Le compte personnel de formation creuse les inégalités entre les femmes et les hommes

Le compte personnel de formation creuse les inégalités entre les femmes et les hommes

27.02.2018

Gestion du personnel

Un rapport remis le 20 février dernier à la secrétaire d'Etat à l'égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, dresse un bilan mitigé de l'accès des femmes à la formation professionnelle. Si le nombre de femmes qui se forment progresse, un certain nombre d'entre elles rencontrent encore des obstacles pour accéder à la formation en dépit des dernières réformes.

Alors que la ministre du travail, Muriel Pénicaud, doit présenter dans les jours à venir les orientations de la réforme de la formation professionnelle, un rapport remis le 20 février à la secrétaire d'Etat chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, alerte sur les inégalités qui existent entre les femmes et les hommes dans l'accès à la formation professionnelle (*). Ainsi, les femmes bénéficient moins du plan de formation et des périodes de professionnalisation. Quant au compte personnel de formation (CPF), il creuse indirectement les inégalités entre les sexes.

Un accès plus difficile à la formation pour les femmes non cadres et moins qualifiées

Si le taux d'accès des femmes à la formation professionnelle s'améliore, il demeure encore une différence avec 45% pour les hommes contre 43 % pour les femmes. Si la différence apparaît faible de prime abord, le rapport insiste sur le fait que ces chiffres recouvrent des réalités qui - elles - peuvent inquiéter. "Parmi les cadres, l’inégalité d’accès est sensible : 57 % des femmes cadres se sont formées contre 62 % des hommes. La tendance s’accentue en ce qui concerne les moins qualifiés : huit points séparent les taux d’accès à la formation des hommes et des femmes employés et jusqu’à neuf points ceux des hommes et des femmes ouvriers".

Par ailleurs, note le rapport, si, "les professions intermédiaires constituent la seule catégorie où les femmes se forment plus que les hommes, elles y occupent en effet des fonctions plus souvent tertiaires, pour lesquelles les taux d’accès à la formation sont parmi les plus élevés. Mais il peut s’agir de formations courtes obligatoires par exemple pour utiliser un nouveau logiciel bureautique".

Enfin, la présence d’enfants est un facteur discriminant : l’accès aux formations professionnelles en 2012 pour les mères d’enfants de moins de 6 ans restait inférieur à celui des autres populations, y compris des femmes sans enfants.

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

Découvrir tous les contenus liés
Un CPF créateur d'inégalités indirectes

A première vue, l'utilisation du CPF ne laisse pas transparaître d'inégalités. Quasiment autant d'hommes que de femmes y ont recours et, comme la formation se déroule pour 90% pendant le temps de travail, cela peut expliquer "que les femmes et les hommes en bénéficient en proportions égales", analyse le rapport.

Toutefois, le CPF crée indirectement des inégalités entre les femmes et les hommes. Et cela tient à certaines de ses modalités. "Pour être éligibles au CPF, les formations doivent être diplômantes ou inscrites au répertoire des certifications de qualification professionnelle (CQP). A priori, il s’agit là d’une garantie de qualité qui devrait profiter à tous et notamment aux personnes les moins bien formées ou à celles qui, étant écartées du monde du travail, ont moins accès à des conseils. Or, de fait, le risque vient de la nature des qualifications reconnues par le registre : peu de CQP concernent des métiers majoritairement occupés par des femmes, bien qu’elles soient très représentées dans les emplois peu qualifiés". Ainsi, sur 160 branches ayant créé des CQP enregistrées, seulement 5 portent sur des branches où les femmes sont majoritaires.

Pour endiguer ce phénomène, le rapport recommande, dans le cadre de la politique de GPEC et dans les accords collectifs, de "porter une attention particulière au développement des CQP pour des activités employant majoritairement des femmes afin de parvenir à un rééquilibrage du niveau général de qualification femmes-hommes à une égalité d’accès aux CQP pour les femmes et les hommes, notamment pour les personnes à temps partiel".

Un accès plus aisé au contrat de professionnalisation qu'à l'apprentissage

De telles inégalités s'observent aussi en matière d'alternance. Ainsi, les contrats d'alternance bénéficient moins aux femmes, en particulier l’apprentissage. "Les filles sont donc toujours largement minoritaires dans l’apprentissage, représentant 32,8% des effectifs, proportion qui reste relativement stable d’une année à l’autre. La proportion de filles varie en outre à chaque niveau de formation, de 27 % au niveau V à 46,4 % au niveau II (37 % en niveau I), en fonction de l’importance des spécialités des services. En effet l’apprentissage reste orienté vers les domaines de la production (57,8 %). Il y a un contraste entre le secondaire (niveaux IV et V), relevant majoritairement des domaines de la production (68,3 %), et le supérieur (niveaux I, II et III), relevant majoritairement de ceux des services (58,7 %)".

Le rapport observe qu'à l’inverse de l’apprentissage, les bénéficiaires de contrats de professionnalisation sont "en (faible) majorité des femmes".

Alors qu'une réforme de l'apprentissage est annoncée, le rapport insiste sur la nécessité de comprendre les freins qui limitent le recours des femmes à l’apprentissage, mais pas aux contrats de professionnalisation. "S’agit-il simplement de l’effet de groupe, qui permet aux femmes de se diriger, d’abord, et de mieux s’intégrer ensuite, dans des formations où elles ne sont pas très minoritaires ?".

En revanche, les femmes connaissent un accès plus important à la validation des acquis de l’expérience (VAE) ; dès lors, le rapport estime nécessaire de continuer à promouvoir la VAE, notamment dans le cadre des CEP, "comme un moyen de valoriser des compétences obtenues par des femmes sans qu’elles n’aient été reconnues par une promotion ou une qualification".

Saisir l'évolution des métiers pour former plus efficacement les femmes

Afin d'utiliser la formation comme un levier d'employabilité des femmes, le rapport recommande en outre de miser sur les métiers en mutation. "Il faudrait organiser une progression de la mixité, tendant à la parité, sur toutes les formations visant à entrer ou à évoluer dans des métiers en mutation. Les branches professionnelles concernées devraient prendre des engagements en la matière".

L'auteure préconise également de former davantage les femmes aux métiers en tension. D'une part, "en utilisant les listes régionales des métiers en tension, identifier sur chaque bassin d’emploi les métiers concernés et les parcours de formation permettant aux demandeur.s d’emploi de les occuper", et d'autre part, en veillant "à ce que ces parcours soient proposés systématiquement aux femmes, en se donnant un objectif chiffré de 40% de places réservées à des femmes dans les formations correspondantes".

Inquiétude sur le nouveau CSE et les informations en matière de formation

Enfin, le rapport émet des craintes qui tiennent à l'évolution des instances de représentation du personnel avec les ordonnances du 22 septembre 2017. L'auteure du rapport redoute que le nouveau CSE se préoccupe moins des conditions de travail des femmes. "Il aurait été utile que le décret d’application ait prévu au titre des informations à transmettre au CSE des indicateurs permettant d’évaluer l’accessibilité et le rendement des formations offertes pour les femmes, et par exemple le nombre de femmes promues après une formation, le nombre de formations organisées dans des locaux proches du lieu de travail, le nombre de salariés bénéficiant d’une formation au retour de leur congé familial".

 

(*) "Faire d'un système rénové de formation professionnelle un outil majeur d'égalité au travail entre les femmes et les hommes", de Catherine Smadja-Froguel.

Florence Mehrez
Vous aimerez aussi