Bulletin de paie simplifié dans sa lecture mais pas dans sa production, suppression de l'intégralité des Cerfa mais pas forcément de toutes les formalités sous-jacentes, création d'un espace unique en ligne pour les formalités des entreprises au-delà du guichet unique... Bruno Le Maire a présenté hier un plan de simplification qui pose question sur sa portée réelle pour les entreprises.
"Tous les formulaires Cerfa seront suprimés d'ici 2030, 80 % d'ici 2026". Telle est la première mesure qui figure dans le plan de simplification orienté entreprises que Bruno Le Maire a présenté hier. Une annonce qui pose question sur sa portée. S'agit-il de faire disparaître toutes les démarches sous-jacentes — le nombre de Cerfa s'élève au moins à 1 800 selon Bercy — par exemple en supprimant la déclaration de TVA des entreprises au régime réel (qui se fait via le formulaire Cerfa n° 3310-CA3-SD) ? Ou est-ce à dire que la charge administrative liée à un formulaire ôté va se reporter sur une autre formalité ?
Ces questions restent posées à la lecture du dossier de presse. Il y est prévu trois options pour permettre la disparition des Cerfa : la suppression de la démarche, l'intégration du recueil d'information à une autre démarche en ligne (fusion de démarches) et la création d'une nouvelle démarche simplifiée et pré-remplie. Or, à ce stade, peu d'informations supplémentaires sont fournies sur l'usage de ces trois options tant dans leur dimension quantitative que qualitative.
Quelques exemples sont toutefois donnés. "15 millions de déclarations d’arrêt maladie sont effectuées chaque année par les entreprises auprès de la Sécurité sociale alors que celle-ci dispose déjà des informations : elles seront supprimées d’ici 2027", prévoit le dossier de presse. Rappelons que l'attestation de salaire que doit fournir l'employeur suite à un arrêt maladie se fait via un Cerfa.
Autre exemple, susceptible de modifier certaines formalités qui passent aujourd'hui par un Cerfa, la création d'un espace entreprise "simplifié et unifié". L'idée consiste, semble-t-il, à y regrouper en un lieu unique les démarches effectuées aujourd'hui par les entreprises sur plusieurs sites pour leurs formalités juridiques (via le guichet unique), leurs impôts, leurs cotisations sociales et leurs subventions. On peut s'interroger sur la mise en oeuvre d'un tel projet au vu des difficultés générées par le guichet unique et de la généralisation de la facture électronique entre assujettis déjà repoussée deux fois !
Gestion d'entreprise
La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...
Le gouvernement veut simplifier le bulletin de paie. Selon lui, ce document comporte aujourd'hui jusqu'à 55 lignes obligatoires. L'objectif est d'en imposer une quinzaine — une mesure dont la philosophie ressemble à celle du Cnoec. Ce bulletin présenterait les principaux agrégats composant la rémunération, sans le détail des prélèvements sociaux réalisés. Toutefois, on ne voit pas dans quelle mesure cela simplifierait le travail de production des fiches de paie. En effet, aucun changement n'est prévu en ce qui concerne les données sous-jacentes à calculer ou à déclarer. Cette réforme pourrait même entraîner une charge supplémentaire. Car le gouvernement précise que "une mise à disposition systématique par l'employeur des informations nécessaires à la reconstitution des montants qui figurent sur le bulletin restera toutefois prévue pour le salarié". Il y aurait donc deux documents à préparer : le bulletin simplifié et une fiche explicative complémentaire.
"Nous mettrons en place, et c’est un changement majeur, un mandat unique pour les commissaires aux comptes et les experts-comptables en lieu et place des mandats qui sont demandés actuellement pour chaque opération, avance Bruno Le Maire lors de la conférence de presse. Aujourd’hui, lorsque vous voulez faire une déclaration pour l’IS [impôt pour les sociétés], pour les cotisations sociales, pour le crédit d’impôt recherche, pour toute autre démarche il faut que à chaque fois vous donniez un nouveau mandat à votre expert-comptable ou à votre commissaire aux comptes. Imaginez le nombre de démarches, de papiers, d’obligations que cela représente, argumente le ministre. Désormais, vous prenez un commissaire aux comptes ou un expert-comptable, vous lui confiez un mandat et avec ce mandat il fait toutes les démarches. C’est un allègement considérable du travail pour les chefs d’entreprise, c’est aussi une simplification qui était très demandée par les commissaires aux comptes et les experts-comptables", prétend-t-il.
La généralisation du mandat implicite donné à l'expert-comptable avait été évoquée par Bruno Le Maire à Montpellier lors du dernier congrès annuel de l'Ordre des experts-comptables. Il faudra attendre le détail de cette mesure pour en mesurer la portée. Rappelons notamment que les textes prévoient déjà, pour certaines prestations, que ce professionnel bénéficie d'une présomption simple d'avoir reçu mandat des personnes qu'ils représentent devant l'administration fiscale et les organismes de sécurité sociale (article 22 de l'ordonnance n° 45-2138) ; que la justification de détention d'un mandat reste toutefois obligatoire auprès de l'administration fiscale, dans des conditions fixées par décret, pour les demandes d'accès au compte fiscal d'un particulier (article 22 de l'ordonnance n° 45-2138) ; que le paiement des dettes des clients des experts-comptables par ces derniers nécessitent un mandat spécial (article 22 de l'ordonnance n° 45-2138 et article 151-3 du décret n° 2012-432).
Ce qui est plus surprenant dans le discours de Bruno Le Maire sur le mandat implicite est qu'il inglobe, à plusieurs reprises, le commissaire aux comptes. Est-ce à dire que le patron de Bercy pousse le commissaire aux comptes à concurrencer l'expert-comptable dans la réalisation des formalités des entreprises ?
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