Le transport aérien entre adaptation au rebond et incertitudes relatives à la transition écologique

Le transport aérien entre adaptation au rebond et incertitudes relatives à la transition écologique

01.01.2023

Gestion du personnel

Dans cette chronique, Vincent Mazuy, responsable secteur transport aérien au sein de Secafi (Groupe Alpha), identifie les enjeux du secteur aérien en matière d'attractivité de ses emplois alors qu'il a été très lourdement affecté par la crise sanitaire.

Vols annulés, bagages égarés, conflits sur les salaires et les conditions de travail… La saison estivale 2022 du transport aérien a été marquée par des tensions opérationnelles et sociales. Celles-ci reflètent l’impréparation relative du secteur à un rebond de la demande du fait d’un "effet rattrapage" attendu pour des particuliers ayant été contraints de reporter leurs projets de voyages. Elle interroge sur l’attractivité des modèles sociaux d’une industrie également fortement exposée aux enjeux de la transition écologique.

Une baisse de 66 % du trafic aérien mondial en 2020

En 2020, la crise sanitaire a conduit à une baisse de 66 % du trafic aérien mondial. L’emploi a souffert de ces années catastrophiques pour les compagnies aériennes. En Europe, selon l’European Cockpit Association, quelque 18 000 postes de pilotes sur 65 000 ont été supprimés ou sont menacés. En 2020, en France, le transport aérien de passagers a annoncé la suppression de près de 15 % de l’emploi du secteur.

Ces suppressions d’emplois ont été mises en œuvre malgré le soutien public exceptionnel de l’activité partielle, des prêts garantis par l’Etat et, s’agissant de la compagnie nationale, d’une augmentation de capital. Ces mesures se sont toutefois révélées indispensables pour assurer la pérennité des entreprises et maintenir dans l’emploi un maximum de leurs salariés. Elles ont également permis de mieux préserver les capacités de rebond en France, relativement aux autres situations observées dans les aéroports européens.

La crise sanitaire a agi comme un accélérateur des tendances déjà présentes* (voir étude prospective sur l’évolution de l’emploi dans le secteur aéronautique et l’aérien en France SECAFI / Groupe Alpha / Réseau Action Climat et Transport & Environnement). Le secteur aérien était en effet déjà sur une trajectoire de réduction des besoins humains du fait de plusieurs facteurs : stratégies des compagnies aériennes de réduction des coûts, émergence du low cost moins intensif en travail que les compagnies traditionnelles (délocalisation de certaines fonctions à l’étranger, recours à la sous-traitance, réduction de services à bord et au sol).

Ainsi, malgré un contexte de progression continue du trafic entre 2009 et 2019, le transport aérien de passagers en France a connu une érosion significative de l’emploi, avec 11 000 postes en moins sur la période. La baisse de l’emploi a particulièrement touché les personnels au sol.

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Vieillissement des salariés du secteur

Faute d’un nombre suffisant de recrutements et d’un renouvellement générationnel, cette baisse des effectifs s’est accompagnée d’un vieillissement des salariés du secteur : en 2017, les salariés de moins de 40 ans représentaient 28 % des effectifs et ceux de 50-64 ans, 33 %. En dehors même des questions de lutte contre le changement climatique, la dynamique de l’emploi permettra difficilement d’inverser la tendance pour deux raisons. En premier lieu, la crise risque d’avantager encore plus les compagnies low cost, lesquelles sont moins intensives en emploi. En deuxième lieu, la montée en puissance des monocouloirs créera proportionnellement moins d’emplois car ils requièrent moins de personnel navigant. Cette situation ne sera pas sans incidence sur la santé économique et sociale du secteur car la hausse de l’ancienneté moyenne des salariés pèse sur les coûts unitaires. En outre, dans un contexte de recherche de gains de productivité, elle représente un facteur de risque pour les conditions de travail et la santé de ces salariés.

Au-delà de l’emploi, la crise a conduit certaines entreprises à mettre en œuvre des mesures qui ont représenté des efforts significatifs des salariés sur leurs conditions d’emploi (modalités de calcul des congés, aménagements du temps de travail, etc.), avec, notamment, la conclusion d’accords de performance collective. Au sein d’Aéroports de Paris, c’est au travers d’un plan d’adaptation des contrats de travail qu’ont été mises en œuvre des évolutions significatives des statuts sociaux.

Des différences sensibles de statuts sont observées entre le salariat des principaux donneurs d’ordre et celui d’une sous-traitance, dont la part dans l’emploi ne cesse de progresser. Les révisions à la baisse des conditions contractuelles entre principaux donneurs d’ordre et sous-traitants ayant eu lieu au cours de la crise (avec, dans certains cas, des baisses tarifaires pouvant approcher, voire dépasser 10 %) accroissent la pression économique et sociale sur les sous-traitants et leurs salariés et sont sources aujourd’hui de tensions et de risques opérationnels.

A l’image d’autres secteurs, tels que la santé, l’hôtellerie ou la restauration, beaucoup des emplois du transport aérien et dans les zones aéroportuaires sont assortis de contraintes fortes en termes d’organisation et d’horaires (horaires décalés, travail le week-end, etc.), avec des incidences sur l’équilibre entre vie personnelle et professionnelle. A cela s’ajoutent des temps ou distances de trajet parfois importants entre lieu de vie et lieu de travail, avec une part significative de la voiture individuelle du fait des horaires, en particulier en Ile-de-France où se concentrent la majorité des emplois du secteur.

Réinvestir dans l’attractivité d’une partie des emplois du secteur

A court terme, dans un contexte d’inflation et de tensions en matière de recrutement, la première urgence est de réinvestir dans l’attractivité d’une partie des emplois du secteur. Dans un contexte économique contraint avec des entreprises fragilisées par les années de crise, ce réinvestissement implique de travailler avec les organisations syndicales à de nouveaux équilibres en s’attaquant aussi bien à la question des rémunérations qu’à celle des conditions de travail. Cela supposera probablement pour les donneurs d’ordre l’acceptation de marges de manœuvre supplémentaires pour les sous-traitants.

Si la reprise du trafic aérien a bien lieu, celle-ci se fait de façon très différenciée selon les zones géographiques, au gré des évolutions et des rebondissements en matière sanitaire. A plus long terme, les perspectives d’évolution du transport aérien et de ses emplois, en particulier au sein des économies matures, sont plus que jamais sujettes à l’incertitude en raison du réchauffement climatique et des engagements pris par la profession de réduire de 50 % les émissions de CO2 du secteur d’ici 2050. En l’absence de perspectives crédibles en matière de solutions décarbonées pour assurer les besoins actuels et futurs, la réduction du trafic aérien apparaît ainsi comme une des possibles voies d’adaptation. La décision prise en juin 2022 par le gouvernement néerlandais de limiter la capacité de l’aéroport de Schiphol (Amsterdam) pour réduire les émissions de CO2, d’azote et les nuisances sonores en est une illustration.

Dès lors, les acteurs du secteur doivent à la fois travailler à son attractivité à court terme pour lui permettre de soutenir dans de bonnes conditions un niveau d’activité en croissance et anticiper différents scénarios d’évolution pour atteindre l’objectif de réduction des émissions de CO2. Ces deux dimensions relèvent d’un même mouvement qui vise à faciliter les transitions vers et à partir du secteur du transport aérien. Ce second cas suppose de réfléchir en amont à de possibles transitions en envisageant notamment de potentielles passerelles pour les différents métiers et les parcours de formation qu’elles supposent. Une mobilité facilitée vers des métiers d’autres secteurs pourrait constituer aussi un gage d’attractivité.

Cette anticipation serait d’autant plus déterminante que l’exemple du secteur automobile montre qu’un durcissement de la réglementation visant à accélérer la transition environnementale peut devenir une figure imposée, à marche rapide…

Vincent Mazuy
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