Le référent sexisme : un nouvel acteur qui doit trouver sa place en entreprise

Le référent sexisme : un nouvel acteur qui doit trouver sa place en entreprise

15.01.2020

Gestion du personnel

La lutte contre les violences sexuelles et sexistes au travail s'est enrichie d'un nouvel interlocuteur en entreprise : le référent sexisme. Ils sont d'ailleurs deux car et l'entreprise et le CSE doivent chacun en désigner un. Que peut-on attendre de ce nouvel acteur ? Réponse avec Christophe Nguyen, président associé du cabinet en prévention des risques psychosociaux, Empreinte humaine.

La lutte contre le sexisme au travail a fait son entrée dans le code du travail avec la loi Rebsamen du 17 août 2015, rejoignant ainsi la condamnation des faits de harcèlement sexuel au travail. Franchissant un pas supplémentaire, la loi Avenir professionnel du 5 septembre 2018 oblige les entreprises et les instances représentatives du personnel à se doter de référents en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes.

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

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- La gestion administrative du personnel ;
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Ainsi, toute entreprise employant au moins 250 salariés doit, depuis le 1er janvier 2019, désigner un salarié comme référent dont le rôle est d'orienter, d'informer et d'accompagner les salariés en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes. Le comité social et économique doit lui aussi désigner un référent parmi ses membres, par une résolution adoptée à la majorité des membres présents, pour une durée qui prend fin avec celle du mandat des membres élus du comité. 

Que peut-on attendre de ces nouveaux acteurs en matière de prévention et de lutte contre les agissements sexistes et les faits de harcèlement sexuel ? Réponse de Christophe Nguyen, président associé du cabinet spécialisé en prévention des risques psychosociaux, Empreinte humaine et psychologue du travail. 

Quel est votre constat général en matière de lutte contre les violences sexuelles et sexistes au travail ? 

On assiste à une hausse des contentieux en matière de harcèlement sexuel et d'agissements sexistes, notamment dans le contexte de #metoo. Ce mouvement peut favoriser les remontées de tels actes auprès des employeurs. Or, ils se sentent souvent démunis. 

En matière de harcèlement et de santé et sécurité au travail, la jurisprudence a posé une obligation de moyen renforcée. Que les faits dénoncés par le salarié soient crédibles ou non, qu'il existe ou non des éléments tangibles, l'employeur doit agir et investiguer. Et il doit le faire sérieusement, tracer les actions entreprises et réaliser une enquête de manière impartiale. Il doit également orienter les salariés vers le bon interlocuteur : le médecin du travail, l'inspecteur du travail, le Défenseur des droits, et désormais, les référents en matière de lutte contre le sexisme et le harcèlement sexuel. 

Quel est le rôle de ces référents ? 

Trois actions sont attendues de la part des référents. Premièrement, ils doivent réagir lorsqu'on porte à leur connaissance des faits de harcèlement ou d'agissements sexistes : préciser au salarié à qui ils peuvent s'adresser en premier lieu, rechercher la matérialité des faits et écouter la souffrance des salariés. Ils doivent ensuite agir et s'interroger sur les modalités de l'enquête : son déroulé, les témoins auditionnés, le niveau d'information,... Il s'agit d'interroger l'écosystème de l'entreprise au sens large. Enfin, ils doivent établir des mesures de prévention en essayant de comprendre ce qui a pu favoriser de tels agissements qui sont souvent banalisés. 

Est-ce une bonne idée d'avoir prévu la coexistence de deux référents au sein de l'entreprise ? 

Oui, car c'est différent d'une enquête RH ; elle s'appuie sur une autre méthodologie. Ce binôme doit permettre de mettre en place une enquête la plus impartiale possible, à charge et à décharge. Il faut établir la matérialité des faits, charge à l'employeur de démontrer qu'ils sont étrangers à tout fait de harcèlement. Le référent CSE aura, lui, la casquette de l'élu ; il défendra davantage le point de vue du plaignant. Mais attention, il ne s'agit pas d'opposer les deux. Ils doivent mener une enquête contradictoire implicite et aboutir à un consensus sur le résultat de l'enquête et la caractérisation des faits. Ils ne doivent surtout pas être dans une relation conflictuelle. Chacun d'entre eux porte la responsabilité de la prévention ; ils doivent développer une culture commune. 

Le référent employeur doit-il être obligatoirement un membre du service RH ? 

Non, pas nécessairement. il peut s'agir de tout autre salarié. Les RH ont de toutes façons un rôle en matière de prévention des faits de harcèlement. Le référent doit toutefois être accessible. C'est à l'entreprise de se demander quel peut être le meilleur interlocuteur. 

Quelles sont leurs capacités d'action ? 

Les marges de manoeuvre du référent employeur et du référent CSE ne sont pas les mêmes. Celles du référent CSE sont étroitement liées à celles afférentes à son mandat. Il peut ainsi se déplacer et s'informer dans le cadre de l'exercice de son mandat. D'ailleurs, je recommande de prévoir un référent CSE au niveau de chaque établissement, et non seulement de l'entreprise comme le prévoit le code du travail. 

Les capacités du référent employeur sont plus floues. Aucune formation n'est prévue par exemple. Je recommande au salarié référent de bien négocier avec son employeur les moyens dont il pourra disposer et de bien s'outiller. Cette mission représente pour le salarié une charge supplémentaire sans que le code du travail ne lui octroie ni le temps nécessaire ni les moyens indispensables.  

Quelles sont les difficultés que vous avez identifiées dans l'exercice de leur mission ? 

Elles sont de plusieurs ordres. Le référent va être confronté à des comportements qui peuvent être présents dans l'entreprise depuis des années ou bien dans des métiers où les blagues sexistes font partie de la culture. Le référent doit se demander de quelle manière il peut faire évoluer la situation et appréhender son rôle dans ce changement.  

S'agissant plus spécifiquement du référent CSE, il faut déterminer son niveau d'information et de confidentialité. Le salarié qui va voir le référent peut en effet demander à ce que son anonymat soit préservé. De manière générale, les salariées (car ce sont majoritairement des femmes qui sont victimes de harcèlement sexuel et de faits de sexisme) peuvent en effet avoir honte de subir cette situation et en souffrir. Elles veulent être protégées sans être forcément exposées. D'autant que ces remontées peuvent entraîner des mesures disciplinaires à l'égard de la personne mise en cause. 

Est-ce une déresponsabilisation de l'employeur dans son rôle de prévention et de protection de la santé et de la sécurité des employeurs ? 

Non, la prévention et la gestion de tels risques reste du ressort de l'employeur. Cette réforme permet au contraire de multiplier les opportunités d'action et d'avoir des acteurs supplémentaires ancrés dans la vie de l'entreprise. Les référents vont devoir toutefois faire leurs preuves. 

Florence Mehrez
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