Le regard de la Cour des comptes sur l'encadrement des ICPE agricoles

12.05.2022

Environnement

Nombreuses et mal connues, les installations classées agricoles présentent des risques chroniques de pollutions diffuses non négligeables. Au vu de la faiblesse des contrôles dont elles font l'objet, la Cour des comptes recommande une meilleure coordination interministérielle et la réintroduction du régime de déclaration avec contrôle périodique (DC) au sein des rubriques 2101, 2102 et 2111.

Un récent rapport de la Cour des comptes revient sur l’effectivité de l’encadrement et du contrôle des ICPE agricoles avec des constats suivants :
- la réglementation ICPE concerne un nombre important d’installations agricoles pour lesquelles les risques chroniques de pollutions diffuses sont insuffisamment pris en compte ;
- les contrôles exercés ne sont pas proportionnés à l’importance des enjeux environnementaux, en raison principalement du manque d’effectifs ;
- la nécessité de sortir du statu quo.
Un nombre important d'installations et des risques mal pris en compte
Les installations classées au titre des activités agricoles représentent plus de 20 % des installations classées, avec environ 117 000 installations connues en 2020 (rubriques 21xx et rubrique 3660). C'est la région Bretagne qui concentre le plus grand nombre d’ICPE agricoles (23 787 installations, soit 20 % de l’ensemble), suivie par la région Pays-de-la-Loire (18 %).
Plus de la moitié des élevages français sont des installations classées, relevant à 90% du régime de déclaration 8% d'enregistrement et 2% d’autorisation.
La prudence reste toutefois de mise sur ces chiffres, notamment sur ceux concernant les déclarations. En effet, selon la Cour, "l’absence d’interconnexion entre le guichet unique des préfectures (GUP), qui centralise les déclarations, et l’application dédiée au suivi des installations classées, dite S3IC, ainsi que la difficulté de procéder à des contrôles de cohérence entre les effectifs d’animaux déclarés par les exploitants et ceux connus dans la base de données nationale d’identification animale (BDNI), rendent peu fiable le chiffrage du nombre d’installations classées agricoles soumises à déclaration".
Autre élément à prendre en compte concernant les chiffres : l’augmentation du nombre de départs en retraite d’exploitants agricoles de ces dernières années, qui entraîne un nombre important de cessions et/ou de restructurations d’entreprises agricoles, avec pour corollaire de fréquents changements de propriétaires et/ou de formes juridiques. De quoi brouiller un peu plus les cartes.
De réels risques chroniques
Au-delà des risques accidentels, les activités agricoles sont associées à un risque de pollutions chroniques diverses (effluents d’élevage, méthane, pesticides...) susceptibles d’affecter l’environnement. Pour autant, la Cour relève que certains exploitants s’avèrent peu sensibilisés aux risques liés à leurs installations. Sur l'aspect juridique, elle souligne d'ailleurs que si la réglementation ICPE n’est pas remise en cause par les exploitants industriels, son appropriation par la profession agricole reste "problématique".
Par ailleurs, le suivi des accidents ou incidents liés aux ICPE agricoles s'avère loin d'être optimal : "La fréquence d’accidents ou d’incidents liés aux ICPE agricoles serait donc inférieure à 50 par an, ce qui apparaît étonnamment faible au regard du nombre d’ICPE agricoles connues en France sur la même période (plus de 100 000) et ce, malgré l’obligation de déclaration imposée par l’article R. 512-69 du code de l’environnement".
La faiblesse des contrôles et des sanctions
Outre la faiblesse des effectifs, la Cour des comptes constate dans son rapport que les moyens de l’inspection ne sont pas à la mesure des enjeux environnementaux. "La stratégie portée par le ministère de la transition écologique se concentre [...] sur les installations les plus importantes soumises à autorisation et enregistrement. Les installations classées agricoles relevant du régime de déclaration, les plus nombreuses, sont donc plus rarement contrôlées, alors même qu’elles font l’objet de nombreux signalements et plaintes et représentent de ce fait une charge de travail importante pour les inspecteurs", précise la Cour. Cette dernière ne manque pas de souligner par ailleurs la complexification des tâches d’instruction ainsi que le surcroit de travail lié aux dossiers de réexamen IED.
Les suites administratives, hétérogènes selon la sensibilité des préfets, sont privilégiées, tout commme, pragmatiquement, la recherche de la mise en conformité de l’installation. La Cour relève également que les dossiers d’exploitations agricoles sont des dossiers réputés sensibles et que les inspecteurs se sentent parfois démunis face à la détresse des exploitants.
Les suites pénales varient aussi selon les parquets, et il est en outre trop tôt pour apprécier les effets de la récente création des pôles régionaux dédiés à l'environnement (v. notre actulaité du 17/03/21 "La liste des pôles régionaux spécialisés en matière d'atteintes à l'environnement est publiée").
Les quatre recommandations de la Cour des comptes
La Cour des comptes recommande donc :
- de donner sans délai aux services chargés du contrôle un accès rapide, complet et gratuit à toutes les bases de données d’identification animale (y compris porcs et volailles) ;
- de réintroduire le régime de déclaration avec contrôles périodiques pour certaines installations relevant des rubriques 2101 (activités d’élevage, transit, vente, etc. de bovins), 2102 (activités d’élevage, transit, vente, etc. de porcs) et 2111 (activités d’élevage, transit, vente, etc. de volailles et gibiers à plumes) ;
- d'organiser le transfert des rapports établis par les organismes agréés chargés des contrôles périodiques dans le système d’information GUNenv ;
- de systématiser la présentation en CODERST et la publication d’un bilan annuel rendant compte de l’évolution détaillée du nombre d’ICPE agricoles, des résultats des actions de contrôle et des accidents et pollutions relevés.

Environnement

La mise en place d’une stratégie environnementale cohérente s’impose de plus en plus aux entreprises du fait de la complexité de la législation pour la protection de l’environnement et de la multiplicité des réformes. En effet, de nombreuses lois et réglementations ont récemment impacté les activités économiques (autorisation environnementale, concernant notamment les ICPE, loi de transition énergétique, loi biodiversité)

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