L'appartenance à une famille de marques est un élément d'appréciation du risque de confusion

21.06.2021

Gestion d'entreprise

Lorsqu'une marque et un signe présentent une certaine similitude, le juge doit tenir compte de l'appartenance de la marque à une famille de marques lorsqu'il apprécie le risque de confusion. Les éléments permettant d'apprécier la renommée d'une marque sont également rappelés.

Une société titulaire de marques tridimensionnelles françaises constituée de l'apparence du biscuit au chocolat dénommé « Mikado », et du biscuit au chocolat dénommé « Mikado King Choco » et ses licenciées ont engagé une action en contrefaçon sur la base de la renommée des marques et d’actes de concurrence déloyale et parasitaire à l’encontre d’une société titulaire de marques semi-figuratives françaises représentant les emballages sous lesquels sont commercialisés les biscuits au chocolat dénommés.

Gestion d'entreprise

La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...

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Dans le cadre de l’action en contrefaçon, la société titulaire des marques tridimensionnelles et ses licenciées ont invoqué l'existence d'un risque de confusion dans l'esprit du public devant être appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce. A ce titre, elles mettaient en avant l'existence d'une « famille » ou « série » de marques constituant l'un des facteurs pertinents dont il convient de tenir compte aux fins de l'appréciation du risque de confusion.

De même, elles ont invoqué une atteinte à la renommée de ces marques.

En effet, un tel risque peut résulter du fait que le consommateur peut se méprendre sur la provenance ou l'origine des produits ou services revêtus du signe incriminé et estimer, à tort, que celui-ci fait partie de cette famille ou série.

Les juges du fond ont débouté les demanderesses de l’intégralité de leurs demandes en contrefaçon. Ils ont considéré que si l'appartenance à une famille de marques est susceptible de renforcer le risque de confusion entre les signes, encore faut-il que celui-ci soit caractérisé.

Pour rejeter la demande fondée sur l'atteinte à la renommée des marques tridimensionnelles, les juges ont considéré que l'exploitation ancienne, depuis 1982, d’une autre marque figurative représentant le biscuit Mikado n'est pas de nature à établir l'ancienneté de l'exploitation de la marque tridimensionnelle. Selon les juges, la société titulaire de la marque et ses licenciées auraient entretenu une confusion entre cette marque et le biscuit Mikado et/ou les marques verbales ou semi-figuratives « Mikado », étrangères au litige. Les juges ont également considéré que les paquets de biscuits Mikado ne laissaient voir que partiellement la forme des biscuits et que, depuis 2005, le signe reproduit tant sur le devant des paquets que sur sa tranche, servait à illustrer le contenu du paquet de biscuits, et ne constituait pas la reproduction de la marque tridimensionnelle revendiquée. Un pourvoi en cassation a été formé.

La Cour de cassation casse et annule la décision des juges du fond, au visa, notamment, de l'article L. 713-3, b), du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019.

Selon la version de ce texte, sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public, l'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement.

L’appartenance à une famille de marques : un élément d’appréciation du risque de confusion

La Cour confirme que lorsque la marque et le signe en conflit présentent une certaine similitude, l'appartenance de la marque à une famille de marques est un élément dont il convient de tenir compte aux fins de l'appréciation du risque de confusion.

La Haute juridiction relève que pour rejeter la demande en contrefaçon, après avoir comparé la marque opposée et l'apparence du biscuit adverse, les juges, nonobstant l'identité des produits concernés, ont considéré que la faible similitude entre la marque et le signe en cause, pris dans leur ensemble, excluait tout risque de confusion pour le consommateur d'attention moyenne.

Or, la Cour de cassation reproche aux juges de ne pas avoir recherché si la marque invoquée n'appartenait pas à une famille de marques et de ne pas avoir pris en compte cette circonstance aux fins de l'appréciation du risque de confusion, alors qu'elle avait constaté une certaine similitude, fût-elle faible, entre la marque et le signe.

Les éléments pris en compte dans l’appréciation de la renommée d’une marque

Concernant l’appréciation de la renommée de la marque, la Cour de cassation vise l'article L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019.

Rappelons que selon cet article la reproduction ou l'imitation d'une marque jouissant d'une renommée pour des produits ou services identiques, similaires ou non similaires à ceux désignés dans l'enregistrement, engage la responsabilité civile de son auteur si elle est de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque ou si cette reproduction ou imitation constitue une exploitation injustifiée de cette dernière.

La Cour rappelle que le juge doit prendre en considération tous les éléments pertinents de la cause, à savoir, notamment, la part de marché détenue par la marque, l'intensité, l'étendue géographique et la durée de son usage, l'importance des investissements réalisés par l'entreprise pour la promouvoir ou encore l'usage de la marque sous une forme qui diffère par des éléments n'altérant pas son caractère distinctif dans la forme sous laquelle celle-ci a été enregistrée.

La Haute juridiction reproche au juge notamment de ne pas avoir pris en considération une étude réalisée en 2004 sur le biscuit Mikado invoquée par la société titulaire pour démontrer la notoriété de la marque tridimensionnelle sans justifier la raison pour laquelle elle n’était pas pertinente.

Dès lors, les motifs des juges du fond étaient impropres à exclure l'usage des marques tridimensionnelles sous une forme qui diffère par des éléments n'altérant pas leur caractère distinctif dans la forme sous laquelle celles-ci ont été enregistrées et, par conséquent, impropres à écarter cet usage comme insusceptible de rapporter la preuve de la renommée des mêmes marques.

De même, les juges auraient dû prendre en considération le volume des ventes et la part de marché des biscuits Mikado commercialisés sous cette marque.

Delphine Roblin-Lapparra, Avocate à la cour
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