L'ACPR précise, dans une recommandation, les processus de gouvernance des produits d'assurance
10.08.2023
Gestion d'entreprise

La recommandation de l'ACPR tend vers une forte normalisation de l'exercice du conseil par les distributeurs à travers une conception encadrée des produits : ce sont les besoins et l'intérêt du client qui gouvernent !
Le 17 juillet 2023, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) a publié une recommandation relative à la mise en œuvre de certaines dispositions issues de la directive (UE) 2016/97 sur la distribution d’assurances, dite « DDA ».
Gestion d'entreprise
La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...
Cette recommandation a pour objectif de formuler les attendus de l’Autorité sur les textes applicables en droit français réglementant la gouvernance des produits et de la distribution et la question des rémunérations et des conflits d’intérêts.
Rappelons que la directive sur la distribution d’assurances (Dir. (UE) 2016/97 du Parlement et du Conseil, 20 janv. 2016) a été transposée en droit français par une ordonnance du 16 mai 2018 (Ord. n° 2018-361, 16 mai 2018 : JO, 17 mai) et son décret d’application du 1er juin 2018 (D. n° 2018-431, 1er juin 2018 : JO, 3 juin), avec une entrée en vigueur au 1er octobre 2018. Ce sont les articles L. 516-1, L. 521-1 et L. 522-1 et suivants du code des assurances qui sont concernés.
Cette réglementation interne est complétée par deux règlements délégués européens entrant dans le champ de la recommandation : le règlement délégué (UE) 2017/2358 de la Commission du 21 septembre 2017 sur la gouvernance des produits et le règlement délégué (UE) 2017/2359 de la Commission du 21 septembre 2017 définissant les règles de conduite pour la commercialisation de produits d’investissement fondés sur l’assurance.
Dès l’origine, nous étions conscients que le texte transposé en droit français était succinct (C. assur., art. L. 516-1), mais permettrait, en lien avec les règlements délégués, d’instaurer un véritable « outil de surveillance » par les autorités des produits mis sur le marché et des conditions de leur distribution.
L’expression avait choqué à l’époque, assureurs et distributeurs ayant du mal à concevoir qu’un produit d’assurance puisse suivre un processus de conception et surveillance comparable à un produit manufacturé. Or, tel est bien le cas et l’enjeu : pour protéger les assurés ou épargnants, il est nécessaire que le produit, à défaut de répondre « à l’usage auquel il est destiné », réponde « au besoin auquel il est destiné ».
Presque 5 ans après l’entrée en vigueur du nouveau droit, les processus de gouvernance des produits sont précisés par l’ACPR dans la présente recommandation, qui entrera en vigueur au 1er janvier 2024.
Un périmètre large
Le périmètre de la recommandation est large puisqu’il concerne tous les acteurs de la distribution : les organismes sous toutes leurs formes et les intermédiaires d’assurance.
Il concerne également tous les produits d’assurance, que ce soient les produits d’assurance vie complexes ou non complexes et les produits d’assurance de dommages.
La recommandation reprend sur ce point le périmètre des produits visés par la directive.
Il s’agit des produits mis sur le marché à compter du 1er octobre 2018 ou des produits existants avant le 1er octobre 2018 ayant fait l’objet d’une adaptation significative depuis cette date.
Sont néanmoins exclus les produits dits « sur-mesure ». Par définition, ils sont conçus spécifiquement pour un client et n’ont donc pas besoin de suivre un processus de gouvernance et de surveillance, aucun « marché cible » ne leur étant assigné.
Une introduction à la recommandation qui fait sienne les avis de l’AEAPP et qui anticipe sur les débats à venir
L’Autorité s’approprie et reproduit dans le préambule de sa recommandation certaines réponses qui ont été données aux acteurs par l’Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles (AEAPP ou EIOPA - European insurance and occupational pensions authority en anglais) concernant plusieurs sujets.
Tout d’abord quant au sens qu’il faut donner à la notion d’adaptation significative d’un produit existant ; il s’agit, en effet, très souvent d’un sujet controversé au sein des entreprises.
Rappelons que le dispositif de gouvernance n’est pas unique et global et qu’il doit donc exister pour chaque produit entrant dans le champ d’application, un processus dédié.
Bien sûr, l’entreprise conceptrice va définir une méthodologie normée décrivant les étapes de conception, de partage transversal, de fabrication et de validation du produit, puis de définition des canaux de distribution et des axes de surveillance. Mais chaque produit suivra son propre processus et sera évalué de manière autonome. D’où la nécessité, identifiée dès 2018 par le Cabinet Astrée avocats (v. onglet Gouvernance du classeur Astrée : cartographie des produits distribués et des lignes de distribution), de l’inventaire ou la cartographie des produits distribués et donc, des produits concernés par le dispositif de gouvernance.
A date, peu de produits existants avant le 1er octobre 2018 n’ont pas connu de modifications significatives au sens où l’entend l’Autorité européenne de supervision, dans la mesure où les modifications visées par l’EIOPA concernent les axes éléments essentiels du produit tels que « la couverture des risques, le prix et les coûts du produit d’assurance, les risques résultant des investissements sous-jacents d’un produit d’investissement fondé sur l’assurance, un changement de marché cible identifié par le concepteur du produit, et d’éventuelles modifications des droits à indemnisation et à garantie pour les assurés » (v. Recomm. § 3.1, p. 3).
Il est donc à ce jour quasiment certain que l’intégralité des catalogues de produits commercialisés par les entreprises d’assurances et/ou les distributeurs sont concernés par le dispositif de gouvernance et doivent donc, pour chacune des lignes de distribution de produits, associer un processus conforme d’adaptation et de surveillance.
Le caractère significatif est également précisé comme devant « être principalement évalué à partir de la situation de consommateur moyen » et au regard du « changement de compatibilité du produit avec le marché cible prédéfini » (v. Recomm. § 3.1, p. 3).
Faisant sienne la recommandation de l’Autorité européenne de supervision, l’ACPR rappelle aux acteurs que l’adaptation significative d’un produit peut également justifier une adaptation des marchés cibles, c’est-à-dire potentiellement une segmentation de différents groupes de clientèles. En effet, l’extension de garanties ou l’accréditation de fonds sous-jacents supplémentaires au sein d’un contrat d’assurance vie peuvent être de nature à justifier une segmentation différente du marché cible de clients.
L’ACPR évoque par ailleurs un sujet qui sera au cœur de la révision des directives : la position de l’Autorité européenne de supervision aux termes de laquelle « un produit en unités de compte offre pour le client un bon rapport qualité coûts-performance lorsque ses coûts sont (i) proportionnés aux bénéfices (performance, garantie, couvertures et services) qu’il offre à son marché cible et (ii) raisonnables ».
Ce sujet fait discussion au sein de la place (v. notamment Position de l’ANACOFI sur le projet de directive omnibus publiée le 19 juill. 2023, p. 7), les coûts devant également et notamment intégrer les coûts de la conformité, élevés (procédure, formation, documentation précontractuelle, contrôle LCB-FT…), pour lesquels la complexité du produit n’a pas grand-chose à voir et qui correspondent à des coûts fixes incompressibles de plus en plus lourds pour les acteurs. Le sujet est sur la table des discussions.
On peut relever le caractère concomitant de cette recommandation avec la publication récente par la Commission européenne de son projet de révision de plusieurs directives dont DDA (Proposal for Directive of the European Parliament and of the Council amending Directives (EU) 2009/65/EC, 2009/138/EC, 2011/61/EU, 2014/65/EU and (EU) 2016/97 as regards the Union retail investor protection rule, 24 mai 2023).
Cette recommandation vient donc s’intercaler et s’appliquera à compter du 1er janvier 2024 pour régir le droit positif en vigueur jusqu’à la transposition de la future révision, qui ne devrait pas intervenir avant quelques années.
Le « marché cible », pierre angulaire des travaux de conception en vie comme en dommages
La principale caractéristique de la recommandation (à partir du point 4) repose sur un développement très précis concernant la définition des marchés cibles de clients associés aux produits d’assurance mis sur le marché.
Rappelons qu’un produit d’assurance doit principalement avoir pour objet de répondre aux besoins et aux caractéristiques telles que définies dans l’intérêt des clients. C’est à ce stade que l’on retrouve des expressions comparables aux réglementations propres aux produits manufacturés. Si le produit vendu doit être conforme à l’usage auquel il est destiné, il en va de même des produits d’assurance qui doivent être conformes ou répondre aux besoins et aux caractéristiques des clients auxquels les produits sont destinés, avec une précision portée par l’autorité « et ainsi de réduire les risques de mauvaise commercialisation » (Recomm., § 3.1, p. 2).
L’Autorité considère - ce que beaucoup d’acteurs ont du mal à admettre - que l’approche conceptuelle d’un produit, qui va consister à s’assurer de la cohérence du produit avec le marché cible de clients auquel il est destiné, ne peut que favoriser une bien meilleure commercialisation du produit puisque, par essence, le produit ne pourra pas être distribué à une cible de clientèle pour laquelle il n’est pas destiné.
Ainsi, comme le confirme l’ACPR dans sa recommandation, plus le marché cible va être précis et étudié dans toutes ses dimensions, plus le produit sera adapté aux besoins et aux exigences de ce marché et permettra ainsi aux distributeurs de pouvoir effectuer dans de bonnes conditions leur devoir de conseil et d’adapter le produit aux exigences et aux besoins personnels du client concerné, faisant néanmoins partie du marché cible défini par le dispositif de gouvernance du produit.
Comme toujours, la recommandation reprend les grandes règles en matière administrative, notamment le principe de proportionnalité et d’adaptation du dispositif à la complexité des produits.
Plus le produit est complexe - la complexité s’entendant autant des caractéristiques techniques du produit (garantie, exclusions) que de son fonctionnement (sortie, rachat, résiliation, indemnisation) et de son exposition au risque -, plus la définition du marché cible va devoir intégrer des critères de compétence, de connaissance technique, d’appétence au risque, de pouvoir d’achat et de besoins du segment de clients.
La liberté du distributeur en sera nécessairement plus bridée, car le conseil sera plus encadré par les marchés cibles de clientèle précisément définis, associés à des produits simplifiés et dédiés au marché cible. Mais n’est-ce pas ce que recherchent bon nombre de distributeurs qui entendent se voir simplifier la vie pour exercer plus aisément leur rôle de conseil ?
Assurance vie et assurance de dommages, même combat !
L’ACPR veille à recommander des pratiques différentes, en tout cas dédiées à chaque nature de produits vie ou non vie ; la recommandation est loin de négliger les produits d’assurance de dommages.
Il n’est pas rare, en effet, d’entendre que la conception et la mise sur le marché de produits d’assurance de dommages ne doivent pas se soumettre à des exigences aussi élevées que les dispositifs de gouvernance concernant les produits d’épargne ou d’assurance vie.
Nous avons toujours considéré le contraire, compte tenu de la complexité des besoins en matière de dommages associés à la grande technicité des produits qui nécessitent, peut-être plus encore qu’en matière d’assurance vie, une maîtrise très importante des risques et une adaptation beaucoup plus segmentée des cibles de clients.
L’analyse de la recommandation sur ce sujet frappe, au sens où elle fait prendre conscience que la définition des marchés cibles s’avère tout aussi nécessaire et importante dans l’assurance de dommages que dans l’assurance vie.
Remarque : les retours d’expérience que nous avons dans le domaine de la mise en place de documents précontractuels d’information et de conseil nous amènent à partager pleinement ces recommandations de bonnes pratiques données aux acteurs, très en amont de la mise sur le marché d’un produit.
Nous constatons, tout autant en assurance dommages qu’en assurance, vie une très forte complexité des produits, associée très souvent à une grande richesse des garanties et des exclusions…
Pour beaucoup de groupes de clients, beaucoup de garanties peuvent s’avérer inadaptées, soit parce que les produits sont difficilement accessibles en termes de compréhension et d’approche technique, soit inadaptées à la réalité du risque couvert.
Il arrive, en assurance de dommages, que malgré des garanties très riches, un contrat ne prévoie néanmoins pas des situations pratiques pour couvrir des besoins évidents ou courants concernant certaines catégories de clientèle, donc de marché, ce qui provoque en réalité, dans l’analyse des dossiers de sinistres, de graves déconvenues de la part de la clientèle. Il en va notamment d’équipements spécifiques en zone rurale (panneaux photovoltaïques, puits, clôture végétale, restanques, forêts…), risques particulièrement spécifiques et courants en zone rurale qui nécessitent une approche différenciée en termes de cible de clientèle et de produits.
C’est, à notre sens, ainsi qu’il faut comprendre la recommandation lorsqu’elle écrit : « la définition du marché cible doit s’entendre comme la description d’un groupe de clients partageant des caractéristiques communes à un niveau abstrait et généralisé dans le but de permettre aux concepteurs d’adapter les particularités du produit aux besoins, caractéristiques et objectifs de ce groupe de clients ».
Retour sur la recommandation point par point.
Ce que recommande l’ACPR pour l’assurance vie
Adaptation des produits
Nous renvoyons sur ce point à la recommandation elle-même, particulièrement précise et dont il ne faut occulter aucun des points.
En substance, s’agissant de la notion d’adaptation significative des produits d’assurance vie, l’ACPR recommande la mise en place de livrables dédiés à l’analyse de la pertinence des modifications par l’utilisation d’indicateurs objectifs, afin de justifier les adaptations envisagées sur les produits.
Sont particulièrement visées les modifications relatives aux prix et aux chargements sur les produits, aux modes de gestion, à l’ajout et à la suppression de supports d’investissement.
Remarque : nos retours d’expérience ont mis en évidence le manque de lisibilité concernant l’identification des coûts et des frais associés à un contrat et/ou un support. Cette problématique est une problématique de conception qui met souvent les distributeurs dans des impasses importantes lorsque repose sur eux principalement l’obligation légale de livrer avant la conclusion du contrat le coût estimé connu à date des frais associés à l’investissement.
Définition des marchés cibles
L’ACPR recommande de considérer le produit dans son ensemble, à la fois pour ce qui concerne l’enveloppe du contrat d’assurance que pour les combinaisons possibles des supports ou options d’investissements référencés.
La remarque est importante car les enveloppes de contrats sont souvent extrêmement génériques et peuvent donc, d’une certaine manière, concerner un marché cible particulièrement large. Les documents d’information clé (DIC) en sont souvent le reflet et n’apportent que très peu d’informations à l’investisseur. Ce sont les supports d’investissements pris un à un qui peuvent renseigner l’investisseur sur la réalité des risques associés aux investissements et donc l’allocation qu’il choisit d’effectuer.
Il est donc important, au stade de la création d’un produit d’assurance vie au sein duquel est intégrée une multitude de supports d’investissement aux caractéristiques techniques et d’exposition au risque tellement différentes, que le travail de conception d’un produit puisse différencier et associer des groupes de clients à des catégories de supports.
L’ACPR rappelle, à ce stade, que pour définir la notion de complexité doivent être pris en compte non seulement la nature des garanties, mais également l’exercice des facultés de rachat, la nature individuelle ou collective du contrat, le nombre de supports et la nature des unités de compte proposées.
Enfin l’ACPR définit les critères du marché cible :
connaissance et expérience du client ;
situation personnelle et financière ;
tolérance au risque et capacité à subir des pertes ;
objectifs et besoins des clients.
C’est donc une incitation très forte à la segmentation des marchés cibles de clientèle et à la construction également d’allocations d’actifs dédiées.
L’ACPR précise « qu’il appartiendra ensuite au distributeur, dans le cadre de son devoir de conseil, de proposer une allocation d’actifs cohérente avec les exigences et les besoins du client spécifique ».
A ce stade, on se référera au communiqué de presse du Comité consultatif du secteur financier (CCSF) en date du 19 avril 2023 qui, répondant à la demande du ministre de l’économie et des finances, prend position et contribue au débat européen sur la stratégie pour les investisseurs particuliers (Retail investment strategy - RIS).
Le CCSF a préconisé des solutions du même ordre pour favoriser l’émergence d’un conseil approprié, harmonisé et encadré par réseau, de façon que « tout conseiller les appliquant dans le cadre de son organisation soit de facto désintéressé. Il est proposé que les règles de conformité encadrant le conseil approprié soient publiées, connues de l’épargnant et appliquées par l’ensemble des conseillers d’un même établissement ou d’un réseau de distribution ».
Là encore, on pourrait reprocher à la recommandation (et au CCSF) d’encadrer ou de brider la liberté du conseil, qu’il est important de préserver. Mais les situations conflictuelles et la complexité des situations ne sont-elles pas justement de nature à nécessiter un encadrement plus fort, non pas destiné à brider le conseil, mais à en faciliter l’exercice.
L’ACPR rappelle à plusieurs reprises dans sa recommandation qu’il ne faut surtout pas confondre le travail de conception et le travail de conseil, quand bien même une bonne conception initiale, qui analysera de façon particulièrement détaillée à la fois le marché cible et l’allocation, sera de nature à faciliter grandement le conseil prodigué par le distributeur.
L’ACPR rappelle enfin que la définition d’un marché cible passe également par la définition d’un marché cible négatif, c’est-à-dire l’identification des clientèles à l’égard desquelles le produit ne peut pas être distribué.
La distribution
Rien de nouveau dans cette recommandation, les attendus sont connus des acteurs. Les concepteurs en lien avec les distributeurs souvent coconcepteurs des produits doivent concevoir des canaux de distribution compatibles avec la nature des produits distribués, leur complexité et les marchés cibles.
Les dispositifs de gouvernance doivent contenir (se reporter à la recommandation qui énumère très précisément les exigences) :
des règles d’accréditation et de sélection des distributeurs (on l’a déjà dit, la distribution est aujourd’hui sélective) ;
l’identification des canaux de distribution et des moyens associés à la distribution des produits par les professionnels ;
une vérification du respect par les distributeurs accrédités des obligations professionnelles de formation et des règles distribution ainsi définies ;
un contrôle de la remise de la documentation validée par la conception au client et au distributeur pour ce qui concerne les supports ;
des actions de suivi et des mesures correctives efficaces destinées à éradiquer les pratiques non conformes constatées pouvant aller jusqu’à la suppression du produit.
Les conflits d’intérêts et la rémunération
Le sujet est traité à part, mais il s’intègre bien entendu dans le dispositif de gouvernance.
Là encore, rien de bien surprenant qui ne soit d’ores et déjà connu des acteurs.
L’Autorité rappelle les règles en matière de politique de rémunération. Un dispositif de prohibition est instauré aux termes duquel toute rémunération qui aurait pour objet ou pour effet d’avoir une incidence sur l’indépendance du conseil, la qualité des services rendus aux clients ou l’incitation forte à proposer aux clients un produit qui n’est pas adapté à ses besoins est prohibée et doit être surveillée par les concepteurs et les animateurs de réseau.
On retrouve la recommandation relative à l’intégration systématique de critères qualitatifs dans l’octroi des rémunérations des salariés ou des membres du réseau. Aucune remarque sur les commissions précomptées et escomptées.
Une remarque particulière est effectuée en relation avec les distributeurs souscripteurs de contrats collectifs. Cette situation est ancienne et nous savions que l’autorité s’interrogeait sur la capacité de cumuler un statut de souscripteur d’un contrat collectif et distributeur d’un contrat. Sauf à respecter les dispositions strictes de l’article L. 141-7 du code des assurances, à savoir l’absence de contrôle direct de l’entité souscriptrice par le distributeur ou l’assureur, l’Autorité estime conflictuel le cumul en assurance vie.
Il est donc demandé aux acteurs, souscripteurs de contrats collectifs et distributeurs des mêmes contrats collectifs en assurance vie d’adapter leur dispositif, afin d’éradiquer la situation de conflit d’intérêts.
La recommandation pour l’assurance de dommages
On retrouve pour l’assurance de dommages la même structuration de la recommandation.
Nous renvoyons donc à la recommandation elle-même, pour la prise de connaissance précise de l’ensemble des consignes.
Les différences portent principalement sur la nature des produits.
L’adaptation des produits
L’autorité instaure également le principe de la grille d’analyse objective pour justifier les modifications, mais insiste sur les garanties, les exclusions du contrat, les mécanismes d’indemnisation, les primes.
Conception et surveillance des produits
On retrouve aussi la nécessité d’effectuer des tests, de définir des marchés cibles beaucoup plus précis et de les segmenter davantage, afin de créer des produits qui apportent un véritable intérêt au client et qui sont adaptés à ses besoins.
On mesure la sensibilité de l’Autorité à l’ensemble du marché de l’assurance de dommages au sujet duquel les contrôles ont mis en évidence, dans certains cas, des contrats dont la conception ne représentait aucune valeur réelle pour le client, peu utilisés par ce dernier. Le travail de cohérence contractuelle en matière de dommages est particulièrement important, bien plus qu’en assurance vie. En effet, les exclusions, les plafonds, les franchises, les délais de carence sont de nature à anéantir le bénéfice des garanties.
C’est le point central de la recommandation.
Stratégie de distribution et surveillance
On retrouve la mise en place d’un dispositif d’accréditation, le suivi et le contrôle des réseaux de distribution.
On retrouve également l’information et la formation des conseillers destinées à s’assurer que les distributeurs en charge détiendront l’information nécessaire à la délivrance d’une information claire, exacte et non trompeuse à l’égard du client.
Y compris dans l’assurance de dommages, les actions de contrôle et de surveillance doivent pouvoir, le cas échéant, aboutir à des mesures correctives pouvant amener à la décision de cesser la commercialisation du produit.
Rémunération et conflits d’intérêts
La recommandation repose sur les mêmes principes que ceux édictés pour les contrats d’assurance vie.
Les concepteurs et les distributeurs doivent se doter d’une politique de rémunération qui ne doit pas avoir d’effets négatifs sur la qualité du service rendu au client et qui ne doit pas inciter le distributeur et les sous-distributeurs à favoriser leurs propres intérêts au détriment de ceux du client.
Pour l’assurance de dommages, l’autorité laisse également un an, à compter du 1er janvier 2024, à l’ensemble des acteurs pour mettre à jour les conventions conclues avec les réseaux, afin de mettre en conformité les processus de gouvernance (Recomm. § 4.2.2.3).
Un focus particulier sur l’assurance emprunteur
Malgré différentes législations successives ayant tenté d’assainir la libre concurrence dans la distribution des assurances emprunteur associées au crédit, le secteur reste extrêmement tendu et diverses études récentes (v. notamment étude du CCSF sur les garanties de l’assurance emprunteur) mettent en évidence une persistance des difficultés pour les emprunteurs à accéder à des produits compétitifs et conformes à leurs besoins dans des conditions libres et concurrentielles.
Il était donc logique que l’ACPR s’adresse spécifiquement aux acteurs de ce marché.
La recommandation est double :
d’une part, il est interdit d’instaurer une politique d’incitation financière ou commerciale à l’adresse des distributeurs, afin de favoriser la souscription d’une assurance emprunteur placée auprès de l’entité assurantielle appartenant au même groupe que le distributeur ;
d’autre part, si le distributeur propose une autre assurance emprunteur placée auprès d’une entité qui n’appartient pas à son groupe, il n’est pas en droit non plus de conditionner la souscription d’une assurance à l’octroi d’un taux d’emprunt plus bas, dès lors que l’assurance ne serait pas cohérente aux exigences et aux besoins du client.
Ces pratiques, d’ores et déjà qualifiables de pratiques anticoncurrentielles par le droit économique, se devaient probablement d’être rappelées aux acteurs économiques. L’avenir dira si ces deux recommandations seront de nature à faire bouger les lignes sur le marché de l’assurance emprunteur.
En route vers une nouvelle ère…
Depuis 2007, date de la transposition de la première directive sur l’intermédiation en assurance, la législation a introduit un devoir écrit d’information et de conseil à la charge de l’intermédiaire puis du distributeur.
Force est de constater qu’à ce jour, l’exercice de cette obligation reste difficile et constitue toujours le point noir des contrôles administratifs.
Au-delà d’un manque de compréhension des enjeux et de l’exercice opérationnel du devoir de conseil envers la clientèle, sont venus se greffer depuis plusieurs années la complexité et le manque de lisibilité des produits (vie, comme non vie) avec corrélativement une forte diversification des profils de clients et des canaux de distribution.
Cette recommandation nous propose une nouvelle stratégie, intéressante et qui mérite d’être testée, quand bien même elle pourrait s’analyser comme fortement directive et intrusive, car elle participe d’une forte normalisation du dispositif de conception et en aval du conseil.
Elle oblige néanmoins les concepteurs à clarifier leurs offres et définir des cibles de clientèle beaucoup plus segmentées, compatibles et cohérentes avec les produits proposés.
Cette simplification devrait faciliter en aval le travail du distributeur et s’assurer que les clients se verront proposer des produits adaptés. Finalement, si on peut se permettre d'imager le propos, inutile de vendre du 37 à quelqu’un qui chausse du 42 !
Le travail qu’implique la mise en œuvre opérationnelle de cette recommandation d’ici au 1er janvier 2024 est considérable.
Mais ce travail peut anticiper une évolution plus favorable que la stratégie imaginée par l’Europe avec la suppression pure et simple de la rémunération par commission pour gérer les conflits d’intérêts. La voie proposée par l’ACPR facilite le conseil, elle ne l’évince pas.
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