L’Autorité de la concurrence modernise son système de clémence

L’Autorité de la concurrence modernise son système de clémence

20.12.2023

Gestion d'entreprise

Le nouveau communiqué de l’Autorité modernise, unifie la procédure de clémence et apporte des clarifications de fond bienvenues. Une chronique rédigée par Fayrouze Masmi-Dazi, avocat fondatrice du cabinet Dazi Avocats, spécialiste du droit de la concurrence, et Céline Hu, collaboratrice au sein du cabinet.

L’Autorité de la concurrence a publié, le 15 décembre 2023, un nouveau communiqué de procédure relatif au programme de clémence. Le texte tient compte de l’apport de la directive ECN+, modernisant et clarifiant le fonctionnement de ce programme - notamment d’un point de vue procédural - pour apporter plus de sécurité juridique. Outil central dans les mécanismes de détection des infractions au droit de la concurrence, le système se prêtait à une mise à jour et une modernisation, presque 10 ans après l’adoption du précédent communiqué. 

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La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...

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La dématérialisation des dossiers de demande de clémence

Tout d’abord, suivant la démarche globale de dématérialisation des dossiers de l’ADLC, les dossiers de demande de clémence peuvent désormais être transmis à l’Autorité sous forme numérique via la plateforme sécurisée en ligne Hermes.

L’institutionnalisation du système de « marqueur de rang »

Le communiqué institutionnalise, par ailleurs, le marqueur temporel qui permet de maintenir le rang d’arrivée d’une entreprise dont la demande de clémence n’est pas complète lors de son dépôt. En effet, elles peuvent demander l’octroi d’un délai pour réunir tous les éléments permettant de qualifier la pratique en cause. Cette demande doit être incluse dans la demande de clémence. Le délai accordé est d’un mois, avec une prolongation possible soumise à l’approbation du rapporteur général et au cas par cas.

Le rang est essentiel puisqu’il détermine la part d’exonération à laquelle peut prétendre l’entreprise. Dans l’hypothèse d’une demande de clémence conforme aux exigences de fond, les taux d’exonération demeurent les mêmes qu’auparavant, à savoir :

  • une exonération totale d’amende pour le premier rang,
  • un taux d’exonération entre 25-50%, pour le deuxième,
  • entre 15-40% pour le troisième,
  • et un taux plafonné de 25% pour les suivants.

L’unification de l’instruction de la demande de clémence et du dossier au fond

Dans le précédent régime, il était prévu que le rapporteur en charge de la demande de clémence établisse un rapport soumis à un débat en séance en présence de l’entreprise concernée et du collège de l’Autorité. Celui-ci émettait alors un avis favorable - et ses éventuelles conditions -ou défavorable. Cette première phase était ensuite suivie de l’examen au fond de l’affaire et de la décision finale du collège sur l’exonération à accorder, retirer ou modifier.

Désormais, la procédure d’avis du collège a été supprimée. Ainsi, le rapporteur désigné et le conseiller clémence instruisent ensemble la demande et rendent compte au rapporteur général. Il revient ensuite au rapporteur général :

  • d’informer l’entreprise du fruit de l’instruction,
  • si elle peut bénéficier ou non d’une exonération et à quel taux,
  • s’il n’y a pas lieu d’ouvrir une enquête ou de s’auto-saisir,
  • ou alors de mentionner la prescription des faits.

C’est à l’issue de ces étapes que le collège confirme l’exonération, tout en conservant la possibilité de retirer son bénéfice en cas de manquement grave ou de moindre gravité de l’entreprise (mauvaise coopération, non-cessation de participation à l’infraction, sauf instruction contraire du rapporteur général, destruction ou falsification d’éléments de preuve).

Des clarifications de fond bienvenues

Parmi les éléments importants figure l’inclusion de la DGCCRF dans le périmètre des administrations dont il est exigé qu'elle ne connaissait pas l’infraction, ni ne disposait d’éléments y afférents. La qualité d’un dossier de demande de clémence s’apprécie au moment du dépôt de la demande. On distingue alors :

  • le cas où les autorités – Autorité et DGCCRF – ne disposent pas d’éléments suffisants pour déclencher une enquête,
  • ou lorsqu’aucune enquête n’a encore été menée, les cas où aucune des deux autorités ne dispose d’éléments suffisants pour établir l’existence d’une pratique.

L’articulation de la procédure de clémence avec la responsabilité civile et pénale des personnes est clarifiée. D’une part, l’entreprise totalement exonérée est tenue solidairement responsable avec ses co-auteurs envers les victimes que lorsque celles-ci n’ont pas obtenu réparation intégrale auprès des autres entreprises sanctionnées. D’autre part, les personnes physiques peuvent être poursuivies pénalement après instruction du Procureur de la République informé par l’Autorité de la concurrence, sauf si elles justifient d’une coopération active avec l’Autorité et le ministère public. Dans ce cas, l’Autorité précise, lors de la transmission des informations au Procureur, l’identité des personnes éligibles à une exemption de peine.

Du reste, sont inchangés :

  • les conditions substantielles relatives à la qualité de la coopération et la cessation des agissements,
  • la demande sommaire auprès de la Commission européenne et des autres autorités du REC,
  • la protection autant que possible de l’anonymat des entreprises,
  • et l’inexigibilité de l’entreprise « leader » de l’infraction à la clémence.
Fayrouze Masmi-Dazi Co-auteur : Céline Hu (avocate collaboratrice au sein du cabinet Dazi Avocats)
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