L’affirmation de la valeur probatoire de la blockchain en matière de propriété intellectuelle

L’affirmation de la valeur probatoire de la blockchain en matière de propriété intellectuelle

29.04.2025

Gestion d'entreprise

Si en France le mécanisme de la blockchain à titre probatoire ne bénéficie pas d’un encadrement législatif, une décision rendue par le tribunal judiciaire de Marseille le 20 mars 2025 marque un tournant : elle reconnaît la valeur probatoire d’un ancrage blockchain pour établir la titularité des droits d’auteur. Dans cette chronique, Gaëlle Bloret-Pucci, avocate associée, et Pauline de Drée, collaboratrice chez BCTG Avocats, éclairent les enjeux de cette évolution.

Alors que la blockchain est de plus en plus utilisée, le tribunal judiciaire de Marseille vient de rendre une décision inédite sur sa valeur probatoire en matière de propriété intellectuelle. Cette chronique décrypte cette décision à la lumière des usages croissants de cette technologie par des plateformes spécialisées.

Une technologie au service de la protection des créations

La blockchain constitue une technologie de stockage et de transmission de données, décentralisée et sécurisée. Bien que ses origines remontent aux années 1980, elle a véritablement émergé en 2008 à travers les travaux de Satoshi Nakamoto sur le Bitcoin. Son objectif initial était de remplacer les tiers de confiance dans les transactions, en garantissant une traçabilité et une inviolabilité des échanges en pair-à-pair.

Concrètement, la blockchain repose sur un système d’enregistrement sous forme de blocs liés chronologiquement, chaque bloc étant protégé contre toute modification (cf. Lexique de l'informatique, JO du 3 mai 2017). Appliquée au droit de la propriété intellectuelle, elle permet aujourd’hui de constituer des preuves solides de titularité, en particulier pour les créations non enregistrées telles que les œuvres protégées par le droit d’auteur.

Contrairement aux titres de propriété intellectuelle soumis à un régime d’enregistrement (brevets, marques, dessins et modèles), le droit d’auteur naît du seul fait de la création, rendant parfois difficile la preuve de l’antériorité. La blockchain offre ici un avantage décisif : l’horodatage systématique, tout au long du processus de création, permet de produire une preuve objective et datée.

Certaines entreprises proposent ainsi des certificats d’ancrage blockchain utilisables pour prouver une possession antérieure, la détention d’un savoir-faire, ou encore l’usage d’une marque.

Gestion d'entreprise

La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...

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Une reconnaissance progressive de la valeur probatoire de la blockchain

À ce jour, la loi française ne prévoit pas de statut juridique spécifique pour la preuve par blockchain. Néanmoins, dans les litiges en contrefaçon, la preuve est libre (article L.716-4-7 du Code de la propriété intellectuelle), ouvrant la voie à l’admission de ce type d’élément par les juges.

Le gouvernement français a d’ailleurs confirmé, en réponse à une question parlementaire du 30 juillet 2019, que la valeur probante de la blockchain doit être appréciée par les juridictions selon les principes généraux du droit de la preuve, estimant inutile de créer un encadrement législatif spécifique.

Le droit européen, notamment l’article 25 du Règlement eIDAS n°910/2014, soutient cette approche, en affirmant que la recevabilité d’une preuve ne saurait être écartée du seul fait qu’elle repose sur un procédé électronique.

Plusieurs juridictions étrangères ont déjà admis la valeur probatoire de la blockchain. Aux États-Unis, l’État du Vermont l’a reconnue dès 2016 (House Act 868). En Chine, le tribunal de Hangzhou a validé, en 2018, un enregistrement blockchain comme preuve d’antériorité sur un code source litigieux.

Une première reconnaissance explicite par une juridiction française

La décision du Tribunal judiciaire de Marseille du 20 mars 2025 constitue une première en droit français. Elle valide une preuve fondée sur la technologie blockchain pour établir la titularité de droits d’auteur.

Dans cette affaire, la société AZ FACTORY reprochait à la société VALERIA MODA la commercialisation de vêtements imitant ses propres créations. Pour prouver la titularité de ses droits, AZ FACTORY a présenté des croquis de ses modèles dont les empreintes numériques avaient été ancrées sur une blockchain via les services de BlockchainyourIP.

Le Tribunal a reconnu la fiabilité de cette preuve. Il a notamment relevé que deux constats d’huissier fondés sur cet horodatage blockchain permettaient d’établir avec certitude la qualité de titulaire des droits d’auteur au profit de la société AZ FACTORY. Sur cette base, les actes de contrefaçon ont été caractérisés.

Une technologie probatoire adaptée aux enjeux contemporains

Cette décision ouvre la voie à une valorisation plus large des outils numériques dans la protection des œuvres. À l’heure où les contenus numériques peuvent être aisément manipulés ou reproduits – notamment à l’aide de l’intelligence artificielle – la blockchain constitue une réponse technologique pertinente, en permettant une traçabilité fiable, datée et infalsifiable.

Elle s’impose donc, non comme un substitut, mais comme un complément robuste aux moyens de preuve traditionnels, renforçant les droits des créateurs.

 

Gaëlle Bloret-Pucci Co-auteur : Pauline de Drée (Collaboratrice)
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