Le Conseil d'État valide la procédure de précision des motifs du licenciement

14.05.2019

Gestion du personnel

Le Conseil d'État a rejeté la demande d'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 2017-1702 du 15 décembre 2017 ayant mis en oeuvre la procédure de précision des motifs de licenciement créée par l'une des ordonnances Macron de septembre 2017.

Les syndicats FO et Solidaires avaient intenté une action en annulation pour excès de pouvoir du décret ayant mis en oeuvre la procédure de précision des motifs de licenciement issue de l'ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017.

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Pour mémoire, cette ordonnance a profondément modifié les règles relatives à la motivation de la lettre de licenciement.

Auparavant, l'absence d'indication d'un motif précis dans la lettre de licenciement équivalait à une absence de motif et rendait ainsi le licenciement sans cause réelle et sérieuse. L'employeur se devait donc d'être extrêmement rigoureux quant à l'énoncé des griefs invoqués à l'encontre du salarié dans la lettre de licenciement. Ces motifs fixaient en effet ce qu'on appelle les limites du litige. Impossible, une fois le licenciement notifié, d'y apporter des modifications. Le juge statuait sur ces motifs et sur rien d'autre.

Remarque: l'indication des motifs dans la lettre de licenciement revêt une importance particulière puisque ce sont ces motifs qui vont « fixer » la situation juridique. Concrètement, cela signifie que l'employeur ne peut pas les modifier ou les compléter par la suite. Il ne peut pas invoquer devant le juge des motifs différents de ceux qu'il a formulés dans la lettre de licenciement, et ce, même si ces motifs différents sont de nature à justifier un licenciement.

Cette règle selon laquelle la lettre de licenciement fixe les limites du litige a été maintenue par l'ordonnance mais  a été aménagée.

Les motifs contenus dans la lettre peuvent, depuis le 18 décembre 2017, être précisés par l'employeur, soit de sa propre initiative, soit à la demande du salarié, après la notification du licenciement. Ce n'est qu'après ces éventuelles précisions que les limites du litige seront fixées (C. trav., art. L. 1235-2 et R. 1232-13).

Le salarié a 15 jours à compter de la notification de son licenciement pour demander à l'employeur de préciser les motifs énoncés dans la lettre. Cette demande doit être faite par lettre recommandée avec avis de réception ou être remise à l'employeur contre récépissé. L'employeur dispose ensuite à son tour de 15 jours à compter de la réception de la demande du salarié pour apporter, le cas échéant, lesdites précisions, là encore par lettre recommandée avec avis de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge.

L'employeur peut également, de sa propre initiative, préciser les motifs de licenciement invoqués à l'encontre du salarié. Il a également 15 jours pour le faire, dans les mêmes formes (lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé).

Pour les syndicats à l'initiative du recours, le décret n'impose pas à l'employeur d'informer le salarié de la possibilité qui lui est offerte de demander que les motifs de son licenciement lui soient précisés et ne définit pas les incidences pour le salarié de la mise en oeuvre ou de la non-mise en oeuvre de ce droit. Notamment, le délai de 15 jours dont il dispose pour demander des précisions n'entraîne pas le report du point de départ du délai de prescription à l'intérieur duquel il peut contester en justice la rupture de son contrat.

Remarque: pour mémoire, l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 (JO, 23 sept.) a introduit une distinction entre l'action portant sur l'exécution du contrat de travail et celle portant sur la rupture du contrat de travail. Si la première se prescrit toujours par 24 mois, l'action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit désormais par 12 mois à compter de la notification de cette dernière ( C. trav., art. L. 1471-1, al. 2). En d'autres termes, un salarié qui entend contester son licenciement en justice a donc 12 mois pour agir. Au-delà, sa demande sera jugée irrecevable.

Mais les Sages ont estimé qu'aucune disposition n'imposait au décret de fixer de telles règles. Le texte est par ailleurs conforme à la convention OIT n° 158 selon laquelle le principe du contradictoire et les droits de la défense doivent être respectés, ce qui est le cas puisque le licenciement doit être motivé et le salarié a la possibilité de se défendre avant d'être licencié. L'absence d'effet interruptif de la procédure de demande de précision sur le délai de prescription d'une éventuelle contestation en justice n'est pas incompatible avec le principe d'un procès équitable posé par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'empêche pas le salarié de contester la rupture. La demande d'annulation pour excès de pouvoir du décret incriminé est donc rejetée par les juges.

 

Delphine De Saint Remy, Guides RH
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