Les agences de presse enfin protégées contre le pillage généralisé de leurs contenus digitaux

27.08.2019

Gestion d'entreprise

La loi du 24 juillet 2019 institue un droit voisin au droit d'auteur au profit des agences et éditeurs de presse afin qu'ils puissent se prémunir plus facilement des utilisations indues de leurs publications sur internet et prévoit une meilleure rémunération pour les auteurs de ces publications.

Publiée au Journal officiel du 26 juillet, la loi n° 2019-775 du 24 juillet 2019, crée un droit exclusif, proche de celui applicable notamment aux producteurs de créations audiovisuelles, au profit des éditeurs et agences de presse leur permettant d’interdire ou autoriser la reproduction et la communication au public en ligne de leurs publications de presse, pour 2 ans à compter de leur publication. Elle prévoit également qu’une rémunération leur soit versée pour l’exploitation de tels contenus et qu’une part appropriée soit reversée aux auteurs de ces publications. Cette part sera fixée par accord d’entreprise ou à défaut par tout autre accord collectif et une commission ad hoc sera mise en place pour régler les différends qui résulteraient de la répartition de cette rémunération.

Gestion d'entreprise

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Remarque : la loi transpose en partie la directive (UE) n°2019/790 du Parlement européen et du Conseil, du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique, qui prévoyait notamment à son article 15, des mesures de protection des publications de presse en ligne et à son article 18, une rémunération appropriée et proportionnelle des auteurs, artistes ou interprètes ou exécutants qui transfèrent leurs droits ou les octroient sous licence.
Un droit d’auteur actuellement inadapté à l’exploitation de publications de presse sur internet

A l’instar de leurs homologues européens, les parlementaires à l’origine de la proposition de loi constataient que les moteurs de recherche et en particulier les services agrégateurs (banques de données ou "fils" d’actualité qui regroupent des publications de plusieurs sources et que l’on peut trouver sur certains sites internet ou applications) diffusent et reproduisent sur leurs pages des millions de textes, de photographies ou encore de vidéographies d’actualité sans licence, les présentant comme libres de droits. L’exploitation de ces contenus sans autorisation ni rémunération cause un préjudice patrimonial considérable aux agences de presse et à leurs auteurs (Proposition de loi, Sénat, texte n°705 2017-2018, 5 sept. 2018). Or, l’exercice du droit d’auteur s’effectue œuvre par œuvre ; il est matériellement impossible de l’appliquer à la multitude des contenus et des sites diffusant ces derniers. La protection conférée par le droit d'auteur est par conséquent inadaptée aux défis que posent la diffusion des publications de presse sur internet, notamment au phénomène de "viralité".

Exemple : l’AFP produit environ 3000 photos par jour (Rapp. AN, n°1912, p. 24).

Ainsi selon la proposition de loi, la mise en place d’un droit voisin au droit d’auteur permettrait de protéger l’intégralité du contenu produit par les agences de presse, sans besoin d’apporter la preuve de la contrefaçon pour chaque utilisation indue. Ce droit voisin permettrait aux agences et éditeurs de presse de retrouver les revenus qui leur échappent jusqu’à présent – dans le respect du droit d’auteur (C. propr. intell., art. L. 211-1) –, ainsi que de sécuriser leurs investissements, leur indépendance et de mieux rémunérer les auteurs qui leur auront cédé leurs droits.

Un nouveau droit fondé sur le régime commun des droits voisins au droit d’auteur

Le droit voisin créé par la loi est défini principalement dans un nouveau chapitre du titre unique du livre II de la première partie du code de la propriété intellectuelle, qui comprend de nouveaux articles L. 218-1 à L. 218-5.

Une obligation d'autorisation préalable à toute exploitation des publications de presse sur internet

Aux termes de la proposition de loi, ce droit voisin a vocation à couvrir toutes les activités "d'intermédiation" dans la communication au public des contenus de ces agences et éditeurs. Il s’applique aux éditeurs et agences de presse établis sur le territoire d’un Etat membre de l’UE (C. propr. intell., art. L. 218-1, IV, nouveau) et pose pour principe l'obligation d’obtenir l’autorisation de l'éditeur de presse ou de l'agence de presse avant toute reproduction ou communication au public totale ou partielle de ses publications de presse sous une forme numérique par un service de communication au public en ligne (C. propr. intell., art. L. 218-2, nouveau).

Une durée de protection de 2 ans

La durée de ces droits patrimoniaux dont les éditeurs et agences disposent sur une publication de presse est de 2 ans à compter du 1er janvier de l’année civile suivant celle de sa première publication (contre 50 ans pour les productions audiovisuelles, par exemple, et initialement prévus par la proposition).

Des droits transmissibles notamment à des organismes de gestion collective

Ces droits détenus par les éditeurs et agences de presse sont cessibles, peuvent être concédés sous licence ou être donnés en gestion à des organismes de gestion collective plus efficace pour négocier avec les grosses plateformes, selon le sénateur D. Assouline, auteur de la proposition (C. propr. intell., art. L. 218-3 nouveau).

Une obligation de prendre des mesures de protection techniques contre le piratage

Au même titre que pour les phonogrammes, vidéogrammes ou autres programmes, les services de communication au public en ligne devront mettre en place des mesures techniques de protection des contenus pour en éviter une utilisation ou un accès indu – autrement dit : le piratage – des publications de presse (C. propr. intell., art. L. 331-5 et s.). La Haute autorité pour la protection des œuvres et droits de propriété intellectuelle (HADOPI), sera chargée du respect et du suivi des mesures de protection et de la lutte contre les violations avant la mise en jeu de procédures pénales (C. propr. intell., art. L. 331-31 et L. 331-37). Enfin, la loi prévoit les sanctions pénales applicables à la violation du droit voisin protégeant les publications de presse, l’atteinte à une mesure de protection efficace et la dissimulation d’une telle violation (C. propr. intell., art. L. 335-4 et s.).

Un droit ayant vocation à s’adapter aux défis de la communication sur internet

L’application de ces dispositions nécessite quelques définitions. Ainsi, la loi définit la publication de presse comme une "collection composée principalement d'œuvres littéraires de nature journalistique, qui peut également comprendre d'autres œuvres ou objets protégés, notamment des photographies ou des vidéogrammes, et qui constitue une unité au sein d'une publication périodique ou régulièrement actualisée portant un titre unique, dans le but de fournir au public des informations sur l'actualité ou d'autres sujets publiées, sur tout support, à l'initiative, sous la responsabilité éditoriale et sous le contrôle des éditeurs de presse ou d'une agence de presse", a l’exclusion des publications scientifiques ou universitaires. Les agences de presse sont entendues comme étant les entreprises "ayant pour activité principale la collecte, le traitement et la mise en forme, sous sa propre responsabilité, de contenus journalistiques". Enfin, un éditeur de presse est défini comme étant la personne physique ou morale qui édite une publication de presse ou un service de presse en ligne (C. propr. intell., art. L. 218-1, I., nouveau).

Remarque : quant aux services proposant de telles publications sur internet, que la directive n°2019/790 appelle "fournisseurs de services de partage de contenus en ligne", la proposition de loi envisageait de les définir sous l'appellation de "services automatisés de référencement d’images". Selon cette proposition de loi, les sociétés exploitant ces services auraient dû faire l’objet d’un agrément et elles auraient dû prévoir elles-mêmes la rémunération au profit des agences et éditeurs de presse pour l’exploitation de leur production. Toutefois, cette définition a été abandonnée dès l’examen en commission (Rapp. Sénat n°243). Cette dernière a estimé que les services agrégateurs et autres moteurs de recherche sont déjà suffisamment pris en compte dans la notion de "service de communication en ligne au public" au sens de la LCEN (L. n° 2004-575, 21 juin 2004). Quant à la rémunération, le législateur a opté pour un devoir d’information que ces services auront envers les agences et éditeurs de presse.
Des exceptions particulières pour certaines utilisations des publications de presse sur internet

Les éditeurs et agences de presse pourront interdire ou autoriser l’exploitation de leurs contenus. Cependant, certaines utilisations telles que les reproductions réalisées à partir d'une source licite, strictement réservées à l'usage privé, la revue de presse ou encore la parodie, ne pourront être interdites (C. propr., intell., art. L. 211-3). A ces exceptions, la loi ajoute deux utilisations : la création d’hyperliens et l’utilisation de mots isolés ou de très courts extraits d’une publication de presse. Cette dernière utilisation ne doit cependant pas affecter l’efficacité du droit créé par la loi. C’est notamment le cas lorsque "l’utilisation d’extraits se substitue à la publication de presse elle-même ou lorsqu’elle dispense le lecteur de s'y référer" (C. propr. intell., art. L. 211-3-1, nouveau).

Remarque : les courts extraits et autres mots-clés revêtent une importance grandissante, notamment en matière de référencement, avec le développement des méthodes de SEO (Search Engine Optimisation).

Ce nouveau droit voisin ne devant pas porter atteinte au droit d’auteur, la loi met en place une obligation de répartition équitable de la rémunération que devront verser les services de communication au public en ligne entre les éditeurs et agences de presse d’une part et les auteurs d’autre part.

Une rémunération appropriée et équitable pour les éditeurs et agences de presse ainsi que pour leurs auteurs
La rémunération des éditeurs et agences de presse

La rémunération due au titre des droits voisins pour la reproduction et la communication au public des publications de presse dont devront s’acquitter ces services est assise sur les recettes de l'exploitation de toute nature, directes ou indirectes ou, à défaut, évaluée forfaitairement, notamment dans les cas où l’auteur cède ses droits à une agence de presse (C. propr., intell., art. L. 131-4) et doit prendre en compte "les investissements humains, matériels et financiers réalisés par les éditeurs et les agences de presse, la contribution des publications de presse à l'information politique et générale et l'importance de l'utilisation de ces publications de presse par les services de communication au public en ligne" (C. propr. intell., art. L. 218-4 nouveau).

A cet égard, ces services devront informer les éditeurs et les agences de presse de l’utilisation de leurs contenus afin que leur rémunération soit évaluée et répartie de manière transparente (C. propr. intell., art. L. 218-4, al. 3, nouveau).

La rémunération appropriée des auteurs et journalistes professionnels

Selon la loi, les journalistes professionnels ou assimilés ainsi que les auteurs des œuvres présentes dans les publications de presse ont droit à une part appropriée et équitable de la rémunération versée par les services de communication au public en ligne. Cette part sera fixée par accord d’entreprise ou à défaut par tout autre accord collectif et une commission ad hoc sera mise en place pour régler les différends qui résulteraient de la répartition de cette rémunération.

La commission précitée sera composée de représentants des organisations professionnelles d’entreprises de presse et pour moitié de représentants des organisations représentatives des journalistes et auteurs. Cette commission fixera la part appropriée de rémunération en cas d’absence d’accord collectif dans les 6 mois à compter de la publication de la loi et en l’absence de solution compromissoire (C. propr. intell., art. L. 218-5, II, nouveau).

Remarque : Selon la Directive 2019/790, les Etats membres devront prévoir un mécanisme de rémunération supplémentaire si la rémunération négociée initialement se révèle exagérément faible en comparaison des revenus tirés de l’exploitation de la publication de presse (art. 20). Cette obligation, ne figurant pas dans la loi pour le moment, fera certainement l’objet d’un décret en Conseil d’Etat.
L’obligation d’information annuelle envers les journalistes

Une fois par an, les journalistes recevront, le cas échéant par un procédé de communication électronique, des informations actualisées, pertinentes et complètes sur les modalités de calcul de la part appropriée et équitable de rémunération qui leur est due. Un décret en conseil d’Etat devra préciser ces modalités d’information (C. propr. intell., art. L. 218-5, IV, nouveau).

Une entrée en vigueur différée

L’entrée en vigueur de la loi aura lieu 3 mois à compter de sa promulgation, soit le 24 octobre 2019. Elle ne s’applique cependant pas aux publications de presse publiées pour la première fois avant la date d’entrée en vigueur de la directive (UE) n° 2019/790 du Parlement européen et du Conseil sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique, soit le 6 juin 2019 (Dir. (UE) n° 2019/790, art. 31).

Un décret en Conseil d’Etat devra fixer les modalités de fonctionnement de la commission ad hoc sur la rémunération, les voies de recours juridictionnel et la publicité de ses décisions.

Geoffrey MEYER, Dictionnaire permanent Droit des affaires
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