Le périlleux équilibre entre la connaissance et l'exploitation des données

Le périlleux équilibre entre la connaissance et l'exploitation des données

08.04.2016

Gestion d'entreprise

Avec le numérique, les entreprises sont à la recherche d’un équilibre entre la connaissance et l’exploitation économique des données, qui dès lors qu’elles ont un caractère personnel doivent être protégées.

Le rapport Lemoine sur « La transformation numérique de l'économie » faisait déjà ce constat en 2014 : la course technologique n’est plus tirée par les entreprises ou les grandes organisations. Ce sont les personnes physiques qui font la course en tête.

Gestion d'entreprise

La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...

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Lors des débats du Cercle organisés le 5 avril, les intervenants de la table ronde « Transformer l’entreprise par le numérique » sont revenus sur l’imagination dont les dirigeants doivent faire preuve face au big data.

L’impact du numérique sur le business

Le consommateur devient acteur et les entreprises se doivent d’innover. « Il n’y a pas un secteur de l’économie qui n’est pas menacé par des risques de sur-traitance. Les entreprises traditionnelles vont continuer à fonctionner aux conditions de marges et de prix qui sont déterminées par de nouveaux intermédiaires », insiste Philippe Lemoine, auteur de ce rapport. Selon lui, la « nouvelle grammaire » du numérique oblige à se plier à une discipline d’ouverture et de partage. Et c’est bien là toute la difficulté. Ainsi, les entreprises doivent sans cesse se réinventer et créer de nouveaux projets numériques avant tout à destination de leurs clients. Pour Julien Nicolas, directeur général du site Voyages-sncf.com, startup de la SNCF créée il y a maintenant près de 15 ans, il est nécessaire d’aller au-devant des clients en testant avec eux des nouveaux produits et services. Les projets proposés s’adaptent quasiment en temps réel en fonction des différents retours clients. Ces données sont analysées, comprises et adaptées par des équipes pluridisciplinaires (juridique, financière et informatique) afin de proposer par la suite des informations personnalisées au moment opportun. « Nous testons sans cesse et les solutions juridiques s’adaptent en même temps. Il faut que nous soyons extrêmement réactifs », insiste Eric Thomas, directeur juridique de Lagardère.  

La transformation numérique s’effectue aussi envers les salariés. Le B to We c’est-à-dire la façon dont les salariés deviennent des acteurs de la création de nouveaux produits par le numérique, est une nouvelle donne pour les entreprises basée sur une interaction inédite entre des personnes et des entités. « Le digital n’est pas de la technologie, mais de l’humain. Cette interaction permanente transforme notre business », insiste Sandra Lagumina, directrice générale adjointe d’Engie. Et cet échange va libérer la façon de travailler et de raisonner. « S’adapter en s’ouvrant nous permet de trouver des nouveaux modes de management : mise en réseau, management transversal, knowledge management », poursuit-elle. Le quotidien des salariés devient source d’inspiration et leurs données aussi.

La responsabilité de l’entreprise détentrice de données de masse

L'importance du big data n’est plus à démontrer et pourtant les entreprises semblent découvrir son impact chaque jour un peu plus. Données de clients, données de leurs salariés, les sociétés ont connaissance de millions d’informations durant leur vie. Dans quelle mesure ont-elles le droit de les exploiter ? Pour la directrice générale adjointe d’Engie, il ne fait aucun doute que : « Par définition nous sommes responsables de l’éthique de la donnée, c’est-à-dire de sa qualité. Il faut aussi dire très clairement que la donnée appartient au client. En terme de données personnelles, nous devons toujours être affûté concernant le cadre juridique dans lequel nous nous situons ». Car la protection de ces dernières est bien la question principale soulevée par le big data. « Nous découvrons le sujet tous ensemble. Les opérationnels découvrent ces questions en même temps qu’ils les traitent », reconnaît le directeur juridique du groupe Lagardère. Un constat partagé par Anne-Laure Villedieu, avocate associée du cabinet CMS Bureau Francis Lefebvre : « Nous voyons beaucoup d’entreprises qui créent aujourd’hui des data lab ou des centres d’innovation, sortes d’électrons libres qui ont souvent le sentiment que, parce qu’ils traitent du big data, ils peuvent s’affranchir des problématiques liées à la réglementation des données à caractère personnel ». Un meilleur accompagnement juridique interne et externe semble donc indispensable. Engie a, par exemple, mis en place un conseil scientifique de la donnée composé de professeurs de droit, de sociologues et de spécialistes de nouvelles technologies.

Néanmoins, il est parfois difficile de se retrouver dans toutes les législations en vigueur. « Nous ne sommes pas dans un cadre hexagonal ou européen, mais dans un cadre totalement mondialisé où la source de l’information est protéiforme », affirme Eric Thomas. Et le projet du Privacy Shield, nouveau cadre européen pour la transmission des données transatlantiques proposées par la Commission européenne, devrait amplifier la responsabilité des entreprises en matière de protection des données (voir notre article). « Le règlement va alléger les formalités déclaratives que les entreprises avaient à l’égard de la CNIL et en contrepartie le principe d’accountability va être beaucoup plus lourd. Avant de lancer un projet informatique, il va falloir s’interroger sur son impact en termes de données personnelles », prévient l’avocate. Et le data protection officer pourrait jouer un rôle clé pour soutenir la direction juridique dans la transformation numérique.

 

Delphine Iweins
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