Mauvais présage pour les juristes d’entreprise ? Face à la « très vive opposition » de certains avocats sur la création de ce statut, le rapport sur l’avenir de la profession, remis par Dominique Perben à Eric Dupond-Moretti, fin août, n’a pas pris parti. Une première depuis longtemps.
Un rapport à contre-courant. Alors que les deniers travaux sur la profession d’avocat remis à l’exécutif ces dernières années tranchaient en faveur de l’avocat en entreprise - on pense notamment aux rapports de l’avocat Kami Haeri de 2017 ou de Jean-Michel Darrois de 2009 - celui dévoilé fin août par l’ancien garde des Sceaux, Dominique Perben, ne prend pas position. « La proposition de permettre l’exercice de la profession d’avocat en entreprise ne figure pas parmi les préconisations de la mission ». Car « comme la commission a pu le constater au cours de ses auditions, le sujet continue de diviser les avocats et de susciter une très vive opposition ».
Les neuf membres de la mission Perben, dont Jean-Michel Darrois, recommandent donc d’obtenir « l’adhésion d’une part suffisamment importante des avocats » avant d’imposer la mise en place de ce statut. Un travail de concertation qui ne leur parait toutefois pas insurmontable à condition de ne pas « rechercher un alignement absolu » d’un éventuel statut d’avocat en entreprise avec celui de l’avocat traditionnel et de commencer par le b.a-ba : « définir clairement » ce nouveau statut.
Pourtant, l’objectif de la mission Perben, que l’ancienne ministre de la Justice, Nicole Belloubet, a nommé en mars 2020 dans le cadre des réflexions gouvernementales sur la réforme des retraites, était de réfléchir « à l’équilibre économique et aux conditions d’exercice » d’une profession d’avocat en crise. Le rapport aborde donc la question de la « refonte de la politique de l’offre » faite par les cabinets ; refonte qui passerait par un positionnement plus important des avocats sur de nouveaux marchés et sur l’activité de conseil aux entreprises… « Extérieurs aux entreprises, les avocats français rencontrent des difficultés pour faire reconnaître, par ces mêmes entreprises, le rôle qu’ils peuvent jouer dans celui du conseil, ce qui les prive de l’accès à de nouveaux marchés », note le rapport.
Pour autant, est ce que tout est joué pour les juristes d’entreprise ? Obtiendront-ils la confidentialité de leurs avis juridiques à défaut de pouvoir devenir avocat en entreprise, confidentialité préconisée par le député Raphaël Gauvain (LREM), dans le but d’assurer la compétitivité des entreprises françaises. Une proposition formulée il y a déjà plus d’un an à l’ancien Premier Ministre, Edouard Philippe, et alors que la crise du sanitaire liée au Covid-19 était imprévisible. Une crise qui a bousculé les priorités législatives du quinquennat d’Emmanuel Macron qui s’achève dans moins de 2 ans…
Sur la question du renouvellement de l’offre de services proposés par les avocats, la mission Perben préconise, cette-fois, de renforcer leur rôle en matière de modes amiables de règlement des différends (MARD). Médiation, conciliation ou encore procédure participative, qui peuvent être assurées par des avocats, conduisent certes « à des accords conclus par les parties à l’issue de ces procédures [ayant] force obligatoire entre elles » mais « elles ne constituent pas de titres exécutoires ». Pour y remédier, et donner toute leur place aux avocats, le rapport propose de « conférer la force exécutoire aux actes contresignés par avocats dans le cadre des modes amiables de règlement des différends lorsqu’ils constatent l’accord réalisé entre les parties ». Une prise de position qui ne plait pas à une autre profession réglementée : celle des notaires, comme le démontre le tweet du président du Conseil supérieur du notariat du 26 août…
Elle ne peut être délivrée par des acteurs privés sauf ds le cadre d’1 mission de service public comme rappelé par le @Conseil_constit. Les #avocats veulent-ils abandonner leur indépendance et se placer ss le contrôle des procureurs? Je l’ai rappelé au garde des Sceaux le 21 août https://t.co/ddQvjC3i9X
— Jean-François Humbert (@President_CSN) August 26, 2020
Dans un communiqué publié le 2 septembre, le Cercle Montesquieu qui a été auditionné par la mission Perben, a rappelé son attachement à obtenir la confidentialité des avis des juristes d’entreprise afin d’assurer la souveraineté du pays face aux injonctions judiciaires extraterritoriales. « Pour le Cercle Montesquieu, la vraie question que pose le rapport Perben est celle des marchés du droit. La réponse que doivent rechercher tous les professionnels de la justice commerciale est celle de la place du droit dans le tissu économique français et la création de valeur que les juristes peuvent apporter à l’attractivité de la France », poursuit le texte.
Également auditionnée par la mission Perben, l'AFJE continue de prendre position en faveur de l'avocat en entreprise, nous indiquait-elle vendredi. « L’AFJE continue d’œuvrer à sa réalisation en multipliant les opportunités de dialogue avec toutes les parties prenantes afin de lever les incompréhensions ou malentendus. Notre objectif reste très clair : permettre la reconnaissance du principe de confidentialité des avis et consultations des juristes d’entreprise et continuer de travailler à bâtir une communauté de juristes forte car rassemblée. C’est un enjeu de compétitivité des entreprises française comme le soulignait déjà le rapport du député Raphaël Gauvain. Ce constant demeure et le rapport Perben ne le contredit pas, bien au contraire. Dans un environnement géopolitique tendu et incertain, au cœur d’une crise sanitaire majeure, il est plus que jamais indispensable de doter les opérateurs économiques français des outils favorisant l’égalité des armes dans la compétition internationale. C’est aussi un enjeu de souveraineté ».
Le bâtonnier de Paris, Olivier Cousi, favorable à la création du statut d’avocat en entreprise, a indiqué ne pas « désespèr[er], en 2021, de faire comprendre et entendre aux avocats, aux juristes d’entreprise et aux pouvoirs publics que des efforts communs doivent être faits pour qu’un élève qui sort de l’EFB, puisse se dire de manière tout à fait sereine : “ je vais aller faire mon travail d’avocat dans une entreprise mais, demain, je reviendrai dans un cabinet ”. Cette fluidité, on en a besoin. Peut-être que cette crise de la Covid va faire bouger les lignes sur ce sujet », précisait-il au Monde du Droit le 31 août.
Le Conseil national des barreaux (CNB), institution au sein de laquelle les représentants des avocats s’affrontent sur le statut d’avocat en entreprise, n’a pas réagi à l’absence de prise de position du rapport sur cette réforme.
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