L’Autorité de la concurrence réclame 500 millions d’euros à Google

L’Autorité de la concurrence réclame 500 millions d’euros à Google

15.07.2021

Gestion d'entreprise

Pour ne pas avoir respecté les injonctions formulées à son encontre en avril 2020, sur la rémunération des droits voisins des éditeurs et agences de presse, le gendarme de la concurrence sanctionne sévèrement le géant américain. L’Autorité prévoit également des astreintes pouvant atteindre 900 000 euros par jour si Google ne redresse pas rapidement la barre.

L’Autorité de la concurrence voit rouge. Mardi, elle rendait une décision détaillée dans laquelle elle reproche à Google de ne pas avoir respecté quatre injonctions prononcées à son encontre en avril 2020. La gravité des manquements conduit la rue de l’échelle a demandé 500 millions d’euros à Google et à envisager des astreintes journalières conséquentes (300 000 euros par jour au profit de chacune des trois saisissantes).

La sanction prononcée est « extraordinaire » pour ce type de décision, estime Antoine Choffel, associé du département concurrence chez Gide, qui défend l’AFP, partie à la procédure, avec Julien Guinot-Deléry, associé en droit de la propriété intellectuelle. « Cette décision marque l’aboutissement de plus d’un an et demi de débats compliqués avec Google pour les acteurs de la presse en France. La plateforme refuse depuis l’adoption de la loi française de sortir le moindre euro en rémunération des droits voisins ». « C’est une décision exceptionnelle en terme de motivation. Elle analyse dans le détail le comportement de Google ce qui sera structurant pour toutes les négociations à venir sur la rémunération des droits voisins des éditeurs », note également Me Fayrouze Masmi-Dazi, associée au sein du cabinet Frieh, qui représente L’Equipe et le Geste (une fédération de 140 éditeurs de contenus et services en ligne), entendus comme témoin dans cette affaire.

Refus d’obtempérer

Le géant américain continuerait de ne pas respecter la législation française sur les droits voisins. La loi française du 24 juillet 2019 - qui transpose une directive du 17 avril 2019 - impose la rémunération de ces droits dont bénéficient les agences et éditeurs de presse. Or, à la suite de la promulgation de la loi, « Google avait unilatéralement décidé qu’elle n’afficherait plus les extraits d’articles, les photographies et les vidéos au sein de ses différents services, sauf à ce que les éditeurs lui en donnent l’autorisation à titre gratuit », rappelle l’Autorité de la concurrence. Saisie à la fin de l’été 2020 de plaintes du Syndicat des éditeurs de presse magazine (SEPM), de l'Alliance de presse d'information générale (APIG) et de l'Agence France presse (AFP), la rue de l’échelle prononçait quelques mois plus tard, le 9 avril, plusieurs mesures conservatoires à l’encontre de Google dont le « comportement était susceptible de constituer un abus de position dominante et (…) portait une atteinte grave et immédiate au secteur de la presse ».

Gestion d'entreprise

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Les modèles économiques de la presse en jeu

Un an après la décision de l’Autorité - mais quelques mois seulement après sa confirmation par la Cour d’appel de Paris le 8 octobre 2020 - la rue de l’échelle constate que sur sept injonctions prononcées à l’encontre du GAFA, quatre ne sont pas respectées. Ce qui est principalement reproché au groupe américain, est le fait qu’il ait imposé aux éditeurs et aux agences de discuter de la rémunération des articles, photos et vidéos reprises par ses services dans le cadre de négociations sur la conclusion d’un partenariat plus large, dénommé Publisher Curated News, comportant un nouveau service intitulé Showcase Service permettant notamment aux organes de presse de bénéficier d’un bon référencement de leurs articles, et ainsi d’un trafic conséquent sur leurs sites avec, à la clé, des revenus publicitaires et de nouveaux abonnements. Or, la négociation de la rémunération des droits voisins aurait dû être menée de façon spécifique, selon l’Autorité. D’autant plus que Showcase impose aux éditeurs de produire du contenu pour Google et de lui accorder un pourcentage des revenus tirés des nouveaux abonnements souscrits par les internautes.

Réduire les revenus de la presse à peau de chagrin

Autre point contesté : Google comptait calculer les montant dus à la presse en prenant uniquement pour base les revenus publicitaires tirés des pages de Google search, son moteur de recherche, qui affiche des droits voisins protégés. Or, Google tire profit de la reprise de contenus publiés par la presse via d’autres services, comme Google actualités, son moteur dédié à la recherche d’articles, ou encore Discover (qui propose des contenus personnalisés en fonction des centres d’intérêts de l’utilisateur).

Le GAFA avait également décidé d’exclure de tout droit à rémunération les titres de presse ne bénéficiant pas d’une certification « information politique et générale » (IPG), comme par exemple, le quotidien sportif l’Equipe. Une interprétation du code de la propriété intellectuelle (article L 218-4, créé par la loi du 24 juillet 2019) jugée « de mauvaise foi », selon l’Autorité de la concurrence, qui se réfère aux propos-mêmes de Google selon lesquels les revenus publicitaires qu’il tire des contenus non IPG sont supérieurs à ceux tirés des contenus IPG.

Troisième moyen pour tenter à nouveau de réduire sa facture : Google ne compte pas rémunérer les droits voisins de l’AFP et des autres agences de presse lorsque les contenus concernés sont repris au sein des publications tierces. Un manque à gagner conséquent pour les agences dont le modèle économique repose avant tout sur la vente de dépêches, photos et autres contenus à la presse papier, audiovisuelle ou en ligne. Là encore, l’Autorité de la concurrence remet les pendules à l’heure. Google doit leur proposer une rémunération pour leurs contenus protégés. « Il n’était pas acquis que l’Autorité de la concurrence s’empare pleinement de cette problématique juridique qui consiste à interpréter la loi, à se plonger dans la matière de la propriété intellectuelle et des droits voisins. Elle tranche le débat je l’espère de façon définitive en concluant que les agences de presse sont tout autant visées par la loi que les éditeurs », précise Me Choffel.

Asymétrie d’informations

Google aurait aussi manqué de transparence. La plateforme s’était vue enjointe, en avril 2020, de fournir tous les éléments permettant de justifier une rémunération aux éditeurs de presse (comme par exemple des statistiques de consultation d’articles des titres de presse par les internautes, la valorisation des contenus repris, etc.). Or, elle ne se serait exécutée que de manière parcellaire, tardive et insuffisante. « La plupart des acteurs de la presse n’ont reçu aucune information en la matière, commente Me Choffel. S’agissant de l’AFP, les éléments de valorisation adressés par Google lui permettaient, selon ses dires, de proposer une rémunération dérisoire à l’Agence », poursuit Me Choffel.

« Un flou persiste »

Google doit désormais rouvrir les négociations sur la rémunération des droits voisins avec les saisissantes qui en feront la demande. Si tel n’est pas le cas, la plateforme s’expose à 300 000 euros d’astreintes journalières dans les 2 mois. Mais pour Me Masmi-Dazi « ce n’est pas nécessairement aux saisissantes - le SEPM ou l’APIG notamment - que Google doit faire une offre mais à leurs membres ». Pour elle, « un flou persiste » quant au déclenchement de ces astreintes. « La volonté témoignée par l’Autorité depuis le début est bien que ce soit un dossier concernant toute la presse », tempère cependant Julien Guinot-Deléry.

L’Autorité indique également que sa décision peut permettre aux éditeurs ayant conclu un accord avec Google de le résilier ou de demander à le renégocier. A ce jour, l’APIG, une des saisissantes, a signé un accord-cadre avec Google visant à faire bénéficier ses membres certifiés IPG du droit de négocier de manière bilatérale avec la plateforme. Des quotidiens comme Le Monde, Libération ou encore Le Figaro, ont également trouvé un accord avec le géant du web.

Il reste quelques semaines à Google pour contester cette nouvelle décision de l’Autorité devant la cour d’appel de Paris. « Sans pouvoir compter sur un effet suspensif », prévient toutefois Antoine Choffel. Google va donc devoir « ouvrir ses livres et indiquer quels sont les revenus publicitaires engrangés grâce à la reprise des contenus de presse » aux éditeurs et agences qui en feront en la demande, poursuit-il. « La plateforme va-t-elle désormais rentrer dans le rang et accepter de se plier au jeu d’une véritable discussion avec les acteurs de la presse ? Ou va-t-on poursuivre le bras de fer ? », Me Choffel pose la question.  

 

 

 

 

Sophie Bridier
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