"Le risque d'une contestation d'un licenciement pour faute grave est moindre que celui qui serait lié à la présomption de démission en cas d'abandon de poste"

"Le risque d'une contestation d'un licenciement pour faute grave est moindre que celui qui serait lié à la présomption de démission en cas d'abandon de poste"

12.06.2023

Gestion du personnel

Comment les entreprises gèrent-elles désormais les abandons de poste ? Continuent-elles à utiliser la procédure de licenciement pour faute grave ? Eléments de réponse avec Etienne Pujol, avocat associé au sein du cabinet BerryLaw.

La loi du 21 décembre 2022 sur le marché du travail a fixé un cadre à l'abandon de poste. Désormais, le salarié qui abandonne son poste de travail et qui, malgré une mise en demeure de son employeur, ne le reprend pas et ne justifie pas son absence, est présumé démissionnaire et est dès lors privé des allocations de chômage. Jusqu'à présent, les entreprises avaient recours au licenciement pour faute grave lorsqu'ils entendaient mettre un terme rapide à cette situation. Le peuvent-ils encore ? Non, a répondu le ministère du travail dans un questions-réponses publié le même jour que le décret d'application, désormais dépublié. Oui, répondent certains praticiens qui n'entendent pas changer leurs pratiques. C'est ce que nous explique Etienne Pujol, avocat associé au sein du cabinet BerryLaw. 

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Est-il possible de prévoir une seule procédure pour l'ensemble des cas d'abandon de poste comme l'a décidé le gouvernement ? 

Non, car l'abandon de poste est une situation protéiforme. Les causes et les situations sont multiples et aucune situation ne peut être dupliquée sur une autre. Dans mon activité, je constate que - la plupart du temps - le salarié abandonne son poste car la négociation avec son employeur n'a pas abouti alors qu'il a retrouvé un emploi ou qu'il souhaite créer sa propre activité. L'étude de la Dares a complètement passé sous silence le fait que le salarié qui abandonne son poste crée parfois sa propre activité économique. Or, dans ce cas, le salarié a besoin de ce "parapluie" de l'indemnisation par Pôle emploi, qui reste un mécanisme assurantiel. Il n'est pas ontologiquement anormal de bénéficier d'une aide de Pôle emploi pour créer une activité. Dans ce cas, on peut se demander pourquoi le gouvernement ne s'attaque pas à la rupture conventionnelle, qui dans les trois-quarts des cas est à l'initiative du salarié, l'entreprise et Pôle emploi en assurant le coût.

Continuez-vous dès lors à conseiller à vos clients le recours au licenciement pour faute grave en cas d'abandon de poste ?  

Aujourd'hui, le risque d'une contestation d'un licenciement pour faute grave est moindre que celui qui serait lié à la présomption de démission en cas d'abandon de poste. Cette procédure n'est pas sans risque pour nos clients, sans compter les imprécisions rédactionnelles : qu'est-ce qu'un abandon de poste "volontaire", comment remettre une mise en demeure en main propre en cas d'abandon de poste, sans compter le questions-réponses - désormais retiré du site du ministère du travail - qui fait dire à la loi et au décret ce qu'ils ne disent pas, à savoir que le licenciement pour faute grave en cas d'abandon de poste serait désormais impossible.

Si le gouvernement comptait écarter la procédure de licenciement pour faute grave en cas d'abandon de poste, cela aurait supposé de modifier l'article R.1237-13 du code du travail selon lequel "l''employeur qui constate que le salarié a abandonné son poste et entend faire valoir la présomption de démission prévue à l'article L.1237-1-1 le met en demeure, par lettre recommandée ou par lettre remise en main-propre contre décharge, de justifier son absence et de reprendre son poste". Aucune obligation à l'égard de l'employeur ne ressort de ce texte. Il faudrait également modifier la convention Unedic afin d'ajouter la présomption de démission pour abandon de poste dans les motifs excluant l'indemnisation chômage. A ce jour, le licenciement pour faute grave en cas d'abandon de poste reste une procédure sécurisée et une option que je continue à privilégier. Elle l'est également pour le salarié puisque l'entreprise n'a pas à indiquer la teneur de la faute commise par le salarié. 

Dans quels cas conseilleriez-vous d'appliquer la présomption de démission ? 

Je ne vois qu'une seule situation dans laquelle l'application de cette nouvelle procédure est sécurisée : lorsque que l'on sait que son salarié a retrouvé un emploi ou qu'il est parti pour créer son entreprise et que la négociation n'a pas abouti entre l'entreprise et le salarié. Le risque est faible alors que le salarié conteste la présomption de démission. 

Florence Mehrez
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