Le Conseil constitutionnel a rendu vendredi à 18 heures ses deux décisions sur la LFRSS pour 2023 portant réforme des retraites et la proposition de loi sur l'organisation d'un référendum d'initiative partagée afin de maintenir l'âge de départ à la retraite à 62 ans. Les Sages ont validé l'essentiel de la réforme, tout en censurant six cavaliers sociaux et ont rejeté le RIP. La loi été publiée dans la foulée samedi.
C'est sous haute surveillance policière que le Conseil constitutionnel a rendu ce vendredi soir, à 18 heures, ses deux décisions sur la réforme des retraites. Les Sages ont planché de 9 heures à 16 heures pour finaliser les décisions. Sans trop de surprise, le Conseil constitutionnel a validé l'essentiel de la réforme des retraites - dont le report de l'âge et l'accélération du calendrier Touraine - tout en censurant six cavaliers sociaux. Il a par ailleurs rejeté la demande d'un référendum d'initiative partagée sur le maintien de l'âge de départ à la retraite à 62 ans. Explications
L'une des principales questions posées au Conseil constitutionnel - inédite par ailleurs - était celle de savoir si le gouvernement pouvait adopter une réforme des retraites via une LFRSS. Pour remettre les choses dans leur contexte, et car cela était invoqué par les requérants, la révision constitutionnelle de 1996 a institué les lois de financement de la sécurité sociale en modifiant l'article 34 de la Constitution et en créant un nouvel article 47-1. Des lois organiques ont par ailleurs été adoptées pour leur application. La question à laquelle devait répondre le Conseil constitutionnel était celle de savoir si la LFRSS pour 2023 était bien conforme à ces dispositions constitutionnelles et aux lois organiques qui définissent les domaines des lois de financement de la sécurité sociale d'une part, et si le législateur pouvait le faire dans le cadre d'une loi rectificative d'autre part.
Oui, répondent les Sages. Les mesures du PLFRSS pour 2023 entrent bien, pour la plupart d'entre elles, dans le champ des articles du code de la sécurité sociale, notamment l'article LO 111-3-10 du code de la sécurité sociale. En outre, il ne résulte pas des textes que le recours à un PLFRSS serait subordonné à l'urgence, à des circonstances exceptionnelles ou à un déséquilibre majeur des comptes sociaux.
Enfin, si le Conseil constitutionnel admet qu'une telle réforme aurait pu passer par une loi ordinaire, il rappelle qu'il ne lui appartient pas de substituer son appréciation à celle du législateur.
Gestion du personnel
La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :
- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.
Autre motif de contestation de la part des auteurs des saisines, la procédure législative utilisée et, notamment, la combinaison de plusieurs articles de la Constitution afin d'enserrer les débats législatifs dans des temps restreints. Le Conseil constitutionnel procède article par article et estime qu'aucune application de ces dispositions n'a méconnu les règles constitutionnelles, pas plus que celles issues des règlements des assemblées. "La circonstance que plusieurs procédures prévues par la Constitution et par les règlements des assemblées aient été utilisées cumulativement pour accélérer l'examen de la loi déférée, n'est pas à elle seule de nature à rendre inconstitutionnel l'ensemble de la procédure législative ayant conduit à l'adoption de cette loi". Le Conseil constitutionnel se borne à relever "le caractère inhabituel" de la combinaison de ces dispositions mais qui n'a pas pour effet de rendre la procédure législative à laquelle le gouvernement a eu recours contraire à la Constitution.
Sur le fond, le Conseil constitutionnel valide les mesures essentielles de la réforme, à savoir le report de l'âge de départ à la retraite de 62 à 64 ans et l'accélération du calendrier Touraine. Certains parlementaires avaient pourtant déploré que ces mesures heurtaient un certain nombre de principe du Préambule de la Constitution de 1946. Ils estimaient que cette réforme portait atteinte à la politique de solidarité nationale en faveur des travailleurs retraités et la sécurité matérielle des vieux travailleurs, qu'elle augmentait la précarité des travailleurs seniors et qu'elle accroissait les inégalités entre les femmes et les hommes.
Des arguments rejetés par le Conseil constitutionnel qui constate que le législateur a tenu compte de l'allongement de l'espérance de vie, qu'il a maintenu ou étendu des possibilités de retraite anticipée au bénéfice de personnes ayant eu des carrières longues, de celles ayant un taux d'incapacité de travail fixée par voie réglementaire ou encore des travailleurs handicapés. Qu'il a en outre maintenu l'âge d'annulation de la décote à 67 ans pour les salariés du secteur privé et institué un âge d'annulation de la décote dans la fonction publique. Et qu'enfin, les dispositions de l'article 10 n'ont ni pour objet ni pour effet de supprimer le bénéfice de la majoration de la durée d'assurance de quatre trimestres attribués aux femmes assurées sociales au titre de l'incidence sur leur vie professionnelle de la maternité.
Le Conseil constitutionnel, allant plus loin que ce qui était soulevé par les auteurs des saisines, censure six mesures s'apparentant à des cavaliers sociaux, à savoir des dispositions ne pouvant pas être rattachées à une loi de financement de la sécurité sociale.
Sans surprise, li censure l'Index seniors prévu à l'article 2, le CDI seniors prévu à l'article 3 et le suivi médical spécifique au bénéfice de salariés exerçant ou ayant exercé des métiers ou des activités particulièrement exposés à certains facteurs de risques professionnels prévu à l'article 17. Ces dispositions "n'ont, en 2023, pas d'effet ou un effet trop indirect sur les recettes des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement", indiquent les Sages.
Le Conseil constitutionnel censure par ailleurs l'article 6 sur le recouvrement des cotisations dont l'abandon du transfert du recouvrement des cotisations Agirc-Arrco aux Urssaf, le 6° du paragraphe III de l'article 10 relatif aux conditions d'ouverture du droit au départ anticipée pour les fonctionnaires ayant accompli leurs services dans un emploi classé en catégorie active ou super-active pendant les 10 années précédant leur titularisation et l'article 27 sur l'information des assurés sociaux sur le système de retraite par répartition.
Quelles sont les prochaines étapes à venir ? Sans tarder le président de la République a promulgué la loi qui a été publiée samedi au Journal officiel.
Le 3 mai prochain, le Conseil constitutionnel rendra sa décision sur la deuxième proposition de loi sur un RIP déposée en urgence jeudi soir par des parlementaires, anticipant que la rédaction de la première était lacunaire. Ce deuxième sera également apprécié par rapport à l'état du droit avant la promulgation de la loi quand bien même celle-ci aurait déjà été promulguée. A noter que la décision rendue ce vendredi ne préjuge pas de celle qui sera rendue le 3 mai, les parlementaires ayant modifié leur texte et ajouté un article. Tout l'enjeu sera encore de décider ou non s'il s'agit d'une "réforme".
Les socialistes ont par ailleurs annoncé qu'ils déposeront une proposition de loi d’abrogation de la réforme des retraites visant à supprimer le report de l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans et l’accélération de la hausse de la durée de cotisation.
Enfin, on peut s'attendre au dépôt de questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) dans les mois à venir, notamment à l'occasion de contentieux sur les décrets d'application, sur les dispositions de la loi qui n'auront ni été censurées ni jugées conformes par le Conseil constitutionnel.
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