Les conditions d'octroi de garanties par une société mère à ses filiales sont assouplies

18.09.2019

Gestion d'entreprise

La loi n° 2019-744 du 19 juillet 2019, de simplification, de clarification et d'actualisation du droit des sociétés prévoit désormais qu'une société anonyme peut se porter garante des engagements de sa filiale envers les tiers plus facilement. Notamment, l'autorisation d'octroyer la garantie peut être donnée sans limitation de montant.

Le régime antérieur à la loi n° 2019-744 du 19 juillet 2019, de simplification, de clarification et d'actualisation du droit des sociétés
Principe et état des lieux

Aux termes des articles L. 225-35 et L. 225-68 du code de commerce, les cautions, avals et garanties donnés par des sociétés anonymes autres que celles exploitant des établissements bancaires ou financiers font obligatoirement l’objet d’une autorisation préalable donnée au directeur général par le conseil d’administration pour les SA pourvues d’un tel conseil ou au directoire par le conseil de surveillance pour les SA à directoire. Le conseil donne l’autorisation d’octroyer l’engagement au directeur général ou au directoire dans la limite du plafond qu’il fixe (C. com., art. R. 225-28 et R. 225-53).

Les entreprises régies par le code des assurances étant autorisées (C. mon. fin., art. L. 511-6) à faire des opérations de crédit à titre habituel, y compris à consentir les cautionnements visés à l’article L. 313-1 dudit code, il en résulte que le représentant légal d’une société d’assurances peut, sans autorisation du conseil d’administration, ou selon le cas du conseil de surveillance, consentir valablement un cautionnement (CA Paris, 15e ch., sect. A, 11 janv. 2000, n° 1997/12478).

Remarque : la forme et le contenu de l’autorisation visée dans les articles L. 225-35 et L. 225-68 précités sont précisés par les articles R. 225-28 et R. 225-53 du code de commerce.

Cette autorisation peut être spéciale au cautionnement accordé, dont elle indique alors notamment le montant, ou donnée pour un montant global pour la période annuelle en cours. Dans l’un ou l’autre cas, la durée de l’autorisation donnée au directeur général ou au directoire ne peut être supérieure à un an. Ce délai d’un an ne vise que la période durant laquelle l’autorisation est utilisable et non la durée de validité du cautionnement, laquelle est déterminée par l’acte de cautionnement et peut donc être illimitée. Si l’autorisation du conseil ne peut être donnée, selon les textes, qu’au directeur général ou au directoire, l’un comme l’autre peut cependant déléguer le pouvoir qu’il a reçu. Dans le cas d’une autorisation globale donnée par le conseil pour une année, même si des cautions ont été délivrées par la SA pour un montant total supérieur à la limite fixée pour cette période, le dépassement ne peut être opposé au créancier qui n’en a pas eu connaissance, à moins que le montant du cautionnement demandé n’excède, à lui seul, la limite fixée par le conseil. Cette inopposabilité présente une sécurité pour le créancier qui n’a donc pas à demander à la SA le montant des cautionnements qu’elle peut avoir souscrits (sur le cautionnement donné par une société, v. aussi : P. Bouteiller, JCPE 2000, nos 51-52, p. 2043).

Remarque : un engagement de substitution de cautionnement, contracté par une société anonyme rachetant les actions d’une autre société, s’analyse comme un engagement autonome nécessitant l’accord préalable du conseil d’administration ( Cass. com., 15 janv. 2013, n° 11-27.648, n° 36 F - P + B : Bull. civ. IV, n° 11).

Cette autorisation préalable est essentielle à la validité du cautionnement puisqu’en son absence la jurisprudence déclare le cautionnement inopposable à la société (Cass. com., 15 janv. 2013, n° 11-27.648, n° 36 F - P + B, Bull. civ. IV, n° 11 ; Cass. com., 8 déc. 1998, JCPG 1999 II, n° 21230). Il en résulte que le créancier bénéficiaire de la garantie, ne peut s’en prévaloir sans qu’il lui soit au surplus possible de demander au conseil d’administration ou de surveillance de la SA de ratifier a posteriori l’engagement ainsi pris par son représentant, sans autorisation.

Il convient de souligner que le dirigeant qui consent, sans autorisation régulière, un engagement au nom de la société n’engage pas, en principe, sa responsabilité personnelle à l’égard du créancier, cette faute n’étant pas séparable de ses fonctions, sauf au bénéficiaire du cautionnement de démontrer que le dirigeant avait parfaitement conscience de l’inopposabilité de la garantie à la société et qu’il s’agit donc d’une faute intentionnelle (Cass. com., 20 oct. 1998, n° 96-15.418, n° 1576 P : Bull. civ. IV, n° 254). A ce titre, si la société est engagée envers les tiers même par les actes du président qui ne relèvent pas de l’objet social, à moins qu’il ne soit démontré que le tiers savait que l’acte dépassait cet objet ou qu’il ne pouvait l’ignorer compte tenu des circonstances, cette preuve ne peut résulter du seul fait que le créancier aurait exigé que soit remis, lors de la signature de l’acte de cautionnement, le procès-verbal de l’assemblée générale de la société autorisant son président à se rendre caution (Cass. com., 19 sept. 2018, n° 17-17.600).

En pratique

Le créancier doit donc agir prudemment en exigeant la production d’une copie certifiée conforme du procès-verbal du conseil d’administration ou de surveillance ayant habilité le directeur général ou le directoire à délivrer le cautionnement, afin de pouvoir s’opposer à toute contestation (CA Riom, ch. com., 29 janv. 2003, RD bancaire et fin., n° 6, nov.-déc. 2003, p. 365).

Toutefois, faute d’avoir conservé une copie de l’extrait du registre de la délibération autorisant le dirigeant, le créancier peut faire valoir ses droits en demandant que soit communiqué par la société le registre des délibérations dans lequel figure la délibération autorisant le cautionnement (Cass. com., 5 mars 1996 : Bull. civ. IV, n° 77). Cela permet également au créancier de s’assurer que le cautionnement qui sera délivré n’excède pas les limites en montant, fixées dans l’autorisation du conseil. Il a été jugé (CA Paris, ch. 3, 14 mars 2003 : RD bancaire et fin., n° 6, nov.-déc. 2003, p. 365) que le bénéficiaire du cautionnement souscrit par une SA ne peut prétendre au paiement par la société caution des intérêts de retard dès lors que le conseil d’administration n’avait autorisé le cautionnement de la société que pour un montant en principal et intérêts.

Le régime institué par la loi 2019-744 du 19 juillet 2019, applicable depuis le 21 juillet 2019

Conformément au texte de l’article 14 de la loi du 19 juillet 2019 modifiant les articles L. 225-35 et L. 225-68 du code de commerce, le principe de limitation de montant des garanties consenties, est intégré dans la partie législative du code de commerce (C. com., art. L. 225-35, al. 4 et L. 225-68, al. 2).

Par ailleurs, le conseil d’administration ou le conseil de surveillance de la société anonyme peut :

  • octroyer une autorisation globale et annuelle sans limite de montant pour garantir les engagements pris par les sociétés contrôlées au sens de l’article L. 233-16, II du code de commerce ;
  • autoriser le directeur général ou le directoire à donner, globalement et sans limite de montant, des cautionnements, des avals et des garanties pour garantir les engagements pris par les sociétés contrôlées au sens du même texte, mais le directeur général ou le directoire doit alors en rendre compte au conseil au moins une fois par an.

Le contrôle ici visé est le contrôle exclusif résultant :

  • soit de la détention directe ou indirecte par la société anonyme de la majorité des droits de vote dans sa filiale ;
  • soit de la désignation par la société anonyme, pendant deux exercices successifs, de la majorité des membres des organes de direction ou de surveillance de la filiale, ce qui est présumé être le cas lorsque la société mère a détenu, directement ou indirectement, plus de 40 % des droits de vote dans la filiale et qu’aucun tiers ne détient une fraction supérieure à la sienne.
Remarque : Cette mesure permet notamment aux filiales de sociétés françaises à l'étranger de répondre plus rapidement à des appels d'offres internationaux, pour lesquels sont souvent exigées des garanties de la part des sociétés mères couvrant les obligations de leurs filiales dans le cadre de ces contrats.

La loi énonce également que le directeur général ou le directoire peut être autorisé à donner, à l’égard des administrations fiscales et douanières, des cautionnements, avals et garanties au nom de la société, sans limite de montant  (L., art. 14, 1°-b et 2°-b). Cette exception auparavant prévue aux articles R. 225-28, al. 3 et R. 225-53, al. 3 du code de commerce, figure désormais aux articles L. 225-35, al. 4 et L. 225-68, al. 2 précités.

Patrice Bouteiller, Docteur en droit, Senior of Counsel, Cabinet Ravet et Associés

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