Le Conseil constitutionnel valide la loi sur le marché du travail

Le Conseil constitutionnel valide la loi sur le marché du travail

16.12.2022

Gestion du personnel

Dans une décision rendue hier, le Conseil constitutionnel estime constitutionnelles les mesures essentielles de la loi sur le marché du travail : définition temporaire des règles d'assurance chômage par décret, encadrement de l'abandon de poste, conséquences sur l'indemnisation chômage du refus de deux CDI à l'issue d'un CDD ou d'un contrat de mission, extension de la VAE.

Le Conseil constitutionnel a rendu hier en fin d'après-midi sa décision sur la loi portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi. Les Sages ont jugé constitutionnelles les dispositions qui lui avaient été soumises le 18 novembre dernier par les députés de la Nupes. 

La détermination des règles d'assurance chômage par décret, l'encadrement de l'abandon de poste, les conséquences sur l'indemnisation chômage de deux refus d'un CDI après un CDD ou un contrat de mission et l'extension de la validation des acquis de l'expérience (VAE) ne sont pas contraires à la Constitution.

Assurance chômage 

Les députés auteurs de la saisine formulaient trois reproches aux dispositions relatives à l'assurance chômage : 

  •  en habilitant le gouvernement à fixer lui-même les règles relatives à l'assurance chômage sans limiter l'objet ou la portée des dispositions que pourrait contenir le décret, le législateur avait fait preuve d'incompétence négative et privé de garanties légales le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence, garanti par le onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946. ; 

  • en dérogeant aux règles de droit commun qui confient aux partenaires sociaux la compétence pour déterminer, par des accords paritaires, les mesures d'application du régime d'assurance chômage, la loi a méconnu le principe de participation, garanti par le huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 ; 

  • enfin, en permettant au pouvoir réglementaire de moduler les droits à indemnisation des bénéficiaires de l'assurance chômage en fonction d'indicateurs conjoncturels sur l'emploi et le fonctionnement du marché du travail, la loi a méconnu le principe d'égalité devant la loi, du "droit à ouverture de l'allocation d'assurance chômage garanti par le versement de cotisations d'assurance chômage" et du principe de fraternité.

Ces trois arguments sont écartés par les Sages.

Le Conseil constitutionnel souligne que "le législateur, dans le cadre des compétences qu'il tient de l'article 34 de la Constitution, peut tout à fait renvoyer au décret - pris après une concertation appropriée - ou de confier à la négociation collective le soin de préciser, en matière de détermination collective des conditions de travail, les modalités d'application des règles qu'il a fixées". Or, l'article L. 5422-20 du code du travail prévoit que les mesures d'application des dispositions législatives relatives à l'assurance chômage font l'objet d'un accord conclu entre les organisations représentatives de salariés et d'employeurs qui doit être agréé par le Premier ministre, ou, en l'absence d'accord ou d'agrément, sont déterminées par un décret en Conseil d'Etat.

Le législateur a ainsi pu, sans méconnaître l'étendue de sa compétence, renvoyer à un décret la détermination des mesures d'application des dispositions législatives relatives au régime d'assurance chômage pour la période allant du 1er novembre 2022 au 31 décembre 2023 au plus tard. Le décret est par ailleurs bien adopté à la suite d'une concertation avec les organisations de salariés et d'employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel.

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Refus de deux CDI 

Les députés de la Nupes contestaient également les dispositions de la loi sur le marché du travail sanctionnant le refus de deux propositions de CDI après un CDD ou un contrat de mission par la suppression du droit de bénéficier de l'allocation de retour à l'emploi (ARE). Selon eux, ces dispositions faisaient peser sur les demandeurs d'emploi une contrainte excessive en méconnaissance du cinquième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946. Ils estimaient également que ces dispositions créaient une différence de traitement injustifiée entre les demandeurs d'emploi selon qu'ils ont reçu ou non une proposition de CDI. 

Le Conseil constitutionnel réfute cette analyse. 

Il rappelle dans un premier temps les dispositions du cinquième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 selon lequel "chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi...", mais également le onzième alinéa qui suppose que le droit prévoit l'existence d'un régime d'indemnisation des travailleurs privés d'emploi.

Ces normes consitutionnelles sont bien respectées selon les Sages.

D'une part, parce que le législateur en adoptant cette disposition "entend inciter les travailleurs privés d'emploi à accepter des emplois à durée indéterminée afin notamment de lutter contre la précarité résultant de l'embauche dans le cadre de contrats à durée déterminée ou de mission d'intérim. Il a ainsi poursuivi un objectif d'intérêt général". 

D'autre part, parce que la suppression du bénéficie des allocations chômage est strictement encadrée : 

  • le demandeur d'emploi peut être privé d'allocations chômage "uniquement lorsque, soit il a refusé à deux reprises au cours des douze derniers mois, à l'issue d'un contrat à durée déterminée, une proposition de contrat à durée indéterminée pour occuper le même emploi ou un emploi similaire, assorti d'une rémunération au moins équivalente pour une durée de travail équivalente, relevant de la même classification et sans changement du lieu de travail, soit il a refusé, à deux reprises au cours des douze derniers mois, à l'issue d'un contrat de mission, un contrat à durée indéterminée pour occuper le même emploi ou un emploi similaire, sans changement du lieu de travail. En outre, le bénéfice de l'allocation d'assurance chômage ne peut lui être refusé si, au cours de la même période de douze mois, il a été employé dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée" ; 
  • en outre, il ne peut être privé de l'allocation d'assurance chômage "si la dernière proposition de contrat à durée indéterminée qui lui a été adressée n'est pas conforme aux critères prévus par le projet personnalisé d'accès à l'emploi préalablement établi, lequel précise la nature et les caractéristiques de l'emploi ou des emplois recherchés, la zone géographique privilégiée et le niveau de salaire attendu, en tenant compte de la formation du demandeur d'emploi, de ses qualifications, de ses connaissances et compétences acquises au cours de ses expériences professionnelles, de sa situation personnelle et familiale ainsi que de la situation du marché du travail local". 
Abandon de poste 

Les députés auteurs de la saisine contestaient l'assimilation de l'abandon de poste à une démission, dont la conséquence était de priver du bénéfice du régime d'assurance chômage des personnes conduites à abandonner leur poste pour des motifs indépendants de leur volonté.

Ils reprochaient par ailleurs à ces dispositions d'instituer une différence de traitement, au regard du droit à indemnisation au titre de l'assurance chômage, entre les salariés en situation d'abandon de poste selon que leur employeur procède au licenciement ou se prévaut de la présomption de démission qu'elles instaurent. 

Le Conseil constitutionnel n'est guère plus convaincu par ces arguments. 

Il constate que ces dispositions sont circonscrites et ne s'appliquent que dans le cas où le salarié a volontairement abandonné son poste, écartant donc les situation où l'abandon de poste reposerait "sur un motif légitime, tel que des raisons médicales, l'exercice du droit de grève, l'exercice du droit de retrait, le refus du salarié d'exécuter une instruction contraire à la réglementation ou encore son refus d'une modification unilatérale d'un élément essentiel du contrat de travail".

Les Sages tiennent également compte du fait que "le salarié ne peut être réputé démissionnaire qu'après avoir été mis en demeure, par son employeur, de justifier d'un tel motif et de reprendre son poste dans un délai déterminé, qui ne peut être inférieur à un minimum fixé par décret en Conseil d'Etat".

Enfin, ils soulignent le fait qu'il s'agit d'une présomption simple, "qui peut donc être renversée par le salarié qui entend contester la rupture de son contrat de travail" et que "le conseil de prud'hommes saisi d'une telle contestation statue alors au fond, sans conciliation préalable, dans un délai d'un mois à compter de sa saisine".

Validation des acquis de l'expérience 

Les députés de la Nupes contestaient enfin certaines des dispositions relative à la validation des acquis de l'expérience (VAE). Ils soutenaient que la loi méconnait un principe fondamental reconnu par les lois de la République de "monopole de l'Etat pour la collation des grades et diplômes nationaux". 

Dans leur collimateur, l'abrogation des articles L.613-3 à L.613-6 du code de l'éducation organisant la délivrance des diplômes de l'enseignement supérieur au titre de la VAE et l'insertion au sein du code du travail d'un nouvel article L.6412-3 relatif au jury en charge de cette validation.

Ils estimaient en outre qu'en renvoyant au pouvoir réglementaire le soin de fixer la composition et les modalités de fonctionnement du jury chargé de prononcer la VAE, le législateur avait méconnu l'étendue de sa compétence.

Ils critiquaient également la mesure prévoyant, à titre expérimental, que les contrats de professionnalisation conclus par les employeurs de droit privé peuvent comporter des actions en vue de la VAE, afin de favoriser l'accès à la certification et à l'insertion professionnelles dans certains secteurs.

Ces derniers reproches sont également écartés par le Conseil constitutionnel.

D'une part, les Sages soutiennent que la règle invoquée ne peut être regardée, en elle-même, comme figurant au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République mentionnés par le premier alinéa du Préambule de la Constitution de 1946.

D'autre part, qu'en prévoyant que la VAE est prononcée par un jury, "le législateur a entendu assurer que la délivrance d'un diplôme ou d'un titre dans ce cadre soit soumise à l'appréciation d'une instance collégiale composée de personnes choisies en raison de leurs qualifications, de leurs aptitudes ou de leurs compétences dans les disciplines, matières ou professions concernées".

Ils en concluent qu'en "renvoyant à un décret la composition et les modalités de fonctionnement du jury en charge de la validation des acquis de l'expérience, le législateur n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence". 

► La loi peut désormais être promulguée et publiée au Journal officiel. A noter que de nombreux décrets sont attendus pour une entrée en vigueur effective de ces dispositions.

Florence Mehrez
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