Le malentendu persiste entre TPE et banques

Le malentendu persiste entre TPE et banques

18.01.2016

Gestion d'entreprise

Les TPE qui se trouvent en bonne santé obtiennent généralement le crédit bancaire qu'elles demandent. Les autres éprouvent toujours des difficultés non seulement pour se financer mais plus généralement dans la relation avec leur banque.

"J’accompagne des créateurs d’entreprise. La plupart des refus bancaires qu'ils ont rencontrés sur les derniers dossiers concernent la restauration. Les établissements financiers disent que ce secteur ne les intéresse pas". Ce témoignage illustre l'incompréhension entre TPE et banques. Et ce malgré une prise de conscience par les pouvoirs publics de l’enjeu que représentent ces entreprises. Il existe désormais des statistiques sur le financement de cette population d'organisations, les banques ont pris des engagements spécifiques, par exemple en termes de délai de réponse, et la Banque de France vient de décider de nommer dans chaque succursale départementale un correspondant TPE chargé d’une mission de prévention. 

Fossé entre les chiffres et le terrain

Entre les statistiques et le ressenti des entreprises, ce n'est pas tout à fait la même musique comme l'a montré vendredi dernier un colloque organisé par la Banque de France et la fédération des centres de gestion agréés (FCGA). "Quand on regarde les chiffres de l’Insee et de la Banque de France, il n’y a pas vraiment de graves problèmes de financement des TPE, résume Bernard Cohen-Hadad, président de la commission financement de la CGPME. En revanche, sur le terrain, nous rencontrons toujours le même problème d’accès au crédit de trésorerie et au financement du besoin en fonds de roulement. Il s’agit par exemple d’une petite société de pêche qui a parfois du mal à payer le gaz oil", relève-t-il.

Que disent précisément les statistiques ? Elles avancent que dans 90 % des dossiers, les réponses aux demandes de financement sont fournies en 15 jours ouvrés à partir du moment où le dossier est complet (lire notre article). "L’accès au crédit de trésorerie est sensiblement moins bon pour les TPE que pour les autres PME, résume François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France. Moins de 60 % des demandes de crédits étaient satisfaites (à 75 % ou plus) au troisième trimestre 2015 contre 74 % pour les PME. Les crédits aux TPE progressent de 2,8 % par an, en glissement annuel à la fin du troisième trimestre 2015, mais les crédits de trésorerie aux TPE n’augmentent que de 1,1 % en rythme annuel. Tout ne va donc pas bien pour les TPE et le ressenti de terrain ne dit pas autre chose", analyse-t-il.

Gestion d'entreprise

La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...

Découvrir tous les contenus liés
Artisans mécontents

Pour les artisans, les premières difficultés se manifestent justement dans les relations avec leur banque, dans 80 % des cas, devant celles éprouvées avec l’administration et le système éducatif. C’est en tous cas ce qu’avance l’assemblée permanente des chambres de métiers et de l’artisanat (APCMA). Quelles sont les raisons de ce mécontentement des artisans qui ne disposent le plus souvent que d'une seule banque ? "Les quatre éléments mis en évidence sont le désintérêt porté à son entreprise, les délais de réponse très longs — ce qui n’est pas tout à fait conforme aux statistiques —, le conseil inadapté et, c’est peut-être le résultat des autres raisons, une mauvaise relation avec l’interlocuteur", détaille François Moutot, directeur général de l’APCMA. Avant d’ajouter "qu’il y a une responsabilité de part et d’autre dans les difficultés de relation entre le système bancaire et les chefs d’entreprise. En ce qui concerne les banques, la 1ère chose qui ne va pas est qu’il y a plus de 40 % des entreprises dont l’interlocuteur a changé au cours des douze derniers mois", regrette-t-il.

Une TPE sur deux disposerait d’un crédit bancaire

"Globalement on fait notre métier, se défend Dominique Garabiol, conseiller de la direction générale de la BPCE. Il y a 2,1 millions de TPE, selon les chiffres de l’Insee [ces statistiques englobent les entreprises de moins de 10 salariés ayant un chiffre d’affaires ou un total de bilan inférieur à 2 millions d’euros, à l’exception notable des micro-entreprises]. Un million de TPE ont un crédit bancaire. Cela veut dire grosso modo que 50 % des TPE n’ont pas besoin de financement bancaire, ce qui est positif", s'emballe-t-il, ce qui déclenche un brouhaha dans l’auditorium, jusque-là calme, de la Banque de France. Un pourcentage qui amène une interpellation. "Aujourd’hui, les TPE obtiennent 7 % des financements en France contre 49 % en Grande-Bretagne, affirme un participant. Cela a été confirmé par la Commission européenne. Ce n’est pas la peine de tourner autour du pot. Cela explique que les TPE éprouvent beaucoup de difficultés", avance-t-il. Réponse de Claude Piot, directeur des entreprises de la Banque de France : "Nous avons un pays dans lequel il y a une concentration de l’activité économique. Avec le poids des groupes du Cac 40, il est assez naturel que les grandes entreprises drainent une partie plus substantielle du financement que dans les autres pays".

Des TPE davantage défaillantes

La BPCE admet que la mobilité des interlocuteurs constitue un fléau. "L’objectif des banques est de garder les chargés de clientèle 3 ans. Pour un client c’est court mais pour un chargé d’affaires c’est long", estime Dominique Garabiol. Ce dernier ajoute qu’il n’est pas toujours facile de respecter le délai de réponse de 15 jours sur lequel les banques se sont engagées. "Il est tenu sans problème pour les dossiers ordinaires. La difficulté provient des entreprises qui sont dans des situations financières incertaines. Or, le taux de défaut moyen dans la TPE est de 6 %, soit le double de celui dans les PME", compare-t-il.

Pas d’ajustement tarifaire au risque

Un sentiment partagé par Bercy. "Quand tout va bien dans la TPE, normalement l’entreprise obtient un financement. La tension se crée quand l’entreprise en difficultés demande un financement. Et nous sommes incapables en France d’avoir des coûts de crédit qui s’ajustent au risque", déplore Sébastien Raspiller, sous-directeur marché financier et financement des entreprises de la direction générale du trésor. Un point de vue partagé par la CGPME qui demande une différenciation des tarifs bancaires en fonction des risques. Pas question pour la BPCE qui estime que ce n’est pas dans la culture des établissements. "Quand on étudie un dossier à risque, on essaie d’abaisser le risque à un niveau normal plutôt que de proposer un taux d’intérêt élevé, répond Dominique Garabiol. C’est pour cela que l’on demande des garanties. Pourquoi ? Car un taux d’intérêt élevé amplifie le risque par la présence de davantage de frais financiers. C’est ce qui se passe sur les marchés financiers", relève-t-il. Bref, on comprend pourquoi les TPE et les banques ont du mal à se comprendre. Mais au moins elles se parlent.

Ludovic Arbelet
Vous aimerez aussi