Le Conseil d'Etat fragilise la portée des guides de bonnes pratiques des branches professionnelles dans la lutte contre le Covid-19

Le Conseil d'Etat fragilise la portée des guides de bonnes pratiques des branches professionnelles dans la lutte contre le Covid-19

09.06.2020

Gestion du personnel

Le Conseil d'Etat vient de décider que les guides de bonnes pratiques des organisations professionnelles dans la lutte contre le Covid-19, bien que mis en ligne sur le site du ministère du travail, ne sont pas des actes administratifs susceptibles de faire grief et, à ce titre, ne peuvent pas faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif.

C'est une décision intéressante que vient de rendre le Conseil d'Etat en référé le 29 mai. Interrogé sur les guides de bonnes pratiques des organisations professionnelles, relatifs aux mesures de prévention dans le cadre de la lutte contre le Covid-19, et mis en ligne sur le site du ministère du travail, le Conseil d'Etat rejette la possibilité d'exercer un recours en excès de pouvoir contre ces documents qui ne sont pas des actes administratifs susceptibles de faire grief. 

Des fiches métiers modifiées - et partant - non contestables

Dans cette affaire, l'Association française de l'industrie des fontaines à eau (AFIFAE) a saisi le Conseil d'Etat en référé, afin d'obtenir la suspension de 19 fiches conseils établies par le ministère du travail dans le cadre de la lutte contre le Covid-19. L'Association y avait un intérêt particulier car les fiches incriminées recommandaient l'interdiction, la suppression ou la suspension des fontaines à eau. L'association estimait qu'une telle préconisation aboutissait à empêcher les employeurs de remplir leur obligation de mettre à la disposition des salariés de l'eau potable et fraîche. Elle estimait par ailleurs que l'utilisation des fontaines à eau n'exposait pas les salariés à un risque de contamination particulier et que les solutions alternatives ne présentaient pas de meilleures garanties de sécurité.

La demande de l'association sur ce point est rejetée. Le Conseil d'Etat constate que la rédaction des fiches litigieuses a évolué au fil du temps, préconisant pendant la pandémie de suspendre "de préférence l'utilisation des fontaines à eau au profit d'une distribution de bouteilles d'eau individuelles". Les juges estiment que cette formulation signifie que "l'usage des fontaines à eau ne soit, de préférence, suspendu que si l'employeur est effectivement en mesure de lui substituer une distribution de bouteilles d'eau individuelles, dans des conditions permettant de concilier la protection des salariés contre les risques de contamination et le respect de l'obligation d'assurer la distribution d'eau potable et fraîche, conformément aux dispositions de l'article R.4225-2 du code du travail".

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Des guides de bonnes pratiques sans valeur juridique

L'association attaquait aussi des guides de bonnes pratiques d'organisations professionnelles, mis en ligne sur le site du ministère du travail, qui recommandaient pour la durée de la pandémie, la mise hors service ou l'interdiction d'accès à toute fontaine à eau, dont deux invitaient à supprimer, dans la mesure du possible, le recours aux " fontaines à bec ". S'agissant de ces documents, le Conseil d'Etat refuse de se prononcer au motif qu'ils ne constituent pas des des actes administratifs faisant grief. Selon le Conseil d'Etat, "les décisions de publication de ces guides sur le site du ministère du travail ont pour seul objet d'informer les employeurs et les salariés des branches concernées des travaux réalisés par les organisations professionnelles et syndicales auteurs de ces guides. Elles ne révèlent par elles-mêmes aucune décision d'approbation de leur contenu par l'administration et ne contiennent pas d'autres informations que celles ayant vocation à être portées, par ailleurs, à la connaissance des employeurs et salariés de la branche par les organisations qui sont à l'initiative de ces documents. Par suite, elles ne revêtent pas le caractère de décisions faisant grief et ne sont susceptibles de faire l'objet ni d'un recours pour excès de pouvoir ni, par conséquent, d'une requête tendant à la suspension de leur exécution".

Les juges s'estiment donc incompétents pour prononcer la suspension de ces guides de bonnes pratiques et clarifient ainsi leur valeur juridique. 

Des questions en suspens

On peut regretter que le Conseil d'Etat ne se soit pas prononcé sur la valeur juridique des fiches métiers rédigées par le ministère du travail lui-même, les juges se contentant de constater que les recommandations contestées ont par la suite été modifiées, et par là-même l'impossibilité de contester leur "légalité". Une occasion ratée de clarifier la portée de ces documents qui constituent une partie du code du travail numérique que les employeurs peuvent, en principe, invoquer pour plaider leur bonne foi dans la mise en oeuvre des règles de droit du travail. 

Florence Mehrez
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