Legal privilege : «je serai évidemment de ces combats-là», Laure Lavorel

Legal privilege : «je serai évidemment de ces combats-là», Laure Lavorel

03.07.2019

Gestion d'entreprise

Laure Lavorel, nouvelle présidente du Cercle Montesquieu, nous dévoile les axes prioritaires de son mandat. Parmi lesquels, la lutte contre le handicap, la digitalisation, la création du legal privilege et la promotion du juriste administrateur au sein des conseils d’administration.

Le 17 juin 2019, Laure Lavorel, directeur juridique international de Broadcom, a été élue présidente du Cercle Montesquieu pour un mandat de 3 ans. Elle succède à Nicolas Guérin, secrétaire général et directeur juridique d’Orange, dont le mandat était arrivé à son terme.

Gestion d'entreprise

La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...

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Comment avez-vous réagi à votre nomination ?

Je suis ravie. La présidence du Cercle Montesquieu est un rôle prestigieux même si, en réalité, notre association fonctionne grâce à l’action de ses membres dont beaucoup contribuent aux différentes commissions. Le Cercle est également doté d’un énergique conseil d’administration. C’est une équipe bénévole, une association à plusieurs visages, qui ne doit pas uniquement s’incarner dans sa présidence.

Quelles seront vos premières actions ?

Je travaille dans un groupe américain qui m’a appris à fonctionner de manière pragmatique. Il faut donc savoir choisir ses batailles. J’ai eu la chance d’être ambassadrice du handicap chez CA Technologies pour l’Europe, le Moyen Orient et l’Afrique. Toutes discriminations méritent d’être combattues. Il y a urgence sur le sujet du handicap. Les professions juridiques ne sont pas très investies dans ce domaine. Il y a eu beaucoup de progrès faits pour la cause des femmes, au sein des Barreaux, à l’AFJE ou au Cercle Montesquieu. Concernant  le handicap, il y a quelques initiatives mais les juristes doivent s’emparer du sujet et les directions juridiques doivent être forces d’exemple au sein des entreprises. Sachant que le handicap, ce n’est pas forcément ce qu’on imagine. On le réduit trop souvent au handicap physique. Il faudra mener ces actions de concert avec des cabinets d’avocats, les Barreaux et les associations de juristes.

En tant qu’ambassadrice du Handicap au sein de votre groupe, qu’avez-vous déjà mis en place ?

Il a fallu d’abord travailler sur l’awareness. Faire en sorte que le sujet dont on veut s’emparer soit compris. Il y a beaucoup de discriminations passives. Les gens ne sont pas proactivement discriminants. Ils n’ont juste pas conscience qu’ils sont mus par des biais sociologiques ou culturels qui les poussent à agir de manière discriminante sans s’en rendre compte. Il faut donc démarrer un travail d’éducation auprès des employés et notamment apprendre aux managers les facteurs qui génèrent les situations discriminantes. Puis, élaborer des formations pour lutter efficacement contre les situations de fait.

Chez CA Technologies, nous avions commencé par revoir les mécanismes de recrutement car sans changement culturel, il n’y a pas d’évolution. Dans la plupart des États européens, les lois prévoient des sanctions financières mais les entreprises préfèrent acquitter des « indemnités ou des amendes » plutôt que d’embaucher des personnes atteintes de handicap.

Pour y remédier, il faut donner envie aux managers de changer leur manière de recruter. On a travaillé en équipe avec les ressources humaines.

Quel rôle doit jouer la direction juridique dans ce domaine ?

La direction juridique a deux rôles à jouer. En tant que direction tout court, elle peut réfléchir à embaucher des personnes en situation de handicap. Elle a ensuite un rôle d’information car elle est responsable de l’application de la loi dans une entreprise. Faire un mapping de toutes les lois qui existent et voir si l’entreprise n’est éventuellement pas alignée avec les contraintes d’une loi.

Quelles sont vos autres priorités ?

Un des autres axes concerne la digitalisation. Cela fait 22 ans que je travaille dans les nouvelles technologies. Il y a un an, j’ai créé la Factory au sein du Cercle Montesquieu. La question était de savoir en quoi nous pouvions le mieux servir nos membres sur le sujet de la transformation digitale ? En les aidant dans la conduite de changement au sein de leurs directions juridiques, en leur apportant des outils, des partages de bonnes pratiques, en les accompagnant ou en facilitant les échanges avec d’autres membres. La transformation digitale est un sujet majeur. Il nous appartient de construire nos métiers de demain autour de ce noyau d’outils afin de recentrer les juristes sur des missions à forte valeur ajoutée.

Comment réagissez-vous à la lecture du rapport Gauvain ?

Le sujet me tient particulièrement à cœur. J’ai commencé à exercer mon métier de juriste comme  avocate. Lorsque je suis devenue directrice juridique,  j’ai créé le « Barreau en entreprise », avant de rejoindre le Cercle Montesquieu. L'objectif de l'association « Barreau en entreprise » était de redonner aux avocats exerçant en entreprise leur statut. C’est-à-dire de rendre leur robe aux avocats qui exerçaient en entreprise.

Le Cercle a énormément contribué et défend toujours avec force et passion le rapprochement des professions. Nous sommes convaincus que cela bénéficiera à toutes les communautés des juristes. Je serai évidemment de ces combats-là. Mais plus le temps passe, plus le sujet devrait être dépassionné. Car aujourd’hui, on exerce de plus en plus de la même façon. Il y a une vraie hybridation des pratiques, qui dépend beaucoup plus du secteur d’activité que de l’endroit où l’on travaille, que ce soit en cabinet ou en entreprise.

Les juristes et les avocats d’aujourd’hui reçoivent ensemble de la formation continue sur les bancs de l’EFB par des équipes composées de directeurs juridiques, d'avocats et de professeurs de droit. La fusion se fait dans les faits. La différence dans la pratique se réduit drastiquement.

Un autre sujet qui devrait réunir, dans la pratique, les avocats et les directeurs juridiques, est celui du juriste administrateur. La France est très en retard sur cette question. Les conseils d’administrations des entreprises cotées - mais également les autres - devraient se doter d’hommes et femmes de droit pour améliorer leur gouvernance et pour utiliser le droit comme un outil de conquête des marchés et de développement stratégique commercial. Au Cercle, nous considérons qu’il est important de convaincre la communauté des chefs d’entreprises d’intégrer des juristes (qu’ils soient avocats ou directeurs juridiques).

C’est une question  d’attractivité de la France. C’est la capacité pour le territoire français à attirer des entreprises étrangères. Nous devons être capables d’offrir cette sécurité et ce niveau de maturité aux marchés internationaux.  

propos recueillis par Leslie Brassac
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