Les alternants en comptabilité sont-ils épuisés au plan professionnel ?

La crise de la Covid-19 n'a épargné ni les experts-comptables ni leurs collaborateurs au plan psychosocial. "Nous avons fourni beaucoup de travail, témoignait en pleine crise sanitaire Christophe Santiago, associé chez Sogirex Walter France. Nous sommes aujourd’hui dans un état de fatigue intellectuelle. Les collaborateurs sont usés. Ils ont été sur-sollicités sur les parties fiscale et sociale et ont dû gérer psychologiquement les clients", livrait-il.

Les confinements ont aussi chamboulé les relations professionnelles. "Les experts-comptables continuent d’aller au bureau mais ont dû gérer leurs équipes qui, elles, sont davantage en télétravail, ce qui génère du stress et une surcharge mentale, analysait à l'époque Laure Chanselme, psychologue du travail chez Amarok, association qui s'intéresse à la santé mentale et physique des travailleurs non salariés. Ils subissent une pression à cause de cette réorganisation", résumait-elle.

Une étude universitaire (Apprentis comptables et risques psychosociaux au travail : quels enseignements tirer de la crise Covid ? ; étude publiée dans la revue Accra 2023/1) livre un regard préoccupant spécifique à la population d'apprentis en comptabilité. "Le contexte de la crise sanitaire, certes anxiogène, n’a fait que renforcer la situation déjà alarmante d’un secteur d’activité [le secteur comptable] déjà au bord de l’épuisement professionnel, pointent les enseignants-chercheurs Philippe Chapellier, Claire Gillet-Monjarret et Agnès Mazars-Chapelon. Même si l’étude présente des limites inhérentes à la taille de l’échantillon étudié, ce constat est d’autant plus préoccupant qu’il concerne ici une population jeune d’apprentis, futurs professionnels du chiffre" ajoutent-ils.

Précisément, qu'apprend-on de cette étude qui se base sur le ressenti de 74 apprentis comptables travaillant soit en entreprise (37,8 % de l'échantillon) soit en cabinet d'expertise comptable (62,2 % de l'échantillon) et qui préparent soit le DCG, soit le DSCG soit le master CCA (voir le détail de la méthodologie ci-dessous) ? "Le domaine le plus fortement impacté par la période Covid est celui de la santé et du bien-être. La situation des répondants s’est fortement dégradée sur ce domaine. Ils sont en effet 74,3 % (55/74) à estimer que leur santé était «bonne» ou «excellente» avant la pandémie mais ne sont plus que 36,5 % (27/74) à le penser désormais", livre l'étude.

Autre enseignement, l'irritabilité et le stress qui ont fortement augmenté. "77 % (57/74) des répondants affirment en effet qu’ils étaient «très peu souvent» ou
 «jamais» irritables avant la crise du Covid. Ils ne sont plus aujourd’hui que 37,8 % (28/74). De même seuls 12,2 % (9/74) expliquent qu’ils étaient «tout le temps» ou «très souvent» stressés avant que la période Covid ne démarre. Ils sont désormais 54 % (40/74)", détaille l'étude.

"De l’impact émotionnel de la pandémie émergent également des résultats, poursuit l'étude. Les répondants sont en effet 4 % (3/74) à affirmer qu’ils étaient «tout le temps» ou «très souvent» émotionnellement épuisés avant la période Covid. Ils sont désormais 41,9 % (31/74). De même 83,8 % (62/74) estiment que leur travail les plaçait, avant la pandémie, «très peu souvent» ou «jamais» dans des situations déstabilisantes sur le plan émotionnel. Ils ne sont désormais que 59,4 % (44/74)", apprend-on. Autre préoccupation, "ils sont 82,4 % (61/74) à estimer avoir été «très peu souvent» ou «jamais» à bout de force avant la crise du Covid à cause de leur travail. Ils ne sont aujourd’hui que 44,6 % (33/74)", livre l'étude.

Certains sujets affichent toutefois une autre couleur. En matière d'autonomie, l'impact de la crise sanitaire sur ces alternants apparaît mitigé . Et en matière de télétravail, il est difficile de se prononcer. "Le télétravail induit par la crise sanitaire ne conduit pas de façon tranchée à l’émergence ou au renforcement d’un sentiment d’isolement : les résultats contrastés sur ce point, entre ceux qui trouvent que le télétravail a des conséquences très négatives en termes de lien social, et ceux qui y voient des bénéfices, sont peut-être à rapprocher de la spécificité du travail du professionnel comptable en cabinet, davantage centré sur la production d’information dans le respect de normes institutionnelles externes que sur la coordination avec des collègues pour atteindre un objectif commun en lien avec la stratégie de l’organisation", analysent les auteurs.

Intéressante, cette étude est toutefois à prendre avec prudence. D'une part, elle est alimentée par un faible nombre de répondants. D'autre part, elle a recueilli des ressentis pendant une période exceptionnelle — mais c'est l'objectif de l'étude que de mesurer l'impact de la Covid-19 sur les risques psychosociaux. On ne sait donc pas dans quelle situation se trouvent aujourd'hui les apprentis comptables en cabinet et en entreprise. Elle invite toutefois à se demander si certains ne sont pas, même si la crise sanitaire est passée, au bord de l'épuisement professionnel. A titre de repère, un peu plus d’un tiers des experts-comptables courraient un risque d'épuisement professionnel, avançait en 2019 une étude d'Amarok. Une situation déjà préoccupante avant la crise sanitaire.

Gestion d'entreprise

La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...

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