Les chantiers 2020 de Muriel Pénicaud

Les chantiers 2020 de Muriel Pénicaud

07.01.2020

Gestion du personnel

Restructuration des branches professionnelles, santé au travail, élections TPE, égalité professionnelle... En plus de la difficile réforme des retraites, plusieurs sujets très délicats vont vite s’imposer à la ministre du travail cette année. Le point sur les nouveaux défis qui attendent Muriel Pénicaud sur le front de l'emploi, du travail et de la formation professionnelle.

L'année qui vient s'annonce chargée pour la ministre du travail ! Pilotage de nouveaux chantiers, reprise de concertations qui traînent, suivi des dernières réformes votées... Muriel Pénicaud ne devrait pas chômer en 2020. 
Les projets de loi

La ministre du travail sera-t-elle moins présente sur les bancs du Parlement cette année ? Rien n'est moins sûr. 

Retraite

Alors que le projet de loi sur les retraites doit être présenté le 24 janvier en Conseil des ministres, comme l'a confirmé hier la porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye, il reste plusieurs sujets à déminer. Muriel Pénicaud et Agnès Buzyn, ainsi que deux secrétaires d’Etat, Laurent Pietraszewski, chargé des retraites, et Olivier Dussopt, en charge de l’action et des comptes publics, recevront à nouveau, à partir d’aujourd’hui, les partenaires sociaux pour caler les derniers arbitrages. Il sera question de pénibilité et de gestion des fins de carrière. Sur le premier sujet, les discussions tourneront autour de trois objectifs, selon le communiqué de Matignon : "partager les impacts sur l’évolution des seuils relatifs à la pénibilité" ; "renforcer les actions en matière de prévention de la pénibilité" ; "construire des dispositifs de reconversion pour les salariés exposés longtemps à la pénibilité". Les organisations syndicales souhaitent réintégrer les quatre critères qui avaient été écartés en 2017 : le port de charges lourdes, les postures pénibles, les vibrations mécaniques et les agents chimiques dangereux. Pour l’heure, le gouvernement a seulement fait des concessions sur le travail de nuit, en abaissant les seuils actuels (la pénibilité sera reconnue à partir de 110 nuits par an au lieu de 120 aujourd’hui). L’autre sujet portera sur la construction d’"une stratégie globale pour le maintien dans l’emploi des seniors" (voir ci-dessous). Une nouvelle journée interprofessionnelle de manifestations et de grève est prévue jeudi. L’appel a été lancé par la CGT, FO, la CFE-CGC, Solidaires et FSU.

Diverses mesures d'ordre social

L'exécutif poursuit sa réforme du droit social en proposant un nouveau projet de loi, présenté le 13 novembre dernier en Conseil des ministres. Destiné en premier lieu à ratifier trois ordonnances issues de la loi Avenir professionnel, le texte introduit également des mesures hétéroclites visant le droit du travail (travail détaché, taux de cotisation dans le BTP, autorisation du travail de nuit dans les commerces de détail alimentaire, prolongation de l’expérimentation de CDD successifs…). Il comprend aussi des dispositions sur le dialogue social dans l'entreprise et la négociation collective de branche. Le texte prévoit ainsi que les branches ayant fait l'objet d'un accord de regroupement puisse obtenir un délai de sept ans avant que leur soient appliquées les dispositions conventionnelles communes. Aujourd'hui, ce délai est de cinq ans. La date d'examen à l’Assemblée nationale n’a pas encore été communiquée.

Les rapports

La ministre du travail se verra remettre plusieurs rapports importants, dont un au moins se fait attendre. 

Restructuration des branches

Sur le chantier de la restructuration des branches, une nouvelle étape devrait être franchie cette année avec la remise du rapport de Pierre Ramain, maître des requêtes au Conseil d'Etat. Le rapport devait initialement être remis en juillet. Puis en septembre. Mais sa remise est encore retardée, notamment en raison de la décision du Conseil constitutionnel qui oblige le législateur à revoir sa copie.

Dans le cadre du bilan de la négociation collective 2018, les partenaires sociaux ont été invités à dresser un bilan de l'année écoulée en matière de négociation collective. Plusieurs craintes ont été pointées, en matière de négociation collective alors que de profonds changements sont en cours avec les ordonnances Travail du 22 septembre 2017 et la restructuration des branches.

Maintien dans l’emploi des seniors

Muriel Pénicaud devrait recevoir mi-janvier un rapport sur le maintien dans l'emploi des seniors de Sophie Bellon, présidente de Sodexo, de Jean-Manuel Soussan, DRH de Bouygues construction et d’Olivier Mériaux, consultant au sein du cabinet Plein Sens (ex directeur général adjoint de l'Anact). Ils sont chargés, d’après la lettre de mission d’Edouard Philippe, d’évaluer "les leviers les plus efficaces" pour le maintien dans l’emploi des seniors. Car si "de bonnes pratiques existent, celles-ci sont insuffisamment reconnues et partagées", souligne la lettre de mission. De même, "en matière de politiques publiques, une large gamme d’actions a été mobilisée ces dernières années avec des succès très divers". Parmi les sujets à regarder de près, "les gestions des fins de carrière, les passerelles entre diverses formes d’activités, les transitions plus progressives entre activité et retraite". L'objectif étant d'"explorer pleinement les actions concrètes susceptibles d'être déployées par tous les acteurs, entreprises, branches, partenaires sociaux, pouvoirs publics...". Certaines propositions pourraient nourrir le futur projet de loi sur les retraites.

Validation des acquis de l'expérience

La ministre du travail a confié, en concertation avec Agnès Buzyn, Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, Jean-Michel Blanquer, ministre de l'Education nationale, et son secrétaire d’Etat, Gabriel Attal, une mission afin de donner "un nouveau souffle" à la VAE à trois experts. Il s’agit de Claire Khecha, directrice générale de l’Opco Constructys (construction), de David Rivoire, président du cabinet VAE "Les 2 rives" et de Yanic Soubien, ancien vice-président du conseil régional de Basse-Normandie en charge de la formation professionnelle.  Notant que ce "droit à faire reconnaître les compétences acquises tout au long de sa vie professionnelle reste encore trop peu utilisé", après "bientôt 18 ans d’existence", la lettre de mission (voir ci-dessous), en date du 19 décembre, demande aux trois experts d’"identifier l’ensemble des points de blocage" et de "formuler des propositions d’évolutions concrètes du dispositif". Parmi les pistes de réflexion, comment mieux utiliser la VAE pour répondre aux problématiques de l’adaptation des compétences des personnes occupant des emplois menacés ? Renforcer et encadrer les pratiques d’accompagnement ? Mieux organiser les validations partielles par bloc de compétences ? Ou encore financer le dispositif pour le rendre plus efficace ? Le diagnostic et le plan d’action sont attendus pour ce mois-ci.

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Les concertations

Parallèlement aux concertations sur la réforme des retraites, Muriel Pénicaud devra suivre de près d'autres concertations. 

Seniors

La première y est étroitement liée. En parallèle du rapport sur la maintien des seniors dans l’emploi, une concertation ad hoc sera ouverte en janvier avec les partenaires sociaux, a annoncé en décembre la ministre du travail Muriel Pénicaud. "C'est une concertation qu'on va avoir avec les partenaires sociaux en janvier après un rapport qu'on va recevoir prochainement", a indiqué la ministre, sur BFM TV, au sortir d'un entretien avec Sophie Bellon, chargée de la mission par le Premier ministre. "C'est un sujet très important qui fait partie du sujet de la réforme des retraites. Travailler plus longtemps parce qu'on vit plus longtemps c'est logique mais par contre, il faut pouvoir avoir un travail", a souligné Muriel Pénicaud. Le taux d'emploi des seniors en France est l'un des plus bas d'Europe. Seulement 30 % des 60-64 ans sont encore en emploi, contre 42 % en moyenne dans l'Union européenne, selon un rapport France Stratégie d'octobre 2018.

Santé au travail

La nouvelle réforme de la santé au travail devrait se remettre en marche en 2020, après plusieurs mois de statu quo. En effet, les partenaires sociaux du Conseil d'orientation des conditions de travail chargés de définir les grandes lignes du projet n'étaient pas parvenus à un accord lors de leurs réunions cet été. Le Medef a annoncé que les discussions allaient reprendre en cette nouvelle année, avec des négociations articulées autour de trois chapitres : prévention, qualité de vie au travail et organisation et gouvernance des services de santé au travail. Les rapports rendus récemment au sujet de la santé, en particulier le rapport de la députée Charlotte Lecocq, devraient servir de base aux échanges.

Travail de nuit

Le gouvernement a annoncé, en novembre, une concertation sur le travail de nuit dans les commerces, à l’occasion de la présentation de l’avant-projet de loi portant sur mesures d’ordre social. Le gouvernement avait fait figurer dans ce texte une modification des règles applicables au travail de nuit en ajoutant à la liste de secteurs pouvant y déroger les commerces de détail alimentaire situés en dehors des zones touristiques internationales. Dans ces commerces, le travail de nuit ne commencerait pas à 21 h mais à minuit, à condition que les entreprises négocient un accord pour faire bénéficier les salariés de contreparties. Face aux contestations des organisations syndicales, le gouvernement a indiqué vouloir passer par une ordonnance, "qui fera l'objet d'une concertation préalable", pour "adapter le travail en soirée aux nouveaux modes de consommation".

Encadrement

Les partenaires sociaux ont prévu de se revoir les 17 janvier et 5 février 2020. Mais la négociation, entamée fin 2017, se heurte toujours aux mêmes obstacles : si les organisations syndicales souhaitent que ces discussions soient l’occasion de graver dans le marbre une nouvelle définition de l’encadrement au niveau national interprofessionnel, adaptée aux nombreuses évolutions de la situation des cadres, les organisations patronales y sont totalement opposées. Lors de la dernière séance, le 29 novembre, le patronat a proposé aux syndicats un document de travail, listant 14 orientations en faveur des cadres sur différents enjeux, en particulier sociétaux, socio-économiques et organisationnels et managériaux. Les organisations syndicales ont prévu de travailler individuellement et en intersyndicale pour "donner de la substance" aux 14 enjeux identifiés avant le 17 janvier. Mais elles craignent un risque d’enlisement.

Violences conjugales

Les partenaires sociaux du Conseil d'orientation des conditions de travail (Coct) se réuniront pour définir la façon d'intégrer la thématique des violences conjugales au plan national de santé au travail 2020/2024 ainsi qu'à ses déclinaisons régionales. Un groupe de travail sera chargé d’intégrer ce thème au guide relatif à l’égalité professionnelle destiné aux TPE et PME. Le sujet sera également intégré au cahier des charges du label égalité professionnelle. 

Le suivi des réformes 

Adopter des lois est une chose, en assurer l'application en est une autre. La ministre du travail sera également très occupée cette année par le suvi de plusieurs réformes symboliques du quinquennat. 

Egalité professionnelle

Déjà obligatoire pour toutes les entreprises de plus de 250 salariés, l’index de l’égalité professionnelle devra être mis en œuvre par les entreprises de plus de 50 salariés à compter du 1er mars. Les entreprises de cette taille devront calculer et transmettre au ministère du travail seulement quatre indicateurs au lieu des cinq prévus pour les entreprises plus grandes. Un simulateur proposé par la ministre du travail permet de calculer en ligne le score d’index d’une entreprise. Le mois de mars sera également l'occasion, pour le ministère du travail, de faire le bilan de la première année du dispositif dans les grandes entreprises.

Bonus-malus

Conformément à l’arrêté du 27 novembre 2019, sept secteurs sont concernés par une variation des cotisations patronales d’assurance chômage, en fonction de leur recours à des contrats de travail de courte durée, dans une fourchette allant de 3,0 % à 5,05 %. Il s’agit de ceux dont le taux médian (calculé à partir du nombre de contrats de travail donnant lieu à une inscription à Pôle emploi, incluant les fins de CDD, de CDI, de contrats d’intérim mais aussi d’apprentissage ou de ruptures conventionnelles) dépasse les 150%. Le ministère du travail a mis en ligne, le 23 décembre, un simulateur, pour aider les entreprises à calculer leur taux de contribution sur la cotisation assurance chômage, en renseignant le nombre de ruptures de contrats (dont l’intérim) et ses effectifs. Ce taux, calculé en 2020, sera appliqué le 1er mars 2021 et chaque année suivante à la même date

Formation 

Pas de nouveau big bang cette année, mais un suivi vigilant du déploiement de  la loi Avenir professionnel du 5 septembre 2018. Le ministère travaille notamment à l’intégration des offres de formation en apprentissage sur les plateformes d’orientation des collégiens (Affelnet) et lycéens (Parcoursup). Cette première étape devrait être atteinte en janvier prochain pour Parcoursup et en avril pour Affelnet.

Côté CPF, la ministre devrait tester rapidement la "V2" de l’application. Celle-ci intégrera les procédures d’abondements extérieurs : ceux de Pôle emploi au printemps ; ceux des entreprises mais aussi des fondations à l’été. L’occasion pour les employeurs d’engager des négociations sur leurs politiques d’abondements afin de financer leur plan de développement des compétences. Le ministère du travail estime qu’Uber devrait être parmi les premières entreprises à se saisir de cette opportunité en mettant en place un abondement pour ses chauffeurs. De même, le ministère indique que des fondations philanthropiques pourraient vouloir promouvoir certaines formations, notamment digitales, en versant des abondements ciblés sur certains publics ou certaines formations, par exemple, "en proposant 1 000 euros aux 1 000 premières personnes inscrites dans un cursus numérique".

Elections TPE

En fin d'année, Muriel Pénicaud devra organiser le nouveau scrutin des élections professionnelles dans les TPE (très petites entreprises) qui aura lieu du 28 novembre au 12 décembre. Ce scrutin concerne 4,5 millions de salariés des entreprises de moins de 11 personnes, et participe à la mesure de la représentativité des syndicats.

Anne Bariet et Laurie Mahé Desportes
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