar, réalisent une partie de l’activité que leur confient des cabinets comptables établis en France.

Gestion d'entreprise

La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...

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Plusieurs formes de sous-traitance existent dans le secteur. La plus visible étant la sous-traitance ponctuelle en commissariat aux comptes lorsqu’un cabinet confie une partie de ses missions d’audit pour quelques semaines par an. En expertise comptable, des missions sont confiées à des tiers lors de la période fiscale ou en co-traitance régulière tout au long de l’année, selon un planning pré-défini- (quelques jours par semaine par exemple) pour pallier une absence (congés de maternité, congés maladie) ou une carence dans une spécialité. Enfin, il existe des plateformes, telles que France comptabilité et Comptavia, de mise en relation entre des entreprises, des comptables indépendants exécutant certaines tâches en sous-traitance et des cabinets d’expertise comptable.

Un marché réel mais confidentiel

"Le marché est réel, induit par la surcharge de travail dans les cabinets et la disponibilité des jeunes experts comptables qui s’installent et construisent leur portefeuille client", observe Christophe Bernard, associé du cabinet Phase 2 Conseils spécialiste de l'accompagnement stratégique des cabinets d'expertise comptable. Mais ce marché reste, selon lui, «très confidentiel» et passe essentiellement par le bouche à oreille.

Des annonces sont néanmoins publiées, sur les sites des conseils régionaux de l’OEC ainsi que sur celui du club des jeunes experts-comptables et commissaires aux comptes (CJEC) qui a créé une bourse des compétences dans le but de mettre en relation de jeunes professionnels, nouvellement inscrits à l’Ordre ou à la Compagnie, avec des cabinets, ayant un besoin dans le cadre d’une mission. Une à deux annonces y sont publiées chaque semaine. Le CJEC préfère évoquer des contrats de co-traitance. "La co-traitance représente une opportunité pour proposer des heures à des confrères. Néanmoins nous constatons que plus de 80 % des annonceurs offrant des missions préfèrent garder l’anonymat", déclare Yves Pascault, président du CJEC. Pourtant, affirme-t-il, "pour soigner la satisfaction client, un cabinet a davantage intérêt à accepter une mission et à la sous-traiter qu’à la refuser". Un argument qu’il utilise volontiers pour promouvoir l’utilisation de la bourse de compétences en invitant ses confrères "à consulter les CV présents avant de refuser une mission".

Un manque d’organisation

Co-traitance et sous-traitance font l’objet de contrat. Pour autant, la profession ne semble pas avoir défini de règles précises en dehors de la couverture d’exercice illégal, expressément interdite aux entités d’expertise comptable. D’ailleurs, regrette Nicole Saunier-Gormezano, consultante de Phase 2 Conseil, "la pratique est peu organisée dans la profession. Or si une réflexion globale sur la gestion des compétences était menée, la sous-traitance comme la co-traitance pourrait se développer lorsque le cabinet de taille moyenne a besoin de compétences spécifiques dont il ne dispose pas et qu’il pourrait ainsi proposer à ses clients". A ce propos, "l’orientation de la profession vers le conseil devrait encourager les experts-comptables à s’approprier les méthodes de travail des consultants, qui n’hésitent pas à faire appel à une forme de sous-traitance organisée dans le cadre d’une approche structurée de leur offre", ajoute-t-elle. C’est également ce que pense Didier Poncet, past président du cabinet Axiome Associés à Montpellier et superviseur des séminaires stratégie marketing management communication au CFPC : "Les petits cabinets devraient développer une spécialisation et partager leurs compétences afin de proposer des offres à valeur ajoutée à leurs clients. La pratique n’est certes pas ancrée dans la culture des experts-comptables mais elle représente une piste pour tirer son épingle du jeu face aux gros cabinets". La co-traitance, qui suppose le co-pilotage du dossier, semble plus appropriée à cet ancien expert-comptable. "Elle est envisageable entre cabinets et avec des prestataires issus d’autres professions (juriste, spécialiste du marketing, communicant, etc.)", ajoute-t-il. Et devrait faire l’objet d’une organisation spécifique, via notamment la création de réseaux dédiés.

Véronique Méot
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