Le devoir de vigilance européen remis en cause par la guerre en Ukraine ?
19.09.2022
Gestion d'entreprise

Le 5 septembre dernier, les membres de la commission des affaires juridiques du Parlement européen se sont réunis afin de discuter de la proposition de directive sur le devoir de vigilance européen. Des échanges ternis par le contexte de la guerre en Ukraine, qui pourrait remettre en cause le contenu mais aussi le calendrier d'adoption du texte.
« C’est un moment historique. Il est temps de se retrousser les manches et de se lancer dans l’arène », introduit Lara Wolters, rapporteure de la proposition de directive sur le devoir de vigilance européen lors des échanges de vues de la commission des affaires juridiques du Parlement européen qui s’est réunie le 5 septembre dernier à Bruxelles. Cet échange de vues fut l'occasion, pour les rapporteurs fictifs, d'exposer les points qui leur semblent prioritaires de préserver ou d'amender dans le texte. Mais aussi d’exprimer leurs craintes sur les conséquences de la guerre en Ukraine sur l’adoption de la proposition de directive.
Gestion d'entreprise
La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...
Pour la députée européenne, l’une des priorités est de faire disparaître les modèles d’affaires qui ne prennent pas en compte les droits humains et environnementaux. « Il est temps de disposer d’une législation européenne » qui indique aux entreprises « ce qu’elles doivent faire et ce qu’elles ne doivent pas faire ». La députée le rappelle : il n’a pas été facile de trouver un compromis sur le texte. « Pragmatisme », « volontarisme » … La députée attend « des entreprises qu’elles s’intéressent réellement à leur chaîne de valeurs » et qu’elles « accordent une priorité au risque plutôt qu’à la relation d’affaires ».
S’en tenir au niveau 1 ou 2 ? « Cela ne va pas », estime la députée. « Nous n’aurons pas un impact réel et l’idée d’avoir une approche sur toute la chaîne de valeurs est chère à mon cœur. Savoir avec qui on travaille, c’est essentiel, ce n’est jamais une perte de temps ».
« Pour les entreprises, c’est la sécurité juridique qui importe », intervient Axel Voss, député allemand (Parti populaire européen) et juriste. « Les entreprises doivent savoir ce qu’elles doivent faire de la manière la plus précise possible. On doit éviter de déborder sur une bureaucratie excessive ».
Selon lui, instaurer le principe d’une responsabilité sur toute la chaîne de valeurs est inconcevable. « Il ne faut pas travailler autour de tous les fournisseurs. Il faut se concentrer là où le bât blesse », estime le député. « N’allons pas trop loin car cela ne va pas dans le sens des affaires et il faut y être sensible ».
« Nous souhaitons une structure claire pour les opérateurs juridiques qui devront appliquer ce texte. L’objectif est qu’il convienne au plus grand nombre possible », abonde en ce sens Adrián Vázquez Lázara, président de la Commission des affaires juridiques. « Mais le contexte est important, nuance-t-il. Ce n’est pas la même situation qu’il y a 12 mois. Il faut y penser ».
Le contenu du texte ou le calendrier d’adoption pourraient donc être compromis en raison du contexte géopolitique. Une position que comprend Lara Wolters. Certes, « le contexte a beaucoup changé ». Mais pour elle justement, les événements actuels – les entreprises forcées de fermer leurs usines ou leurs magasins en Russie – , auraient pu être évités « si les entreprises s’étaient intéressées davantage aux partenaires commerciaux avec qui elles traitent ».
Pour Manon Aubry, députée du groupe de la gauche au Parlement européen, la directive sur le devoir de vigilance permettrait justement de mettre « fin à l’impunité des multinationales ». « L’actualité vient de nous le prouver il y a moins de 10 jours. Il suffit de regarder l’entreprise Total, prise la main dans le sac en train de fournir du kérozène aux avions de l’armée russe qui bombarde les civils en Ukraine ».
Celle-ci dénonce pourtant le manque d’ambition de la proposition, qui « s’éloigne des standards internationaux et tourne le dos aux victimes pour assouplir les obligations des entreprises ».
« La guerre a changé les choses », convient Daniel Buda (parti populaire européen). « Il n’est pas question qu’on ne respecte pas les droits de l’Homme. Mais en tant que membre de la commission agriculture à la Commission européenne, je suis très inquiet ». Pour le député européen, les obligations mises à la charge des entreprises mèneront à la faillite pour beaucoup d’entre elles. « La réalité aujourd’hui, c’est qu’on se demande si on va réouvrir les mines, réexploiter le charbon. Voilà les vraies priorités », alerte le député.
En conclusion de l’échange de vues, la rapporteure du texte a tenté de concilier les positions exprimées par ses collègues. « C’est une époque difficile pour légiférer sur ce sujet. Ce n’est peut-être pas le bon moment mais l’épidémie de Covid-19 nous a montré certaines choses : qu’on dépend trop fortement de la Chine, les prix du gaz explosent, nous sommes trop alignés sur la Russie. On a le devoir de prendre de la distance. Il faut réfléchir sur le long terme et corriger certaines choses qu’on constate aujourd’hui ».
Prochaine étape : chaque groupe déposera des amendements sur le texte de la Commission. Une synthèse sera réalisée par la rapporteure du texte et le texte adopté par la Commission des affaires juridiques sera ensuite soumis en assemblée plénière du Parlement pour adoption définitive.
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