Le chiffre d'affaires moyen par collaborateur baisse-t-il dans les cabinets comptables ?

Le chiffre d'affaires moyen par collaborateur baisse-t-il dans les cabinets comptables ?

28.05.2024

Gestion d'entreprise

Les derniers classements du magazine La profession comptable laissent entendre qu'il existe une diminution importante du chiffre d'affaires en euros constants par salarié dans les structures réalisant plus de 3 millions d'euros d'activités réglementées. Mais les données de l'Insee sur l'ensemble de la profession livrent une tendance beaucoup moins prononcée et posent question sur la productivité réelle.

Le chiffre d'affaires moyen par salarié de cabinet comptable serait en baisse. C'est ce que semblent montrer les différentes éditions du classement de La profession comptable qui s'appuient sur plus de 200 cabinets dont le chiffre d'affaires des activités réglementées "OEC et CNCC" est supérieur à 3 millions d'euros. Ainsi, l'édition 2024, qui vient de dévoiler les performances de la saison 2022-2023, montre une activité par collaborateur de 92 782 euros (un chiffre d'affaires total de 8,293 milliards d'euros pour 89 382 salariés). Et une tendance qui semble négative : lors de la saison 2016-2017, telle qu'elle figure dans le classement 2019, le chiffre d'affaires moyen par collaborateur s'élèvait à 95 059 euros. Ce qui revient à dire que la productivité par salarié, exprimée via cet indicateur, aurait baissé de 2,4 % eu euros courants. Si l'on tient compte de l'inflation (elle s'élève à 11,66 % entre fin 2016 et fin 2022), la baisse est beaucoup plus importante. Elle est de l'ordre de 14 %.

Le chiffre d'affaires par salarié aurait peu évolué selon l'Insee
 

Source : Insee (base Esane) / Calculs Actuel expert-comptable. Le chiffre d'affaires par salarié a été déterminé en divisant le chiffre d'affaires du secteur comptable par le nombre de salariés en équivalent temps plein.

Légère hausse, selon l'Insee, en euros courants

Nous avons cherché à examiner ce qu'il en est pour l'ensemble des cabinets comptables, une notion que l'on appréhender à partir des données de l'Insee sur le secteur comptable (lire la méthodologie dans l'encadré ci-dessous). Résultat : on observe entre 2015 et 2021 (nous avons retenu une période de 6 ans comme pour l'analyse du classement de La profession comptable étant précisé que les données de l'Insee les plus récentes portent sur 2021) une légère hausse (+ 4,09 %) du chiffre d'affaires par salarié en euros courants mais une légère baisse (de 2,52 %) de cet indicateur en euros constants.

Plusieurs points autour de ces données interrogent. Notamment l'existence d'un écart colossal dans le chiffre d'affaires moyen par salarié. Ainsi, la saison 2021-2022 issu du classement 2024 de La profession comptable fait ressortir un niveau de 95 483 euros. Les données de l'Insee pour l'année 2021 font ressortir un niveau de 132 507 euros. Plusieurs remarques peuvent être exprimées à ce sujet :

- Le périmètre des cabinets. Celui de l'Insee est exhaustif, c'est-à-dire qu'il comprend tous les cabinets comptables. Est-ce à dire que les salariés du secteur comptable dans son ensemble seraient plus productifs en termes de chiffre d'affaires que ceux des seuls cabinets qui réalisent plus de 3 millions d'euros d'activité ? Cela reste à prouver.

- Le périmètre des activités prises en compte. Le classement de la profession comptable se "limite" aux activités réglementées "OEC et CNCC" alors que l'Insee englobe dans le secteur comptable toutes les activités dites comptables (cela comprend notamment les services de tenue comptable, de vérification comptable, d’établissement financier, d’audit financier, de paie, d’établissement d’attestations ou encore de conseil fiscal) ainsi que celles accessoires (lire l'encadré méthodologie à ce sujet). Ainsi, une activité réalisée à titre accessoire de l'activité comptable par un cabinet est en principe intégrée dans le chiffre d'affaires du secteur comptable calculé par l'Insee mais pas forcément dans celui déclaré au magazine La profession comptable s'agissant des activités réglementées "OEC et CNCC". De plus, certaines activités sont considérées comme une activité comptable au sens du secteur comptable de l'Insee alors qu'elles peuvent être réalisées via une structure rattachée ni à l'expertise comptable ni au commissarait aux comptes. Ce peut-être le cas par exemple de l'établissement des paies.

- Les effectifs pris en compte. Les calculs que nous avons réalisés à partir des données de l'Insee l'ont été à partir des effectifs salariés en équivalent temps plein. Nous ne savons pas comment ont été déterminés les effectifs pour le classement de La profession comptable.

- L'effet potentiel de l'inflation est beaucoup plus important dans les chiffres du classement de la profession comptable. En effet, ils englobent les années 2022 et (au moins pour partie) 2023, années de fortes hausses de prix, tandis que les données de l'Insee s'arrêtent à 2021. On ne sait toutefois pas si les prix pratiqués par les cabinets comptables ont augmenté et, dans l'affirmative, si cette augmentation a été plus importante que celle des prix à la consommation.

- Quid de la consolidation ? Nous ne savons pas si les données du classement de la profession comptable sont consolidées. S'agissant de l'Insee, elles le sont en principe pour les données non additives telles que le chiffre d'affaires (voir l'encadré méthodologie à ce sujet).

 

Comment l'Insee mesure l'activité comptable

L'activité comptable est regroupée dans le code Naf (nomenclature d'activité française) 69.2. Cela englobe notamment les services de tenue comptable, de vérification comptable, d’établissement financier, d’audit financier, de paie, d’établissement d’attestations ou encore de conseil fiscal (voir la liste des activités incluses).

La notion de branche d’activité regroupe des entreprises et des parties d'entreprises qui produisent la même catégorie de prestations (ou de biens). Cela signifie que la branche activités comptables prend en compte non seulement l'activité comptable réalisée par les cabinets comptables, libéraux comme associatifs, mais aussi celle des entreprises qui ne relèvent pas du secteur comptable — ces dernières entreprises peuvent appartenir au secteur conseil en gestion, à l'édition de logiciel ou bien être une société qui facturerait une activité comptable à une entité de son groupe non comptable.

Le secteur activités comptables englobe, quant à lui, toutes les entreprises et rien que les entreprises dont l’activité principale est comptable, c’est-à-dire appartenant à l'activité Naf 69.2. Cela comprend exclusivement les structures d’expertise comptable (y compris les AGC), d’audit légal des comptes et les organismes de gestion agréés et éventuellement certains autres prestataires de ce secteur telles qu'une entreprise dont l'activité principale est la paie (hors édition de logiciel).

Précision importante : l'Insee diffuse depuis l'exercice 2017 entièrement les données sur les secteurs d'entreprise selon la définition de l'entreprise au sens économique. Cela signifie que cet institut de la statistique prend en compte, à partir de cette année-là, la structure des groupes de sociétés afin de constituer des entreprises au sens économique, ce qui n'était fait auparavant que par exception pour certains groupes (à partir de 2013, ont été intégrés certains groupes à partir d'un traitement manuel ; à partir de 2016, une cinquantaine de groupes supplémentaires a été intégrée, également par traitement manuel). Le groupe est défini dans ce contexte comme un ensemble de sociétés liées entre elles par des participations au capital et parmi lesquelles l'une exerce sur les autres un pouvoir de décision étant précisé que pour l'Insee une filiale est une unité légale détenue à plus de 50 % par une autre unité légale. La généralisation de cette nouvelle méthodologie donne lieu à la consolidation de certaines données dites non additives (le chiffre d'affaires, les achats, les créances, les dettes, etc.) lorsqu'elles représentent des flux internes à l'entreprise.

 

Gestion d'entreprise

La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...

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Ludovic Arbelet
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