"Les cabinets préfèrent prendre plus de temps dans leur recrutement"

"Les cabinets préfèrent prendre plus de temps dans leur recrutement"

23.01.2025

Gestion d'entreprise

Frein des cabinets à embaucher des collaborateurs qui changent souvent d'employeur, effort sur l'accueil des nouveaux salariés, contractualisation des packages de rémunération... Julia Schneider, manager executive senior chez Hays France, analyse les tendances 2025 du marché de l'emploi dans le secteur audit et expertise comptable.

Comment se porte le marché de l’emploi dans le secteur audit et expertise comptable ?

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La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...

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Le marché est plus compliqué. Cela fait 4-5 années que les experts-comptables ne sont plus les décisionnaires, ce sont les candidats qui font le marché. Et aujourd’hui, on ressent un frein de la part des experts-comptables à embaucher des personnes qui font des sauts de puces, c’est-à-dire qui changent tous les ans ou deux ans d’employeur. On observe un ralentissement sur l’envie de recruter ce type de candidats, de miser sur eux pour une courte période. Les cabinets préfèrent prendre plus de temps, être sûrs de trouver quelqu’un qui va vraiment intégrer l’entreprise et qui a un parcours non hachuré.

Au niveau des rémunérations, la hausse des salaires se poursuit mais elle reste minime par rapport à ce qu’on a connu sur les dernières années.

Votre dernière étude de rémunérations, publiée le 21 janvier, constate une hausse des salaires plus marquée sur les profils seniors. C’est une tendance nouvelle ?

En fait, nous avons noté une augmentation des salaires depuis quelques années sur les profils seniors. Ce sont des candidats un peu plus rares sur le marché. Après trois à six ans, ils ont tendance à vouloir quitter le monde des cabinets au profit de l’entreprise. Donc ils jouent sur le fait que la rareté se paie. Il s’agit en particulier des auditeurs seniors et des collaborateurs comptables confirmés.

La hausse des salaires se poursuit mais reste minime par rapport aux années précédentes

Comment les cabinets s’adaptent à cette nouvelle donne ? Que font-ils pour garder ces profils ?

Déjà, les cabinets ont revu leur grille interne de rémunérations pour suivre l’inflation, et ce pour tous les grades (y compris les juniors). Ensuite, ils font un gros travail sur toute la partie onboarding [accueil et intégration d’un nouveau salarié] et évaluation pour accompagner ces profils seniors. Les cabinets font également beaucoup d’efforts sur l’équilibre vie professionnelle – vie privée : ils sont nombreux à avoir pris le tournant du télétravail, avec une moyenne de deux jours par semaine. Certains proposent même le full remote (100 % télétravail) ou un maximum de quatre jours par semaine. De plus, les cabinets mettent en avant, sur l’expertise comptable par exemple, les diversités de missions et la partie accompagnement et conseil qu’on peut prodiguer aux clients.

Vous relevez que les cabinets font preuve d’ouverture sur la formation académique des candidats : le diplôme (DCG et DSCG) est de moins en moins un critère discriminant à l’embauche. Pour quelles raisons ?

Les formations DCG et DSCG sont toujours demandées, de même que les masters CCA et les écoles de commerce. Tout dépend le métier exercé. Mais nous avons de plus en plus d’exemples de cabinets qui préfèrent prendre un candidat qui n’a pas le diplôme escompté mais qui a un parcours de cinq ans dans le même cabinet, plutôt qu’un candidat avec un DCG-DSCG avec cinq ans d’expérience dans quatre cabinets différents.

Les cabinets veulent miser sur la stabilité dans la structure. Ils reprochent souvent aux candidats qui veulent changer au bout d’un an ou deux d’invoquer comme raison de départ "j’ai fait le tour de la mission, je maîtrise et je veux voir autre chose". Les cabinets partent du principe qu’en un ou deux ans on ne peut pas maîtriser l’intégralité de son portefeuille, chaque année étant différente ainsi que l’environnement politique et économique. Donc les cabinets vont aujourd’hui regarder l’expérience avant le diplôme. Sauf, évidemment, pour les postes à caractère d’association : là, on va forcément rechercher les experts-comptables diplômés ou les commissaires aux comptes diplômés.

Quelles sont les nouvelles compétences recherchées par les cabinets ?

L’appétence informatique devient une compétence intéressante pour les cabinets parce qu’eux-mêmes développent aussi, avec l’intelligence artificielle, des logiciels tels que Power-BI. Ce sont des choses qui aujourd’hui peuvent permettre à un candidat de se distinguer par rapport à un autre candidat à niveau égal en termes d’expérience.

Les cabinets vont aujourd’hui regarder l’expérience avant le diplôme

L’intelligence artificielle bouleverse (notamment) les métiers comptables. Cet outil devient-il un élément d’attractivité pour certains cabinets avancés sur le sujet ?

Les candidats parlent de full dématérialisation, c’est-à-dire qu’ils recherchent des environnements totalement dématérialisés et modernes. Ils ne veulent plus intervenir sur la "saisie papier" et veulent avoir des logiciels qui leur permettent d’optimiser leur temps de travail. Les cabinets qui ne sont pas en full dématérialisation ont beaucoup plus de mal à recruter car on est sur une population de collaborateurs beaucoup plus avancés sur les nouvelles technologies. 

Pendant les entretiens de recrutement, l’IA est-elle discutée et mise en avant par les cabinets ?

J’ai certains clients qui parlent de l’IA pendant l’entretien parce que c’est important pour eux d’avoir des personnes qui maîtrisent ce sujet mais ce n’est pas une généralité. Cependant, les cabinets regardent les logiciels utilisés par les candidats et leur appétence informatique. L’IA est un sujet qui commence à émerger doucement mais sûrement.

Avez-vous observé d'autres tendances, notamment en matière de rémunération ?

Des cabinets contractualisent de plus en plus les packages de rémunérations. D’autres ne contractualisent pas les primes et essaient après de mettre en place des primes sur apport par exemple. Les cabinets recherchent aussi de plus en plus une compétence commerciale, quel que soit le niveau, parce que cela permet de développer de nouvelles missions et de nouvelles compétences pour le cabinet. Et quand on demande une appétence commerciale, c’est soumis à rémunération derrière en fonction de ce qui a été apporté ou non.

Propos recueillis par Céline Chapuis
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