Le DoJ américain place la «coopération extraordinaire» des entreprises au cœur de sa nouvelle politique pénale
21.02.2023
Gestion d'entreprise
La division criminelle du département de la Justice américain (DoJ) annonce la modification des conditions d'application du FCPA, favorisant l'autodénonciation et la coopération. Dans cette chronique, Emilie Vasseur et Kelly B. Kramer, avocats associés de Mayer Brown (à Paris et Washington), nous présentent les éléments saillants de ce changement de politique. Et ils nous donnent un exemple pratique de calcul de l'amende.
Le 17 janvier 2023, l’Assistant du Procureur général des États-Unis (« Assistant Attorney General »), Kenneth Polite, a annoncé une modification des conditions d’application du FCPA (« Foreign Corrupt Practices Act ») par le département de la Justice américain (« Department of Justice », ci-après « DOJ »).
Ces conditions d’application, désignées sous le vocable « Corporate Enforcement and Voluntary Self Disclosure Policy », prévoient des mesures inédites favorisant l’autodénonciation des entreprises et la coopération de celles-ci avec le DOJ. Jusqu’alors applicables aux seules affaires ayant trait à la corruption étrangère, ces nouvelles conditions s’appliqueront désormais à toutes les affaires mettant en cause des entreprises et relevant de la compétence de la division criminelle du DOJ.
Ces règles visent expressément à favoriser les entreprises qui s’autodénonceraient et celles qui feraient preuve d’une coopération exemplaire avec le DOJ. Ces entreprises pourraient, en effet, bénéficier d’un classement sans suite ou, à défaut, d’une réduction de l’amende prévue par les règles fédérales d’uniformisation des condamnations (« U.S Sentencing Guidelines »).
L’octroi de l’une ou l’autre de ces mesures incitatives dépend de la situation de chaque entreprise concernée par une affaire en cours devant le DOJ, comme indiqué ci-après.
Le DOJ offre une nouvelle voie de classement sans suite aux entreprises mises en cause dans une affaire pénale, même en présence de circonstances aggravantes.
Dans la précédente version des conditions d’application du FCPA, lorsqu’une entreprise s’autodénonçait, coopérait pleinement avec le DOJ et remédiait en temps voulu et de manière appropriée aux dysfonctionnements révélés par une enquête, un classement sans suite n’était privilégié que s’il n’existait aucune circonstance aggravante.
Les circonstances aggravantes pouvaient résulter de la nature de l’infraction, de la qualité des contrevenants ou d’autres éléments tels que l’implication des dirigeants de l’entreprise mise en cause, la réalisation de profits démesurés grâce à l’infraction ou la récidive.
Dans le cadre des nouvelles conditions d’application, une entreprise peut désormais bénéficier d’un classement sans suite en présence de telles circonstances aggravantes, dès lors qu’elle satisfait aux trois conditions suivantes :
- une autodénonciation immédiate,
- un programme de conformité et de contrôle interne efficace,
- et une coopération extraordinaire.
Une autodénonciation immédiate
D’abord, l’autodénonciation doit intervenir immédiatement après la découverte de l’infraction concernée. Par contraste, une entreprise ne présentant pas de circonstances aggravantes dans la commission des infractions qui lui sont reprochées peut obtenir un classement sans suite en s’autodénonçant dans un délai seulement raisonnable, après la découverte de l’infraction et avant toute divulgation ou ouverture d’une enquête gouvernementale.
Un programme de conformité et de contrôle interne efficace
L’entreprise mise en cause doit ensuite disposer, tant lors de l’infraction qu’au moment de l’autodénonciation, d’un programme de conformité et de contrôle interne efficace, ayant permis l’identification de l’infraction. Par contraste, les entreprises qui ne présentent pas de circonstances aggravantes dans la commission de leurs infractions doivent seulement démontrer qu’elles ont, au jour du prononcé de la sanction, remédié aux infractions découvertes pendant l’enquête (y compris en établissant un programme de conformité efficace).
Une coopération extraordinaire
L’entreprise doit enfin faire preuve d’une coopération extraordinaire (« extraordinary cooperation ») préalablement, pendant et postérieurement à l’enquête du DOJ, afin d’obtenir un potentiel classement sans suite. Dans son annonce, l’Assistant du Procureur général des États-Unis a décrit ce nouveau standard comme une conduite caractérisée par « l’immédiateté, la cohérence, l’ampleur et l’impact » allant « au-delà des critères de coopération totale ». Afin d’en préciser la substance, il l’a comparé avec la coopération extraordinaire des particuliers, qui se caractérise par :
- une coopération immédiate ;
- le fait de dire constamment la vérité ;
- le fait de permettre aux procureurs d’obtenir des preuves auxquelles ils n’auraient pas eu accès autrement, par exemple en faisant des copies du contenu de leurs appareils électroniques ou en faisant enregistrer des conversations ; et
- le fait de fournir une coopération aboutissant à des résultats concrets, par exemple en témoignant au procès ou en délivrant des informations susceptibles de conduire à une condamnation supplémentaire.
Gestion d'entreprise
La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...
Les entreprises qui s’autodénoncent, coopèrent pleinement avec le DOJ et remédient en temps voulu et de manière appropriée aux dysfonctionnements révélés par une enquête, peuvent rester passibles d’une sanction pénale. Pour ces entreprises, deux mesures de faveur peuvent désormais être envisagées : une réduction de l’amende encourue et l’absence d’exigence de reconnaissance de culpabilité.
Une réduction de l’amende encourue
Le DOJ peut accorder ou recommander à la juridiction en charge de sanctionner l’entreprise mise en cause, une réduction de l’amende d’au moins 50 % (et jusqu’à 75 %) de la limite basse de la fourchette d’amende édictée dans les U.S Sentencing Guidelines. Pour les récidivistes, les procureurs auront toute latitude pour déterminer le montant de l’amende de base, au sein de la fourchette, auquel s’appliquera la réduction de 50 % à 75 % susmentionnée.
L’absence d’exigence de reconnaissance de culpabilité
Les entreprises à l’encontre desquelles on ne peut retenir de circonstances aggravantes multiples ou particulièrement flagrantes, ou simples récidivistes, pourront être dispensées de reconnaître leur culpabilité.
Les entreprises qui ne s’autodénoncent pas, mais qui coopèrent pleinement et prennent, en temps utile, des mesures correctives appropriées
Pour ces entreprises, le DOJ recommandera désormais une réduction d’un pourcentage allant jusqu’à 50 % de la limite basse de la fourchette d’amende édictée dans les U.S Sentencing Guidelines (contre une réduction maximale de 25 % dans la réglementation précédente).
Cette réduction devrait également s’appliquer aux entreprises récidivistes, mais dans des proportions moindres et à la discrétion des procureurs.
Illustration des effets de l’autodénonciation sur la réduction de l’amende encourue
A titre d’exemple, peut être comparé le montant de l’amende encourue par une entreprise accusée de corruption d’agents publics, selon qu’elle ait reçu un crédit de coopération en s’autodénonçant ou en coopérant simplement avec le DOJ.
Dans cet exemple, il est supposé que l’entreprise comptait moins de 1 000 salariés, que ses dirigeants étaient impliqués dans la commission de l’infraction et que les profits réalisés grâce à celle-ci s’élevaient à plus de 25 millions de dollars et moins de 65 millions de dollars.
En conclusion, l’Assistant du Procureur général des Etats-Unis a souligné que « chaque entreprise part de zéro » et doit gagner, auprès du DOJ, un crédit de coopération.
À la lumière de ces révisions évolutives, les entreprises devraient continuer à donner la priorité à l’amélioration de leurs programmes de conformité et de contrôle interne, afin de détecter au plus vite d’éventuelles infractions et, le cas échéant, envisager les modalités d’une coopération avec le DOJ.
Nos engagements
La meilleure actualisation du marché.
Un accompagnement gratuit de qualité.
Un éditeur de référence depuis 1947.
Des moyens de paiement adaptés et sécurisés.