La validité d’une rétractation de l’acquéreur par simple courriel s’apprécie au vu des circonstances de l’espèce

14.02.2022

Immobilier

L'envoi d'un courriel au notaire mandaté par le vendeur pour recevoir l’éventuelle rétractation d’une promesse de vente présente des garanties équivalentes à celles d’une notification par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

Selon l’article L. 271-1 du code de la construction et de l’habitation, l'acquéreur non professionnel peut se rétracter dans un délai de 10 jours à compter du lendemain de la première présentation de la lettre lui notifiant l'avant-contrat de vente. Cet acte doit lui avoir été notifié par lettre recommandée avec demande d'avis de réception (LRAR) ou par tout autre moyen présentant des garanties équivalentes pour la détermination de la date de réception ou de remise, et la faculté de rétractation est exercée dans ces mêmes formes.

Immobilier

La gestion immobilière regroupe un ensemble de concepts juridiques et financiers appliqués aux immeubles (au sens juridique du terme). La gestion immobilière se rapproche de la gestion d’entreprise dans la mesure où les investissements réalisés vont générer des revenus, différents lois et règlements issus de domaines variés du droit venant s’appliquer selon les opérations envisagées.

Découvrir tous les contenus liés

On savait déjà que la lettre recommandée électronique (LRE) pouvait valablement être utilisée pour purger le délai légal de rétractation lorsque les conditions légales de la LRE sont respectées (C. P. et communications électroniques, art. L. 100 et art. R. 53 et s.). La présente décision poursuit dans cette voie de la dématérialisation de la notification, en validant la rétractation des bénéficiaires d’une promesse unilatérale de vente, au moyen d’un courriel envoyé au notaire chargé de recevoir leur éventuel désistement. Ce courriel est jugé présenter « des garanties équivalentes » à celles de la lettre recommandée avec avis de réception au sens de l’article L. 271-1 du CCH.

Le courriel, moyen aux garanties équivalentes à la LRAR…

Dans cette affaire, un propriétaire a consenti à des époux une promesse unilatérale de vente portant sur un appartement. L’avant-contrat a été notifié aux bénéficiaires par LRAR mais ces derniers se sont rétractés dans les 10 jours en envoyant un courriel au notaire chargé de la rédaction de l’acte de vente. Ils ont confirmé cette rétractation et demandé la restitution de la somme séquestrée par LRAR postée le lendemain.

Le propriétaire les a alors assignés en paiement de l’indemnité d’immobilisation contractuellement prévue en cas de non-réalisation de la vente. La cour d’appel a accueilli sa demande, estimant que la notification par courriel ne présentait pas, pour la détermination de la date de réception ou de remise, des garanties équivalentes à celles de la lettre recommandée avec demande d'avis de réception, l'envoi d'un courriel ne permettant ni d'identifier l'expéditeur et le destinataire ni d'attester sa date de réception.

Elle a aussi précisé que si la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique et le décret du 9 mai 2018 affirment l'équivalence entre la lettre recommandée papier et la lettre recommandée électronique, cette équivalence ne peut pas être étendue à un simple courriel. Effectivement ici, le courriel envoyé au notaire ne remplissait pas les conditions exigées par la loi de 2016 et son décret d’application, codifiées au code des postes et des communications électroniques, pour constituer une lettre recommandée électronique.

Néanmoins, l’arrêt d’appel est censuré au visa de l’alinéa 2 de l’article L. 271-1 du CCH par les Hauts magistrats selon lesquels, au vu des circonstances de l’espèce, le courriel pouvait présenter des garanties équivalentes à celles d’une LRAR.

…en fonction des circonstances de l’espèce

Dans leur pourvoi en cassation, les époux acheteurs font valoir que la promesse de vente indiquait expressément que le promettant avait constitué le notaire comme mandataire pour recevoir la notification de l’exercice éventuel de la faculté de rétractation, et que leur courriel de rétractation avait été adressé dans le délai légal à ce notaire qui en avait informé, le même jour, celui du propriétaire. Les époux précisent également que la date de réception de leur courriel a été attestée par le notaire, en sa qualité d’officier ministériel, et que la valeur probatoire de l’attestation du notaire pris en cette qualité ne peut être remise en cause.

En affirmant qu’un courriel ne présente pas de garanties équivalentes à celles de la LRAR, la juridiction du second degré a statué de manière générale et impersonnelle, in abstracto, sans tenir compte des circonstances particulières de l’affaire. Pour la Cour de cassation, elle aurait au contraire dû rechercher, comme elle y était invitée, si l'envoi par les acheteurs d'un courriel à leur notaire n'avait pas présenté, dans les circonstances de l'espèce, une garantie équivalente à une lettre recommandée.

En effet, d’une part, la procédure mentionnée dans la promesse de vente selon laquelle le notaire était mandaté pour recevoir la notification de la rétractation autorisait les acheteurs à s’adresser à lui. D’autre part, l’attestation en justice de la réception de la rétractation dans le délai légal à la date du courriel, par le notaire, ès-qualité d’officier public et ministériel, a valeur de preuve.

Ainsi, la recherche des garanties équivalentes doit s’effectuer compte tenu des circonstances spécifiques de chaque situation, in concreto, et non par une analyse générale. La Haute juridiction avait d’ailleurs déjà suivi ce raisonnement en validant, non une rétractation, mais la contestation du bénéfice du délai de rétractation, par conclusions d’avocat dans la mesure où celles-ci mentionnaient une date certaine de réception de la notification hors délai (Cass. 3e civ., 25 mai 2011, no 10-14.641, no 592 FS-P+B).

En tout état de cause, ici, la rétractation opérée valablement fonctionne comme une condition résolutoire, son exercice anéantit rétroactivement le contrat. Le propriétaire n’est donc pas en droit de réclamer l’indemnité d’immobilisation prévue par l’acte anéanti, tandis que les acheteurs pourront récupérer leur séquestre.

Laurence DARTIGEAS-REYNARD, Dictionnaire Permanent Transactions immobilières
Vous aimerez aussi

Nos engagements