Le Conseil constitutionnel censure le legal privilege

Le Conseil constitutionnel censure le legal privilege

16.11.2023

Gestion d'entreprise

Le Conseil constitutionnel a rendu hier sa décision sur les projets de loi justice. Parmi les dispositions censurées, celles de l’article 49 qui créaient la confidentialité des avis des juristes en entreprise.

Le Conseil constitutionnel a rendu hier soir ses décisions sur les projets de loi justice, la loi d’orientation et la loi organique. Dans la décision sur la loi d’orientation, sa position sur l’article 49 (ex-article 19 du projet de loi) était particulièrement attendue sur la question du legal privilege des juristes en entreprise.

Gestion d'entreprise

La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...

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La saisine du groupe LFI était large, puisqu’elle incluait pas moins d’une quinzaine de dispositions. Les autres groupes de la NUPES n’avaient pas souhaité se joindre à ce recours. Les députés visaient le legal privilege, car, pour eux, « en ne garantissant pas aux autorités de régulations les moyens effectifs d’exercer leur mission », la confidentialité des avis des juristes en entreprise était contraire « au respect de l’ordre public économique », et « de manière incidente empêch[ait] la réalisation de l’objectif à valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d’infraction.

Le Conseil n’a finalement pas relevé ce motif pour censurer la disposition. Il a privilégié une raison de forme et a considéré que la disposition était un cavalier législatif. Pour lui, la mesure ne « présente pas de lien, même indirect, avec les dispositions de l’article 19 du projet de loi initial, relatif au diplôme requis pour accéder à la profession d’avocat », ni avec les autres dispositions du projet de loi initial. « Dès lors, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres griefs et sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles », il a censuré cet article.

La question du « cavalier législatif » avait été posée dès le départ. L’amendement Marseille avait été toutefois déclaré recevable par la commission des lois du Sénat. Il avait été largement soutenu par les sénateurs, puis par le gouvernement et les députés qui avaient affiné le texte. Différentes autorités de régulations s’étaient exprimées, parfois mezza voce, contre l’article. L’Autorité des marchés financiers (AMF) et l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) avaient même tenté de faire porter des amendements de suppression. Un amendement avait été déposé, mais il n’avait pas été soutenu. La disposition ayant été validée politiquement mais censurée pour des raisons de forme, il est probable qu’elle revienne, peut-être sous la forme d’une proposition de loi.

Censure de deux articles liés à la CJIP

Dans le reste de sa décision, le Conseil a censuré d’autres cavaliers : ainsi les articles sur l’assistance obligatoire par un avocat dans les CJIP, le suivi des obligations d’une CJIP environnementale par les procureurs, la gestion du fichier des traitements d’antécédents judiciaire et le remplacement du terme « race » par « prétendue race ». Il a également censuré la possibilité d’activer à distance des appareils électroniques pour sonoriser ou capter des images, car elle était autorisée pour l’ensemble des infractions relevant de la criminalité organisée. Il l’a validée en matière de géolocalisation.

Sur la loi organique, il a censuré la possibilité pour les magistrats de participer, dans des cas exceptionnels, à l’audience et au délibéré du tribunal par visioconférence. En des termes inédits, le Conseil a considéré que la présence physique des magistrats composant la formation de jugement durant l’audience et le délibéré est une garantie du droit à un procès équitable. Dès lors, une éventuelle exception devait être mieux encadrée.

 

Pierre Januel
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