Les bonus de Carlos Ghosn pourraient-ils échapper aux votes des actionnaires ?

Les bonus de Carlos Ghosn pourraient-ils échapper aux votes des actionnaires ?

19.06.2017

Gestion d'entreprise

Le montage proposé au PDG de Renault-Nissan, par un cabinet de conseils, pourrait permettre de passer outre les obligations de la loi Sapin II sous conditions.

Jeudi 15 juin, un nouveau « couac » a été évité lors de l’assemblée générale des actionnaires du groupe Renault. Contrairement à l’année dernière, un vote favorable a été accordé sur la rémunération de Carlos Ghosn, président-directeur général (PDG) du groupe, au titre de l’année 2016 (à 53 %) [En 2016, les actionnaires du groupe, dont l’État français, avaient donné un avis négatif sur sa rémunération 2015. Tout d’abord maintenue par le Conseil d’administration, elle avait été abaissée, sous la pression du Haut comité de gouvernement d’entreprise (HCGE) notamment, ndrl]. Pourtant, quelques jours plus tôt, l’agence Reuters révélait un projet de montage permettant au PDG de Renault-Nissan d’envisager un futur moins contraignant. Une proposition faite par le cabinet de conseils Ardea Partners, pourrait lui permettre, un jour, de passer outre le vote des actionnaires sur une partie de sa rémunération. Même si pour l’instant rien n’est acté, le montage serait-il capable de mettre à mal les dernières obligations nées de la loi Sapin II ? Cas pratique.

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C’est passé tout juste. « Les résolutions sur les éléments de rémunération de Carlos Ghosn ont été approuvées avec une très faible majorité », analyse Alexandre Omaggio, avocat associé chez FTPA, à la lecture des résultats des votes des actionnaires. Pour la campagne 2017 des assemblées générales de sociétés cotées, le vote ex-post sur la rémunération individuelle des dirigeants restait consultatif, conformément au code Afep-MEDEF. Celui sur la politique générale de rémunération pour l’année à venir (vote ex-ante), devenait lui contraignant, conformément à la loi Sapin II (voir notre article). Dans les deux cas, les résolutions concernant Carlos Ghosn ont été adoptées. Mais en 2018, l’un et l’autre deviendront obligatoires. Et si un vote négatif sur la politique générale de rémunération ne sera pas fondamentalement bloquant, un vote ex-post défavorable conduira au versement de la seule partie fixe du salaire du dirigeant. Les revenus variables et exceptionnels, eux, ne le seront pas (voir notre article).

Pas de contrôle de Renault, pas de vote des actionnaires

Qu’a proposé le cabinet Ardea Partners à Carlos Ghosn ? Selon Reuters, le PDG de Renault-Nissan pourrait toucher une partie de ses bonus via une nouvelle société néerlandaise, New Co, détenue à 100 % par une fondation. La société de services toucherait 8 % des synergies réalisées par l’alliance passée entre Renault-Nissan et Mitsubishi. Avant de reverser le tiers de cette somme aux six principaux managers de l’alliance. Selon Alexandre Omaggio, « La société de services de droit néerlandais ne serait apparemment pas contrôlée par Renault, ni par un dirigeant concerné. Le schéma, dont les contours ne sont pas totalement précisés, pourrait alors permettre d’échapper au vote des actionnaires sur la rémunération des dirigeants ». Et qu’implique la détention de New Co par une fondation ? « Dans certains pays, notamment aux Pays-Bas, il est possible de mettre en place ce type de véhicule dénué de capital social (sans actionnaires). La fondation n’étant pas contrôlée par Renault ou l’un de ses dirigeants, et si leur interposition n’est pas établie, on éviterait le vote (ex ante et ex post) des actionnaires sur les éléments de rémunération des dirigeants ». La directive européenne sur les droits des actionnaires rendrait-elle alors illégal un tel type de montage ? Probablement pas non plus, puisque la loi Sapin II est plus contraignante que le texte européen (voir notre article).

Pour l’instant, Carlos Ghosn a assuré qu’aucune décision n’a été prise sur la proposition d’Ardea Partners. « Nous ne sommes pas près de prendre des décisions de ce genre », aurait-il déclaré devant l’assemblée des actionnaires de Renault « précisant que le sujet n’avait été analysé ni par le comité exécutif, ni par le conseil d’administration », a révélé Reuters jeudi.

 

 

Sophie Bridier
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