La SPE connaît un engouement modéré auprès des cabinets comptables (2°)

La SPE connaît un engouement modéré auprès des cabinets comptables (2°)

22.04.2020

Gestion d'entreprise

Les sociétés pluri-professionnelles d’exercice (SPE) entre experts-comptables et avocats peinent encore à se généraliser. Voici, dans notre second volet, le regard des avocats sur cette nouvelle opportunité.

Parce que c’était lui, et parce que c’était moi. Sans caricaturer Montaigne, les unions entre avocats et experts-comptables semblent bien reposer sur un même ADN, socle indispensable à leur future SPE. Joëlle Berenguer, avocate en droit social, présidente de la SPE francilienne Exosial indique : "Nous travaillions avec nos associés experts-comptables depuis 20 ans, la SPE était une évidence". Même constat pour Jean Boisson, avocat associé chez SR Conseil : "Nos deux sociétés avaient une complémentarité naturelle, nous nous connaissions depuis 25 ans pour certains. Il s’agissait d’ouvrir tout à fait une porte qui était déjà entrebâillée". Les motivations des avocats rejoignent celles des hommes du chiffre : une fluidité dans le traitement des dossiers, un gain de temps (et d’argent) pour les clients qui n’ont plus qu’un seul interlocuteur, l’ouverture à de nouvelles missions et de nouveaux horizons. Mais avant de constituer leur SPE et, surtout, de voir celle-ci inscrite au tableau des Ordres respectifs, les hommes du chiffre et ceux du droit doivent montrer patte blanche. Concernant les avocats, Audrey Chemouli, présidente de  la Commission du Statut professionnel de l’avocat au Conseil National des Barreaux explique : "Notre commission a un rôle prospectif sur l’exercice de la profession. Par ailleurs, nous rendons des avis techniques aux différents Conseils de l’Ordre de chaque barreau sur les problématiques posées par les structures d’avocats". Lesquels avis ne sont pas contraignants.

Gestion d'entreprise

La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...

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Les responsabilités en question

Dans les faits, les projets de SPE émanent aussi bien d’avocats installés que de jeunes professionnels, désireux d’unir leurs forces avec une autre profession libérale, pour créer un guichet unique. Les avocats en droit des affaires, les fiscalistes et les spécialistes du droit social sont naturellement les premiers enclins à s’allier avec un homme du chiffre. Et pour obtenir l’aval de leur instance, mieux vaut préparer la démarche à l’avance. "Les questions épineuses dans un projet de SPE sont notamment celles de l’indépendance, du conflit d’intérêts, du secret professionnel et de la responsabilité civile professionnelle", résume Audrey Chemouli. Comme les experts-comptables, les avocats sont soumis à une déontologie, ils sont indépendants de la puissance publique notamment. "Les statuts de l’entreprise doivent garantir que l’avocat ne se verra pas imposer de dossier client ni d’argumentaire, par exemple. Quant au secret professionnel, la lettre de mission doit informer le client de la circulation des informations auprès de différents professionnels, en lui donnant le choix de restreindre cette circulation s’il le souhaite", ajoute Me Chemouli. En cas de conflit d’intérêts entre avocat et expert-comptable, il est préconisé de réunir un comité ad hoc au sein de la SPE, qui décidera de quel dossier se départir, en bonne intelligence et sur fond d’intérêt économique pour la SPE. Quant aux responsabilités, chaque profession libérale souscrit sa propre assurance responsabilité civile professionnelle, additionnée d’une assurance spécifique à la SPE. Une façon d’être sur-couverts en cas de contentieux.

Différences de taille

Autre point : le partage des pouvoirs interpelle. "En cas de déséquilibre dans la répartition du capital social et des droits de vote dans la SPE, les avocats doivent pouvoir maintenir leur indépendance et leur secret professionnel. Les statuts doivent garantir le respect de ces deux principes, par exemple grâce à l’insertion de clauses avec droit de véto", précise Audrey Chemouli. Au-delà des questions techniques, il y a entre experts-comptables et avocats des différences de taille de structure et donc de pratiques. Les cabinets comptables fonctionnent avec un comité de direction resserré et un personnel salarié important, tandis que chez les avocats, les collaborateurs sont souvent libéraux et le personnel administratif restreint. Le cabinet Lexalp de Jean Boisson ne comptait ainsi que 24 personnes, lorsqu’il s’est associé au groupe SR conseil avec ses 400 salariés. "Nous nous sommes préparés à ce changement, à cette nouvelle dimension au sein d’une organisation différente. Cela a pris plusieurs mois pour analyser et mettre en œuvre le respect de nos différents principes déontologiques, par exemple structurer le secret professionnel au plan informatique, établir des statuts, un règlement intérieur… tout ce qui garantit la viabilité de notre SPE", résume l’avocat. La SPE Exosial a réuni quant à elle 30 personnes côté chiffre, et cinq côté droit. "Nous avons organisé l’égalité et la parité entre notre deux professions, avec deux hommes et deux femmes associés", indique Joëlle Berenguer. Créatrice de l’association d’avocats Résocial, qui prône l’entraide entre confrères, Me Berenguer confirme que la fibre associative et l’ouverture aux autres, confrères ou pas, est un pré-requis bien utile pour s’engager dans une SPE.

Olga Stancevic
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