Les autorités dévoilent leurs stratégies de contrôle

Les autorités dévoilent leurs stratégies de contrôle

19.04.2019

Gestion d'entreprise

Alors que l'AFA cible « les grandes entreprises françaises », l'ACPR déclenche ses investigations en fonction du réseau de distribution ou de la zone géographique des entités. Et durant la phase d'enquête, elles peuvent se transmettre certaines informations. Les représentants de l'AFA, l'ADLC, l'AMF et de l'ACPR témoignent.

A partir de quels critères les autorités de régulation décident-elles de réaliser leurs contrôles ? Quelles informations peuvent-elles partager ? Telles étaient les questions auxquelles les représentants des différentes autorités (Autorité de la concurrence, Agence française anticorruption, Autorité des marchés financiers, Autorité de contrôle prudentiel et de résolution) ont répondu lors d’une conférence organisée mercredi, par l’AFJE (Association française des juristes d’entreprise) et l'ACE (Avocats conseils d’entreprises), à la maison du Barreau de Paris.

Critères de fixation des contrôles

« Nous réalisons entre 250 et 300 contrôles par an », témoigne Barbara Souverain-Dez, directrice juridique adjointe au sein de l’ACPR. Ces contrôles sont fixés à partir des « priorités définies par le collège de l’ACPR, en fonction des sujets d’actualité et des profils de risque » des entités concernées. En matière de lutte antiblanchiment, l’Autorité va, par exemple, « évaluer le risque inhérent à l’entreprise en prenant en compte l’activité, le secteur, le réseau de distribution, la zone géographique, les systèmes de gestion des risques et les procédures de contrôles internes mis en place ». Ces éléments sont, par ailleurs, « alimentés par des informations transmises par les différentes Autorités ou issues de l’extérieur », dévoile la directrice juridique.

Du côté de l'AMF, il existe deux types de contrôles :

  • « les contrôles sur alerte », liés à la surveillance des acteurs des marchés ;
  • et les contrôles thématiques « menés en batterie » sur plusieurs acteurs, explique Sophie Baranger, secrétaire générale adjointe au sein de la direction des enquêtes et des contrôles de l’AMF.

Comment sont déclenchées les enquêtes ? « Des équipes surveillent les mouvements de cours sur les marchés et des alertes sont mises en place afin d’examiner la présence d’anomalies ». Cela représente plus d’« un milliard et demi de transactions sur l’année ». La surveillance porte également sur les déclarations d’opérations suspectes transmises par les prestataires d’investissement qui ont l’obligation d’informer l’AMF de toute opération qui pourrait constituer une opération d’initié ou une manipulation de marché.

L’effet de diffusion le plus large possible

A l’AFA, si « le directeur n’a pas à [se] justifier de la raison pour laquelle telle ou telle entité est contrôlée », la décision n’est pas prise « de manière décérébrée », assure Salvator Erba, sous-directeur du contrôle au sein de l’Agence. Plusieurs critères permettent d’établir un « programme de contrôle ». L’AFA s’intéresse en particulier :

  • aux grandes entreprises françaises dont les filiales sont à l’étranger ;
  • aux secteurs les plus exposés à la corruption et au trafic d’influence : notamment « la finance, le BTP, les industries extractives et les industries de santé » ;
  • aux entreprises « les plus surveillées » par leurs pairs.

Sur ce dernier critère, Salvator Erba s’explique : « les directeurs juridiques et les directeurs conformité des grandes entreprises discutent entre eux ». L’AFA recherche ainsi « l’effet de diffusion le plus large possible ».

« Renseignements internes », « demande du gouvernement », « presse », etc. Les sources d’informations à l’origine des enquêtes de l’ADLC (Autorité de la concurrence) sont diverses, indique Stanislas Martin, rapporteur général. Et elles vont s’élargir cette année car l’Autorité va créer « une plateforme de signalement externe », dévoile celui-ci.

Un manque d'échanges ?

Et durant la phase d’enquête, les autorités partagent-elles leurs informations ? Pas assez, selon Karine Demonet, directrice conformité et contrôle interne chez BPI France, qui a « enchaîné les contrôles des autorités depuis 18 mois » : AFA, ACPR, AMF, Banque centrale européenne, etc. La directrice a constaté un manque d’échanges « sur le fond des dossiers ».

« Chaque autorité est sur sa propre mission et son domaine de contrôle », lui répond Barbara Souverain-Dez. Les informations recueillies dans le cadre des contrôles de l’ACPR « peuvent être transmises à certaines autorités comme l’ADLC, l’AMF et la DGCCRF » dès lors qu’elles entrent dans leur champ de compétences. L’AMF transmet également des informations à la DGCCRF, au Haut conseil du commissariat aux comptes (H3C) et à la Banque de France. L’objectif est « d’utiliser au mieux les compétences de chacun » et d’y « donner les suites appropriées », justifie Sophie Baranger. Il y a également « pas mal d’échanges » entre l’ADLC et la Cour des comptes, confie Stanislas Martin.

« Les relations sont juridiquement fluides avec l’AFA », ajoute-t-il. « Nous pouvons leur demander des informations sans se voir opposer le secret professionnel ».

Quant à l’Agence française anticorruption, elle a pour projet d’établir des protocoles avec l’ADLC, l’AMF, l’ACPR mais également avec plusieurs parquets. Ceci afin « de tisser des toiles de coopération [et de] faire notre travail au mieux », conclut le sous-directeur de l’AFA.

Leslie Brassac

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