Les Big Four à l’assaut du marché français du Legal Ops

07.09.2022

Gestion d'entreprise

L’offre de services en Legal Operations commence à s’étoffer en France, où la demande des directions juridiques a enregistré une accélération à la faveur de la crise sanitaire.

Les deux opérations ont eu lieu à quelques semaines d’intervalle au printemps dernier. En mai, PwC Société d’avocats a annoncé le rachat de Day One, le cabinet de conseil en organisation et stratégie des métiers du droit fondé en 2003 par Olivier Chaduteau. Day One est ainsi devenu PwC Legal Business Solutions, la filiale* de PwC Société d’avocats dédiée au legal consulting et chargée de développer « une nouvelle activité d’accompagnement au service de la transformation et de la digitalisation des directions juridiques et compliance », précise le communiqué du cabinet.

Un mois et demi plus tard, Arthur Sauzé, consultant en stratégie digitale et legal tech, Youtubeur spécialisé dans le testing de solutions numériques, a rejoint EY Société d’avocats, où il avait déjà exercé en tant qu’avocat spécialisé en droit du travail & chef de projet digital entre 2018 et 2019. Désormais, il va s’attacher à développer avec Virginie Lefebvre-Dutilleul, associée en charge des solutions de transformation de la fonction juridique, des offres qu’EY propose déjà sur d’autres marchés. Ils travailleront avec l’équipe européenne Legal Ops d’EY et des spécialistes de sa branche Consulting. Et l’équipe française devrait s’étoffer rapidement.

Un mouvement de fond accéléré par la pandémie

Ces deux opérations interviennent alors que la crise sanitaire, qui a contribué à accélérer la transformation des organisations, a donné une nouvelle impulsion à la demande de conseil et de services en Legal Ops. Après la fonction finance et la fonction achats, c’est la fonction juridique qui est en train d’opérer sa transformation numérique – avec quelques années de retard sur les marchés anglo-saxons, notamment – et ce, alors que le boom de la Legal Tech a permis de développer tout un panel de solutions technologiques pour les juristes. « C’est un sujet qui concerne toutes les directions juridiques », relève Olivier Chaduteau. « Les plus petites ont les mêmes besoins que les plus grandes mais elles n’ont pas les moyens d’y dédier une personne à plein temps, d’où le recours à l’externalisation, avec des juristes chargés de porter le sujet Legal Ops en interne ».

Gestion d'entreprise

La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...

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La montée en puissance des Legal Operations Managers

C’est ce mouvement de fond qui a fait émerger la fonction de Legal Operations Officer ou Manager, dont la mission consiste à piloter l’implémentation des projets de transformation digitale de la fonction juridique. « Aujourd’hui, environ 70 % des groupes du CAC 40 ont un Legal Operations Manager – avec ce titre ou un autre – et les directions juridiques du SBF 120 commencent à s’équiper en interne elles-aussi », observe Émilie Letocart-Calame, ancienne directrice juridique passée par le monde de la Legal Tech, qui a créé le cabinet spécialisé en Legal Operations Calame Consulting, rebaptisé the Legal Ops Company.

Ces Legal Operations Managers ont quasiment tous le même profil : ce sont des juristes expérimentés, souvent recrutés en interne. « C’est un poste très complet », explique Olivier Chaduteau :

« c’est un poste de manager expérimenté en gestion de projet et conduite du changement, chargé d’assurer une veille sur les nouvelles solutions technologiques et capable d’avoir une réflexion stratégique sur ces sujets. Ce sont le plus souvent des juristes que l’on a fait monter sur ces sujets par recrutement interne parce qu’il faut parfaitement connaître l’entreprise et être opérationnel tout de suite. »

L’offre de services en externe, « un marché de pionniers »

En France, l’offre de services en Legal Operations est encore « un marché de pionniers qui se sont formés tous seuls, de façon très empirique », relève Arthur Sauzé. Deux grands profils se distinguent : les prestataires issus du monde du consulting qui se sont spécialisés dans les problématiques d’organisation des professions juridiques et les juristes passés par le monde de la Legal Tech. « Ce sont deux portes d’entrée et je ne pense pas qu’un profil soit meilleur que l’autre. Chacun peut se former à la partie du métier qui n’est pas son métier d’origine. »

The Legal Ops Company accompagne « les directions juridiques et compliance qui n’ont pas de Legal Ops Manager en interne ainsi que celles qui en ont un et qui ont parfois besoin de renforts extérieurs sur un projet », précise Émilie Letocart-Calame. L’accompagnement se fait sous forme de missions assurées par des membres du cabinet, en détachement. « Ce sont tous d'anciens juristes d’entreprise, excepté mon associé qui est un ancien avocat. Nous sommes huit et nous serons bientôt dix. » Les missions peuvent durer de 6 à 18 mois. « Le volet conseil sur le choix de la solution ne représente qu’une petite partie du travail, le cœur de notre mission c’est véritablement l’implémentation de la solution choisie. »

Un marché convoité par les Big Four

Dynamique, ce marché attire de nouveaux entrants aux profils bien différents de celui des pionniers. Dernièrement, les Big Four ont en effet tous annoncé que leur stratégie visait la transformation du Legal, avec le déploiement d’une offre de services qu’ils proposent déjà sur certains marchés. « Les Big Four font déjà du droit, du consulting et de l’audit, et ils ont très vite saisi le caractère transverse du conseil en Legal Operations », relève Arthur Sauzé. Reste à trouver les compétences pour porter cette nouvelle offre sur le marché français, où « il y a peu de profils expérimentés », relève-t-il.

« Il était très important pour nous d’être dans l’écosystème avocats de PwC plutôt que dans son écosystème consulting, tout en pouvant s’appuyer sur la puissance du réseau pour les plus gros projets », relève Olivier Chaduteau, qui a « discuté avec un autre Big » avant de choisir PwC. De même, le cabinet d’Émilie Letocart-Calame est une cible de premier choix pour qui veut investir ce marché.

« Nous avons été approchés par des Big Four mais nous n’avons pas donné suite car la question de l’indépendance est cardinale pour nous, c’est notre driver numéro un. »

* PwC Legal Business Solutions est une filiale “loi Macron” de PwC Société d’avocats, une entité qui permet à un cabinet d’avocats de proposer des services connexes à son activité principale.

Miren Lartigue
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