Dans un arrêt du 6 décembre 2023, le Conseil d’État rappelle la différence entre les recherches opérées par la DGCCRF en vue de constater des infractions pénales et celles en vue de constater des manquements susceptibles de donner lieu à des sanctions administratives. Cette distinction influe sur la nature des documents produits et, ce faisant, sur le droit de communication applicable. Cédric Hélaine, docteur en droit et chargé d'enseignement à l'Université d'Aix-Marseille, nous explique les enjeux de cette décision.
Il est assez rare de croiser des décisions s’intéressant au droit d’accès, applicable ou non, à des procédures diligentées par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (la DGCCRF). L’arrêt rendu par le Conseil d’État le 6 décembre 2023 permet, dans cette optique, d’explorer une question délicate à savoir celle de la qualification des documents produits dans un tel contexte afin de déterminer si le droit c’accès prévu par le livre III du code des relations entre le public et l’administration s’applique. L’interrogation suscite, en effet, d’âpres difficultés en pratique.
Gestion d'entreprise
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Les faits commencent avec un signalement par le centre antipoison de Paris à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) ainsi qu’à la DGCCRF. Cette dernière a demandé à la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations de la Marne (la DDCSPP 51 [ndlr : depuis le 1er avril 2021, il s’agit de la DDETSPP]) de procéder à un contrôle des produits en question à base de différents champignons.
Ceux-ci sont commercialisés par une société. Après enquête des services concernés, la société demande, le 14 mars 2020 et le 6 juin 2020, à la DDCSPP 51, la communication de divers documents relatifs à ce contrôle (à savoir le dossier de saisine de l’unité d’alerte de la DGCCRF, la copie des courriers échangés avec les services centraux et l’ensemble des courriers échangés sur la qualification litigieuse des produits). La direction répond que la demande a été transmise à l’ANSES et a rejeté en l’état celle-ci le 28 septembre 2020. Le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, dans un jugement du 22 novembre 2022, annule la décision considérée et enjoint au préfet de la Marne de communiquer ces documents dans un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement. Le ministre de l’Économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande au Conseil d’État d’annuler ce jugement par pourvoi du 23 janvier 2023.
La question principale repose à dire vrai sur le pourvoi principal du ministre qui avançait les articles L 300-2 du code des relations entre le public et l’administration ainsi que les articles applicables du code de la consommation, à savoir les articles L 511-3 et suivants de celui-ci. Le Conseil d’État note que lesdits documents ont été produits et reçus dans le cadre de la recherche d’une infraction pénale liée à l’absence d’autorisation de mise sur le marché d’un nouvel aliment et ce conformément à l’article R 451-1 du code de la consommation, dans le contexte plus général du règlement (UE) 2015/2283 du 25 novembre 2015 relatif à cette question.
Nous l’aurons compris, la question litigieuse est assez vite réglée dans ce contexte et on perçoit immédiatement là où le bât blesse dans la décision du tribunal de Châlons-en-Champagne.
Dans le cadre d’une recherche d’infraction pénale comme c’était le cas, les documents en question ne peuvent pas présenter un caractère administratif. La solution est logique car il faut bien distinguer les activités de recherche et de constatation des manquements du code de la consommation qui donnent lieu à des sanctions administratives avec celles qui permettent la constatation d’une infraction pénale. C’est l’objet du considérant n° 6 de la décision commentée qui résume parfaitement la dichotomie en question. Ici, c’était la seule recherche de la commission d’une infraction pénale, celle régie par l’article R 451-1 du code de la consommation, qui était en jeu. L’erreur de droit est donc nécessairement consommée quand le tribunal avait considéré que les documents en question étaient soumis aux règles d’accès prévues par le code des relations entre le public et l’administration. Ce rappel est salutaire car il n’est pas aisé de distinguer entre les situations dans le cadre de telles enquêtes diligentées par des agents publics.
L’arrêt du 6 décembre 2023 sonne donc, avant tout, comme le rappel de la méthodologie applicable au droit d’accès. Le Conseil d’État décide ensuite de statuer au fond, pouvoir conféré par l’article L 821-2 du code de la justice administrative.
La question est réglée assez facilement, il faut bien le dire. La méthodologie étant bien posée par le Conseil d’État, il ne restait plus qu’à l’appliquer au cas d’espèce comme aurait dû le faire le tribunal saisi du dossier. Deux éléments sont rejetés sans développements importants : le grief d’incompétence et celui de défaut de procédure contradictoire. Le considérant n° 9 rappelle, en effet, que les décisions qui ont rejeté les demandes de communication sont réputées émaner de l’autorité compétente. Quant au contradictoire, la société avait adressé sa demande et celle-ci avait été refusée. Par conséquent, la procédure avait été respectée en l’état de la jurisprudence applicable sur le sujet.
Tous les documents concernés ont été produits et reçus par des agents de la DGCCRF dans le cadre de la recherche de l’infraction pénale considérée ci-dessus. Or, l’article R 451-1 du code de la consommation prévoit que les infractions pénales en question sont « punies de la peine d’amende prévue pour les contraventions de la 5e classe. La récidive est réprimée conformément aux dispositions des articles 132-11 et 132-15 du code pénal ».
Aucune sanction administrative n’est prévue pour cette recherche de sorte que la demande telle que formulée par la société, fondée sur le livre III du code des relations entre le public et l’administration n’avait aucune chance concrète d’aboutir. Ceci conduit assez sèchement à rejeter les demandes de communication puisque lesdits documents sont dépourvus de caractère administratif. Le considérant n° 11 n’est donc que l’application pure et simplement des considérants nos 6 et 7 constatant l’erreur de droit du jugement frappé du pourvoi.
La décision permet utilement de rappeler que même si c’est l’administration qui procède au contrôle en vue de rechercher si une infraction pénale peut être constatée, les actes produits ne sont pas nécessairement des documents ayant un caractère administratif, et ce s’il n’y a pas de sanctions administratives qui sont prévues par les textes. Reste toujours l’article L 521-27 du code de la consommation qui permet la communication des rapports d’essais ou d’analyses, des avis ou des autres documents justifiant les mesures mais il s’agit d’un élément complètement délié du droit d’accès prévu par le code des relations entre le public et l’administration.
Voici donc un arrêt intéressant permettant de se pencher sur les enquêtes diligentées par la DGCCRF. Gare donc à l’enchevêtrement des textes qui ne sont pas forcément tous applicables et ce en fonction de la finalité de l’enquête.
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