Le gouvernement va-t-il modifier la réglementation du secteur comptable ?

Le gouvernement va-t-il modifier la réglementation du secteur comptable ?

29.01.2018

Gestion d'entreprise

Après avoir indiqué se pencher sur les seuils d’audit légal, le gouvernement déclare remettre en cause la majoration de 25 % de la base imposable de l’IR, et donc indirectement les OGA. Ce n’est pas tout : la réglementation de l’expertise comptable pourrait être réexaminée dans le cadre d’un chantier global destiné à limiter les surtranspositions.

Jeudi dernier, l’Assemblée nationale a adopté un amendement du gouvernement passé inaperçu. Un texte qui n’a donné lieu à aucune discussion en séance bien que son potentiel soit énorme. Un processus d’autant plus étrange qu’il revient à ce que l’exécutif se commande une étude à lui-même, comme l’a fait remarquer la députée UDI Laure de La Raudière. De quoi s'agit-il ? Le gouvernement doit remettre au Parlement, avant le 1er juin 2019, un rapport qui identifie les adaptations nécessaires pour remédier aux surtranspositions inutiles ou injustifiées de directives européennes (voir le texte complet de l'amendement ci-dessous). L’objectif global n’est pas précisé mais il est question notamment de préserver la compétitivité des entreprises françaises.

Ce que prévoit l'amendement adopté
Amendement adopté par l'Assemblée nationale en 1ère lecture du projet de loi pour un Etat au service d'une société de confiance

APRÈS L'ARTICLE 40, insérer l'article suivant:

Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er juin 2019, un rapport relatif à l’adoption et au maintien, dans le droit positif, de mesures législatives ou réglementaires allant au-delà des exigences minimales du droit de l’Union européenne. Il met à même toute organisation professionnelle d’employeurs ou toute organisation syndicale de salariés, représentatives au niveau interprofessionnel ou au niveau de la branche concernée, ou toute organisation représentant les entreprises du secteur concerné de lui adresser, pour la préparation de ce rapport, ses observations. Ce rapport étudie les différentes formes de surtransposition pratiquées, leurs causes, leurs effets ainsi que leurs justifications. Il identifie les adaptations de notre droit nécessaires pour remédier aux surtranspositions inutiles ou injustifiées.

EXPOSÉ SOMMAIRE

La mission d’information de la commission des Lois sur les moyens de lutter contre la surtransposition des directives européennes dans le droit français a dressé un diagnostic de ce qui est décrit comme « un concept complexe regroupant différentes situations ». Elle s’est notamment interrogée sur le phénomène de surtransposition, son origine, ses déterminants et ses résultats. Compte tenu des effets qu’une surtransposition injustifiée peut avoir notamment en termes de perte de compétitivité pour les entreprises françaises, elle formule différentes propositions pour prévenir un tel phénomène et résorber le stock existant.

Le présent amendement propose de poursuivre le travail sur le sujet par la remise au Parlement d’un rapport étudiant et évaluant concrètement les pratiques de surtransposition, dans une perspective tant quantitative que qualitative. Ce rapport se nourrira des travaux engagés dans les différents ministères, notamment par les corps de contrôle. Il est  aussi proposé que le Gouvernement mette à même toute organisation professionnelle d’employeurs ou toute organisation syndicale de salariés, représentatives au niveau interprofessionnel ou au niveau de la branche concernée, ou toute organisation représentant les entreprises du secteur concerné de lui adresser, pour la préparation de ce rapport, ses observations. Cela permettra d’ajouter une autre approche des surtranspositions. Enfin ce définira , en s’appuyant sur les propositions émises de la mission d’information, les moyens concrets pour remédier aux surtranspositions inutiles ou injustifiées.

 
Seuils d’audit

Potentiellement, cela touche de nombreux pans de la profession comptable française. Comme on le sait, la question de relever les seuils d’audit légal est sur la table des discussions qui seront nourries par un rapport commandé à l'inspection générale des finances (IGF). Rappelons que les seuils européens sont fixés par PDF iconla directive comptable de 2013. Cette dernière impose seulement que soient audités légalement les comptes des moyennes entreprises, des grandes entreprises et des entités d’intérêt public (article 34 de la directive). Cela revient à dire que les Etats membres ne sont pas obligés d’imposer le contrôle légal des comptes des petites entreprises, hors entités d’intérêt public, ce qui laisse toute latitude pour les entreprises qui ne dépassent pas deux des trois seuils suivants : total du bilan de 6 millions d’euros, chiffre d’affaires de 12 millions d’euros, 50 salariés. Des niveaux qui sont très au-dessus de ceux fixés par la France pour les SARL et les SAS — et à plus forte raison pour les SA.

OGA

Récemment, le gouvernement a remis en cause la majoration de 25 % de la base imposable des entreprises au régime réel de l’IR, un dispositif qui n’est exigé par aucun texte de l’Union européenne. Le cabinet du ministre de l’économie et des finances nous dit étudier trois options : supprimer la majoration, la réduire ou utiliser un autre levier. Il y a là peut-être aussi la volonté de ne pas dégrader la compétitivité relative de certaines entreprises — celles qui sont assujetties au régime réel de l'IR — sachant que les micro-entreprises, dont les plafonds viennent de doubler, et les entreprises à l’IS ne sont pas susceptibles de voir leur bénéficie imposable majorer de 25 %.

C’est d’ailleurs dans cette volonté d’améliorer la compétitivité des entreprises, en chassant une surtransposition qu’il juge inutile, que le gouvernement a fait adopter une extension de la dispense du rapport de gestion (article 32 du projet de loi Pour un Etat au service d'une société de confiance adopté en 1ère lecture par l'Assemblée nationale). Toutes les petites sociétés — en l’état actuel des seuils comptables retenus par la France, cela concerne celles qui ne dépassent pas deux des seuils suivants : chiffre d’affaires de 8 millions d’euros, total de bilan de 4 millions d’euros et 50 salariés — seraient dispensées de produire ce document si le texte voté par l’Assemblée nationale devenait définitif. Et encore, la France pourrait augmenter les limites de chiffre d’affaires et de bilan à respectivement 12 millions et 6 millions d’euros.

Tenue comptable

Le modèle français de l'expertise comptable pourrait lui être aussi examiné. Car d’une certaine façon, on peut considérer qu'il va au-delà des exigences de l’Union européenne, qui sont nulles. Concrètement, tous les pans de la réglementation pourraient être étudiés, et notamment celui de l’accès, réservé en France, à l’activité comptable en tant que prestataire. Certains estiment que le secteur n'est pas suffisamment concurrentiel dans l'hexagone. Mais ce diagnostic est contesté, en particulier par le fameux rapport de l'IGF sur certaines professions réglementées publié en 2014. A deux nuances près : l'IGF s'interrogeait sur la légitimité de la réglementation française qui réserve l’accès à la tenue comptable à des professionnels de l’expertise comptable. Depuis, la Commission européenne est montée au créneau. "La France [doit] clarifier l’étendue des activités réservées aux experts-comptables, en particulier concernant les tâches telles que la saisie comptable électronique en lien avec la jurisprudence nationale et l’arrêt C-79/01", précise-t-elle dans une recommandation, un document qui n'a théoriquement aucune portée juridique. Pour le Conseil d'Etat, il n'y a pas de débat : la tenue comptable ne fait pas partie du monopole.

Détention des droits de vote

L'IGF avait aussi apporté une autre nuance au fait que le secteur comptable soit suffisamment concurrentiel. Il préconisait de supprimer les conditions de détention des droits de vote des sociétés d’expertise comptable. Ce sujet en appelle un autre : l’impossibilité, pour les AGC, de contrôler les droits de vote des sociétés d’expertise comptable. Un dossier qui a connu de nombreux rebondissements. On peut ajouter d’autres sujets potentiels comme celui du cadre comptable français imposé aux entrepreneurs individuels alors que l’Union européenne ne demande rien ou encore les exigences de qualification pour être expert-comptable. Bref, il y a matière à réflexion. Mais il faut aussi avoir à l'esprit que ce dossier global des surtranspositions va bien au-delà de la seule profession comptable et peut toucher notamment de nombreuses autres professions réglementées. Or, il devait être traité dans le cadre du Pacte (plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises), un projet de loi qui doit être présenté dès le printemps prochain, et non pas via un rapport à remettre au Parlement d’ici mi-2019. On peut se demander pourquoi le gouvernement souhaite davantage de temps. Est-ce pour mieux travailler ce dossier ou pour l'enterrer ?

Gestion d'entreprise

La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...

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Ludovic Arbelet
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