"Le mouvement  Safe Place a listé 60 actions concrètes pour faire de l'entreprise un lieu sûr pour les victimes de violence conjugale"

"Le mouvement Safe Place a listé 60 actions concrètes pour faire de l'entreprise un lieu sûr pour les victimes de violence conjugale"

25.06.2025

Gestion du personnel

Audrey Richard, la présidente de l’ANDRH et DRH de Canal+, présente les temps forts de l’Université de l’ANDRH qui se tient les 26 et 27 juin à Vannes, et revient sur le mouvement "Safe Place" pour lutter contre les violences conjugales, lancé par Canal Plus avec l’ANDRH et l’association "125 et après", le 3 juin dernier.

Quels seront les temps forts de l’Université annuelle qui se déroule jeudi et vendredi à Vannes ?

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Depuis sa création, l'Université de l'ANDRH s'est imposée comme un lieu de réflexion pour prendre du recul sur les pratiques RH et d'échanges entre pairs. L'édition 2025 ne dérogera pas à la règle : nous commencerons par une conférence portant sur les impacts de la situation géopolitique sur l'économie et le monde du travail.

Un autre moment phare portera sur la restitution des travaux des groupes de travail de l'ANDRH sur l'emploi des salariés seniors. 

Ces travaux ont été menés avec le mouvement Les Entreprises s'engagent, le Medef, la CPME, l'U2P, le Meti (Mouvement des entreprises de taille intermédiaire), France travail, l'Apec ainsi que les services de l'Etat, lors de rencontres régionales, en parallèle de la campagne nationale "Emploi des 50+ : changer la loi, changer les regards, changer les pratiques", lancée par le ministère le 31 mai.

On peut également citer parmi les temps forts une table-ronde sur l'inclusion et la diversité, une autre sur la transition écologique ou encore sur la santé mentale pour nous interroger sur la responsabilité des professionnels RH.

Plus de 600 personnes y sont attendues, ce qui témoigne de l'importance de ce rendez-vous annuel pour la communauté des professionnels des ressources humaines.

Concernant votre mandat de présidente de l’association, quel bilan dressez-vous à mi-étape ?

Notre ambition est de porter la voix de nos membres, sans enjeux politiques

Mon premier mandat a débuté en juin 2021, après avoir été désignée présidente par intérim en décembre 2020 à la suite du départ de Jean-Paul Charlez. Il s'agit de mon troisième mandat - j'ai été réélue en décembre dernier - et ce sera le dernier, nos statuts nous limitant à trois mandats.

Nous pouvons d'abord nous féliciter des résultats : l'association compte désormais 6 250 adhérents, répartis dans 64 groupes locaux. Ma feuille de route comportait trois axes principaux.

Le premier, comme pour les mandats précédents, porte sur l'accompagnement de la fonction RH à travers la mise à disposition de différents outils : webinaires, magazines, podcasts, ciné-débats... Tous les sujets y sont évoqués, du plus opérationnel comme l'emploi des seniors aux sujets plus sociétaux, par exemple les violences conjugales.

Le second axe vise à contribuer à écrire le monde du travail de demain au regard des évolutions démographiques, environnementales, numériques et sociétales. A ce titre, nous avons mené différents travaux pour comprendre comment ces mutations allaient impacter nos modes de travail : enquêtes sur les seniors, les transitions professionnelles en partenariat avec la fondation Adecco, guide sur les violences conjugales.

Nous travaillons avec l'association européenne EAPM (European association for people management), nous participons aux travaux du comité technique ISO sur la norme management des ressources humaines. Nous sommes régulièrement auditionnés à l'Assemblée nationale, au Sénat et directement par le ministère du travail pour défendre les intérêts de la fonction RH et porter la voix de nos membres, sans enjeux politiques.

Le troisième axe consiste à accompagner l'évolution du marché du travail, notamment avec des partenariats avec France travail, l'Apec, Les Entreprises s'engagent, l'Anact. Nous contribuons à faciliter les rencontres entre les professionnels RH et les demandeurs d’emploi.

L'ANDRH a annoncé la démission, le 23 juin, du vice-président délégué de l’association Benoit Serre. Que pouvez-vous en dire ?

Nous avons traversé quelques semaines complexes en raison de certains désaccords. Ces réflexions nous ont permis de nous projeter sur une nouvelle gouvernance. Concrètement, le bureau national de l’association a désigné un nouveau vice-président délégué. Il sera annoncé lors de notre assemblée générale qui aura lieu juste avant l’université, jeudi matin. Nous serons donc 11 membres au lieu de 12 au sein du bureau. 

Canal+ a lancé avec l’ANDRH et l’association "125 et après", le mouvement "Safe Place", le 3 juin dernier, à l’Olympia. En quoi consiste ce mouvement ?

62 % des femmes victimes ayant porté plainte sont salariées

Nous avons débuté la réflexion avec l’association "125 et après" qui vient en aide aux victimes des violences conjugales et créée par Sarah Barukh, il y a un an. L'objectif de ce mouvement est d'inciter les entreprises à nous rejoindre. On ne peut l'ignorer : 62 % des femmes et des hommes victimes ayant porté plainte sont salariés. Le mouvement a listé 60 actions concrètes pour faire de l'entreprise un "lieu sûr" pour les victimes. Elle en proposera trois adaptées à l’entreprise candidates à ce label.

Parmi les entreprises présentes à l’Olympia ce soir-là, 25 se sont engagées à entreprendre les démarches pour obtenir ce label.

En parallèle, l'ANDRH a publié un guide pratique destiné aux professionnels des ressources humaines, managers et employeurs, pour les accompagner. Le document propose une série de mesures concrètes : aménagement des horaires de travail, télétravail, soutien financier ponctuel, aide au logement d’urgence, absences autorisées pour réaliser des démarches judiciaires… Ces actions peuvent sauver des vies.

Comment la lutte contre les violences conjugales se traduit-elle au sein de Canal+?
Nous avons mis en place des référents qualifiés - l'équipe médicale et des professionnels du service RH - pour accompagner les victimes dans leurs démarches

Nous avons mis en place 14 actions avec trois axes de travail. Le premier : informer et sensibiliser. Par exemple, nous avons organisé une sensibilisation pour tous les salariés sur les signaux faibles de violence - une personne qui ne vient jamais aux afterworks, au déjeuner, des changements de comportement...

Le deuxième axe, protéger et orienter : nous sommes en train de consolider un réseau d'ambassadeurs pour écouter les personnes qui ont besoin d'aide. Ces ambassadeurs ont suivi une formation dédiée.

Le troisième axe consiste à accompagner les victimes. Nous avons mis en place des référents qualifiés - l'équipe médicale et des professionnels du service RH - pour accompagner les victimes dans leurs démarches. Ces personnes ont suivi la sensibilisation, la formation des ambassadeurs, puis une troisième formation plus poussée sur le rôle de référent.

Concrètement, nous sommes en train d'installer des affichages dans les toilettes, des QR codes pour faire des tests - "suis-je victime, suis-je auteur de violences ?". Nous avons également mis en place un bandeau avant et après les films qui montrent de la violence conjugale, en indiquant les contacts ressources ou en livrant quelques petites méthodes à l’attention des victimes, par exemple comment supprimer les historiques de navigation…

Le droit du travail doit-il évoluer selon vous pour permettre aux femmes victimes de porter plainte sur leur lieu de travail, comme le préconise l'avocate Karen Noblinski pour l'association "125 et après" ? Et si oui, quels seraient dans ce cas les interlocuteurs ?

J'ai trouvé qu’il s’agissait d’une très bonne idée. Cela n'existe pas aujourd'hui et je pense qu'il faut tout faire pour que l'on y arrive. Cela impliquerait des discussions entre le ministère du travail et celui de l'intérieur. Les professionnels RH doivent être en première ligne sur ce sujet, via le réseau de référents. L’entreprise est peut-être l'un des rares échappatoires des victimes dont le quotidien est parfois largement contrôlé par l'auteur des violences. Or, à quel moment allez-vous porter plainte, quand vous êtes surveillée ? Si votre téléphone est géolocalisé ? Le temps de travail devient, de fait, du temps "masqué".

Anne Bariet
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