Dans cette chronique, Patrick Taler, associé chez Sémaphores du Groupe Alpha, pose les conditions pour relever le pari de l'industrie de manière pérenne en sortant des à-coups conjoncturels.
Dans un contexte de ralentissement de l'économie et de relative stabilité du chômage, le pari de l’industrie semble plus incertain. Pourtant, les conditions pour le relever sont bien connues et nécessiteraient sans doute plus que des coups de pression conjoncturelles. Pour cela, il serait sans doute judicieux de s’appuyer sur trois constats :
- être lucide sur les évolutions des ressources ;
- travailler à une politique publique efficiente ;
- identifier les relais de croissance de demain et leurs gisements d’innovation dans un modèle soutenable
Un diagnostic sans concession conduit à observer une inexorable diminution des emplois dans le secteur de l’industrie depuis 1970 (source Insee), ceux-ci passant de 5,44 millions en 1970 à 3,26 millions à fin 2023, soit un recul de 40 % en l’espace de plus de 50 ans. Un léger infléchissement de cette décroissance s’observe pour autant depuis 2017, l’emploi repartant à la hausse dans ce secteur jusqu’à retrouver une situation de tension marquée depuis 2023.
La part que représente l’industrie dans notre PIB affiche également une diminution régulière : celle-ci ne pesant plus que 12,4 % du PIB en France, dont 10 % pour l'industrie manufacturière. Cette situation nous place à titre de comparaison loin derrière l’Allemagne (plus de 20 %), mais devant le Royaume Uni (sous les 9 %).
La situation est comparable au regard de la valeur ajoutée créée par notre activité industrielle : en France, celle-ci se situait en 2021, à moins de 17 % du PIB, soit plus de 10 points en deçà de la moyenne mondiale (27,2%), également signe d’une très forte tertiarisation de notre économie.
Cette orientation pèse toutefois sur notre déficit commercial, dont la balance demeure fortement dépendante des activités industrielles, qui concentrent la quasi-totalité de nos exportations (près de 97 %), pour, pratiquement, 450 milliards d’euros. Ce n’est pas le cas des activités de service, exécutées très majoritairement sur notre territoire national et ne générant que peu d’emplois indirects, alors que chaque emploi industriel génère, quant à lui, trois à quatre emplois induits.
C’est dire si l’enjeu de préservation de notre outil industriel est de taille et peut faire figure d’objectif national, considéré ou non, selon l’angle de notre autonomie, comme hautement stratégique.
Gestion du personnel
La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :
- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.
L’Etat affiche une politique de soutien volontariste à l’égard de la R&D portée par le secteur industriel, qui concentre chaque année près de 4/5 des efforts engagés, et bénéficie à ce titre d’un volume d’aides publiques supérieur à 23,4 milliards d’euros, contre 6,6 milliards dans le reste de l’économie, insufflant ainsi la vitalité nécessaire à l’intégration des dynamiques à l’œuvre en matière d’innovation.
Les entreprises de taille intermédiaire (ETI) et les grandes entreprises (GE) sont les principales bénéficiaires des aides à la R&DI, percevant environ 66 % du montant des aides indirectes, bien que représentant moins de 10 % du nombre d’entreprises bénéficiaires.
Les grandes entreprises disposant de nombreuses filiales avec des activités diversifiées et réalisant des chiffres d’affaires importants sont les championnes du recueil des aides provenant d’un nombre important de dispositifs.
Il n’est pas facile d’établir une vision exhaustive de ces derniers au regard de leur foisonnement : une dizaine d’opérateurs gérant au total une soixantaine de dispositifs nationaux : l’Acoss, Bpifrance, l’Ademe, la Dgfip, la DNR, le Cnes, l’Onera, ou encore la DGE…
La tendance observable en la matière vise à favoriser désormais les projets de taille importante, à impact fort, et au bénéfice des activités à forte intensité technologique et de connaissance : une enveloppe de 54 milliards d’euros, engagée aux 2/3, est ainsi dédiée au programme France 2030, venant en complément d’une mise en "vitrine" de près de 130 friches industrielles, disponibles pour l’accueil de nouveaux projets d’implantations.
L’action du gouvernement conjugue la stratégie de rééquipement de notre outil industriel avec celle de sa décarbonation, poursuivant un objectif de réduction de près de moitié des émissions de gaz à effet de serre à horizon 2030 ; politique mise en œuvre dans une vision public-privée au travers des contrats de transition conclus avec les 50 sites industriels les plus polluants.
Dans le cadre des missions confiées à Sémaphores dans le champ de la réindustrialisation, nous observons encore que les structures dédiées à l’action économique sur les territoires sont très sensibilisées au principe de réutilisation des sites vacants… ou en voie de le devenir : agences d’attractivité, collectivités, clusters, pôles de compétitivité ou encore fédérations professionnelles.
Notre approche des sujets consiste, à leurs côtés, à identifier les scénarios possibles, répondant ainsi à une demande croissance des groupes, croisant filières porteuses et besoins d’équipements, avec les compétences des collaborateurs et la flexibilité de l’outil et des actifs industriels. Selon notre expérience, les règles d’urbanisme favorisent le plus souvent les aménagements souhaités par les candidats à l’installation. Toujours dans une optique de planification et dans le but d’intégrer plus encore les enjeux environnementaux dans la dynamique de réindustrialisation, le Fonds d’accélération de la transition écologique, dit "Fonds Vert", est opérationnel depuis 2023, et jusqu’en 2027, en direction des territoires engagés dans la maîtrise des impacts du changement climatique, et doté de deux milliards d’euros en rythme annuel. Outil intéressant, nous avons pu observer ces premières actions. Ainsi, dans le cadre de nos missions de revitalisation, nous accompagnons l’émergence de projets s’inscrivant dans une logique d’économie circulaire BtoB, ce qui n’était pas si fréquent auparavant, ou encore dans la mise en valeur d’équipements d’infrastructures collectives. Les projets soutenus s’orientent notamment autour de la rénovation énergétique, de la valorisation foncière ou des process et dispositifs de recyclage.
Les outils et réservoirs de ressources financières sont donc bien disponibles !
Les écoles d’ingénieurs, et leurs laboratoires intégrés, sont également l’une des pierres angulaires de la stratégie de réindustrialisation, celles-ci s’attachant à développer des catalogues de formation ouverts à des profils plus variés et intégrant de plus en plus les enjeux de décarbonation et de durabilité.
Mais, au-delà de ces formations académiques de haut niveau, les moyens sont désormais orientés vers les formations de terrain. Il s’agit de favoriser le retour de qualifications spécialisées sur les métiers identifiés en tension au travers du développement des aides dédiées, notamment à l’apprentissage, et ce, en vue de mobiliser les ressources d’un appareil de formation repositionnant l’entreprise au cœur des enjeux de notre "rééquipement".
Au cœur de la stratégie, et au-delà des enjeux de restauration de notre autonomie stratégique, l’identification des secteurs d’avenir sur lesquels miser permettra de relever le défi de la légitimité de notre industrie toujours conditionnée par un taux élevé de prélèvements, un coût surenchéri de l’énergie et une faiblesse structurelle de barrières douanières à l’échelle de l’Europe… autant de facteurs interrogeant continuellement les avantages comparatifs de la France et de l’Union européenne lors des processus de choix d’investissement, notamment vis-à-vis des Etats-Unis et de la Chine, eux même prompts à soutenir leurs industries dans un contexte de facilité énergétique améliorée.
Si notre pays sait désormais se montrer attractif, à sa mesure, multipliant les signes tangibles auprès des opérateurs industriels en dynamique de croissance, la question des orientations stratégiques reste en suspens. Elle est cependant à même de structurer une trajectoire autour de secteurs prometteurs offrant une perspective de maintien d’un avantage technologique.
Les secteurs qui concentrent les investissements les plus conséquents en 2023 sont, sans surprise, ceux de l’énergie, de la santé, ou encore de l’environnement, de la production et du traitement de l’eau et du recyclage, donnant ainsi le ton pour les années à venir. A ces derniers, il convient également d’ajouter les dynamiques observées autour de l’automobile désormais résolument orientée vers l’électrification, l’aéronautique et du spatial, de la robotique, de la cybersécurité et, de façon plus conjoncturelle, le domaine de l’armement et de l’équipement militaire, particulièrement sensible à la commande publique.
Ce sont autant de terrains de prédilection dont notre capacité à les investir et y prospérer repose tout à la fois sur la maîtrise des technologies mises en œuvre que sur la soutenabilité des niveaux de marges par les marchés.
Raisonner à l’échelle de la filière semble le meilleur choix, afin de concevoir un développement équilibré entre les acteurs de la chaîne de valeur, tant les projets d’implantation industrielle sont dépendants de leur écosystème, de leurs ressources (le sujet de l’eau devient à son tour critique) et des infrastructures présentes sur nos territoires.
Le pari de l’industrie est un multiple pour lequel se combinent les sujets d’attractivité, de compétence et d’environnement physique et de marché.
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